Accueil Culture Festival de Cannes — Section parallèle  ACID: La Tunisienne Sonia Ben Slama imprime sa marque

Festival de Cannes — Section parallèle  ACID: La Tunisienne Sonia Ben Slama imprime sa marque

La présence féminine tunisienne assez distinguée cette année à la 76e édition du Festival de Cannes ne semble pas jusque-là passer inaperçue. Si Kaouther Ben Hania signe avec son film «Les filles d’Olfa» une entrée en force dans la cour des grands pour être la première cinéaste femme tunisienne en lice pour la Palme d’Or, un autre nom prometteur fait parler de lui dans cette édition 2023: Sonia Ben Slama autour de «Fatma et ses filles» dans «Machtat».


Les femmes sont au cœur des récits et les personnages principaux sont des femmes dans deux œuvres signées par deux femmes retenues par les programmateurs de l’Acid,  — l’une des plus importantes sections offrant visibilité à des œuvres insuffisamment diffusées en proposant une alternative à l’hyperconcentration et au regard unique : Kaouther Ben Hania en 2014 et Sonia Ben Slama en 2023.

Retenue dans la section parallèle «Acid» (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion) pour son film documentaire «Machtat», la Franco-Tunisienne Sonia Ben Slama attire déjà les regards notamment de la critique internationale.

En effet, sur les 9 films de la programmation choisie par l’Acid dans le cadre de la 76e édition du Festival de Cannes un est tunisien. Il s’agit de «Machtat» de Sonia Ben Slama, deuxième cinéaste femme tunisienne, après Kaouther Ben Hania en 2014 avec «Le challat de Tunis» à passer par l’Acid. Projeté mercredi dernier à la salle cannoise «Les Arcades 1», le long-métrage (82 mn), signé au niveau du scénario et de la réalisation par Sonia Ben Slama, est une coproduction 2023 à quatre : Tunisie, Liban, France et Qatar.

L’histoire se passe à Mahdia, Fatma (Fatma Khayat) et ses filles, Najeh (Najeh Ghared) et Waffeh (Waffeh Ghared), travaillent comme «Machtat», musiciennes traditionnelles de mariage. Tandis que l’aînée, divorcée, tente de se remarier pour échapper à l’autorité de ses frères, la plus jeune cherche un moyen de se séparer de son mari violent (synopsis).

Les programmateurs Acid en parlent

Argumentant la sélection de ce film, des cinéastes programmateurs 2023 de l’Acid, notamment Théodora Barat, Julien Meunier et Vanina Vignal, en parlent : « Lumière ocre de fin de journée, doux ressac d’une mer calme, Fatma, Najeh et Waffeh s’avancent en silence vers la Méditerranée qui borde leur quartier. Elles y trempent leurs mains, leurs nuques, avant d’abandonner à cette masse enveloppante leurs corps fatigués par le labeur. Leurs plongeons nous font percevoir les enfants qu’elles furent, ils contrastent avec la vie de ces  «Machtat» de mère en fille dans laquelle Sonia Ben Slama nous invite. Grâce à elle, «nous intégrons ce huis clos de musiciennes qui animent les cérémonies de mariage et qui, à travers leur art, veillent sur les futures mariées, leur chantant une ultime berceuse avant l’envol. Grâce à elles, leurs gestes, leurs attitudes, leurs verves et leurs élans nous parviennent avec force et nous déplacent. Le mariage est ici à la fois leur profession et l’endroit où leur vie intime est la plus difficile et la plus chaotique. C’est tout autant le lieu d’un savoir-faire que d’une perte de contrôle, là où tout semble leur échapper». Entièrement habité par ce paradoxe, «Machtat», un documentaire intimiste, est ainsi parcouru de grands sauts d’intensité, de moments de voltiges ou d’abattements, jusqu’à cette fin où la joie, la tristesse, le tourbillon et l’effondrement se retrouvent dans les mêmes plans, dans les mêmes corps… et elles dansent jusqu’à l’épuisement leur liberté».

La critique internationale : un film d’une force évocatrice

Après sa première mondiale à la 54e édition du festival «Visions du Réel» (à Nyon, Suisse, 2l-30 avril 2023), ce film, produit par Alter Ego Production et Khamsin film, lit-on sur le site d’actualités Cinéma, BD, Roman, Séries TV et Musique «AVoir-ALire», est «d’une grande force évocatrice. En à peine une heure vingt minutes, Sonia Ben Slama amène le spectateur dans le cœur contrasté d’une Tunisie qui adule ses chanteuses traditionnelles et les confine en même temps à la brutalité de leur condition féminine».

Pour ce troisième documentaire avec lequel elle signe un retour après six ans de silence, Sonia «offre une œuvre très écrite et élaborée, qui pourrait s’approcher d’une fiction».

Dans «Le Monde», Murielle Joudet titre «Sonia Ben Slama filme le quotidien de Fatma et ses filles marieuses désenchantées» et évoque une réalisatrice qui porte un regard plein d’élégance et de justesse sur la vie difficile de trois femmes en Tunisie… et c’est en observant les femmes au plus près qu’on peut dresser les contours d’une société patriarcale, dont l’arme la plus puissante a été toujours le mariage et son adjuvant, l’amour romantique, véritable chimère dispensée par les chansons et les sitcoms que regarde le trio».

Qui est Sonia Ben Slama?

Après des études de cinéma à l’Université Paris III où elle se spécialise sur la question du genre et de la représentation des femmes, Sonia Ben Slama travaille durant plusieurs années pour la télévision en tant que chargée de développement de programmes et réalisatrice. Documentariste franco-tunisienne, elle réalise son premier court-métrage documentaire «Regard d’aveugle». En 2015, elle réalise en Tunisie son premier long-métrage documentaire «Tout est écrit» (Maktoub ) pour raconter l’histoire du mariage de sa grand-mère il y a 70 ans dans une petite ville et du mariage de sa cousine aujourd’hui au même endroit. «Machtat», son deuxième long-métrage (2023) (et troisième dans le genre documentaire), s’inscrit dans la continuité de «Maktoub» et explore des thèmes similaires sous un angle différent. Du point de vue de trois musiciennes de mariage, le film soulève la question de la vie de femme dans une société patriarcale. Le film est présenté en avant-première en Compétition internationale longs métrages au Festival Vision du Réel 2023. Elle développe actuellement un nouveau projet documentaire  «316 North Main Street», tourné aux Etats-Unis.

Acid: visibilité pour des films dévoilant l’audace de cinéastes et la diversité de regards

Dans un marché cinématographique où les 10 premiers films occupent chaque semaine 93% des écrans, les cinéastes de l’Acid, créée en 1992, soutiennent et accompagnent chaque année une vingtaine de nouveaux longs métrages réalisés par d’autres cinéastes, français ou internationaux. Choisir ces films, c’est pour eux se poser la question du renouvellement et de la pluralité des regards en donnant de la visibilité à des œuvres insuffisamment diffusées

Dès 1993, les cinéastes ont décidé d’investir la vitrine professionnelle cannoise pour y montrer une section parallèle de longs métrages et convaincre de la place légitime de tous les films au sein du marché. La programmation se compose de neuf longs-métrages, fictions et documentaires, souvent sans distributeur, choisis par une quinzaine de cinéastes de l’association (adhérents, programmés à l’Acid Cannes les années précédentes). Ces films dévoilent l’audace des cinéastes et la diversité des regards qui composent la palette du cinéma indépendant en France et à l’étranger. Les films programmés à l’Acid Cannes sont ensuite accompagnés dans les différentes étapes de la diffusion: recherche de distributeur, promotion, programmation et accompagnement dans les 400 salles de cinéma partenaires de l’Acid, les festivals et lieux culturels partenaires d’une vingtaine de pays.

Sarra BELGUITH 

Charger plus d'articles
Charger plus par La Presse avec TAP
Charger plus dans Culture

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *