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Mendicité: Problème social ou phénomène sociétal ?

Y a-t-il une différence entre celui qui «loue» un gamin ou une gamine à la journée pour apitoyer les passants et faire la manche durant des heures sous un froid glacial ou sous un soleil de plomb et celui qui joue de la guitare, dans une station de métro, attendant les pièces que l’on lancera dans sa casquette ?


Que n’a-t-on pas écrit à propos de la mendicité qui prend de l’ampleur, non pas seulement en Tunisie, mais….dans bien d’autres pays, censés être plus à l’aise et où la couverture sociale est beaucoup plus sérieuse. Y a-t-il une pas de différence entre celui qui «loue» un gamin ou une gamine à la journée pour apitoyer les passants et faire la manche durant des heures sous un froid glacial ou sous un soleil de plomb et celui qui joue de la guitare, dans une station de métro, attendant les pièces que l’on lancera dans sa casquette ? Aucune !

La mendicité est un phénomène très présent dans les rues des mégalopoles, où l’on rencontre des hommes, des femmes et parfois des enfants en train de mendier. Ce sont des gens supposés être dans l’obligation de quémander l’aumône pour faire vivre leurs familles, en ces temps difficiles et où les conditions économiques, sociales et politiques ne sont nullement positives. Au point de remettre en question bien des considérations. Bien entendu, les effets de la pandémie, suivie par le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne, ne devraient en aucun cas être escamotés.

Le phénomène de la mendicité

C’est le cas sous nos cieux. Quelques chiffres publiés, bien qu’ils soient à vérifier, en disent long. L’Association de défense des droits de l’homme et de l’information a révélé qu’environ 4 mille mendiants dont 600 enfants sillonnent les rues du Grand-Tunis. Enorme ! Pourtant, la loi en vigueur est claire : «Est puni de 6 mois de prison celui qui simule des infirmités ou des plaies dans le but d’obtenir l’aumône. La peine est portée à un an contre : celui qui, dans le même but, use de menaces ou pénètre dans une habitation sans l’autorisation du propriétaire ; celui qui, mendiant, est trouvé porteur d’armes ou d’instruments de nature à procurer les moyens de commettre des vols, celui qui emploie à la mendicité un enfant âgé de moins de dix-huit ans. La peine sera portée au double si cette activité se fait sous forme de groupes organisés».

Ces milliers de mendiants, nous le supposons, connaissent cette loi. Du moins ceux qui ont fait de la mendicité un moyen de subsister sans trop d’efforts ou tout simplement un business florissant n’ignorent pas du tout ce à quoi ils s’exposent.

Ça devient une profession !

Et pourtant, ils continuent à quémander. Lors des vacances scolaires, les enfants-élèves sont associés à cette activité lucrative qui rapporte et où on ne paie ni taxes ni impôts. Il y a des mendiants qui «règnent» sur des zones bien particulières. Ils sont stationnaires. D’autres se déplacent, à pied, en vélomoteurs ou empruntent le métro ou le bus ou encore se font prendre en charge par leur époux ou le chef de bande dans le cas où il s’agirait de tout un réseau.

La mendicité est individuelle ou en groupe. Par nécessité ou parce que c’est tout simplement une profession, elle devient une organisation se trouvant à la limite du crime organisé. Il y a des actes de vengeance entre clans, des règlements de compte, des réactions criminelles qui donnent froid dans le dos. «Chaque fin d’après-midi, deux à trois personnes, une femme et deux hommes dont l’un est d’un âge avancé,  me ramènent de l’argent en monnaie. Leur recette va de trente à quarante-cinq dinars. Beaucoup plus le vendredi et les jours de fêtes. Ils opèrent autour du marché, du côté de la Poste et se pointent devant les mosquées aux heures des prières», nous confie un commerçant de l’Ariana. Alors, faites le compte tout en prenant en considération que c’est parfois toute une famille qui va sur le terrain.

“Il n’y a que les mendiants qui puissent compter leurs richesses”, avait dit William Shakespeare. Mais ce phénomène, en grande expansion, commence à inquiéter. Les passants se plaignent, les commerçants ne savent plus à quel saint se vouer, tandis que les responsables semblent hésiter sur les mesures à prendre pour enrayer cette poussée attentatoire à l’image du pays.

Honte de mendier

Au rond-point d’El Menazah, au feu rouge, un homme âgé est, on ne peut plus, clair et direct: «Oui, je mendie depuis ma mise à la retraite. Ma pension ne me suffit plus pour faire vivre ma famille et surtout me soigner. La Cnam ne me rembourse presque rien. A mon âge, je passe toute la journée dehors par tous les temps. C’est épuisant. Je suis fatigué. Je dois voir un cardiologue. On m’a donné un rendez-vous dans trois mois. J’ai le temps de mourir dix fois. Ma famille ne peut pas m’aider et même si j’ai honte de mendier je ne peux faire autrement».

Dans ces cas, la mendicité est-elle un phénomène social ou un problème sociétal ? La réponse se trouve, en partie, dans la déclaration de ce mendiant que nous avions surpris un jour en train de… lire les titres des journaux sur le présentoir d’un kiosque situé sur le chemin de «sa» zone d’action. Quelle solution pour lutter contre cette mendicité? La réponse n’est pas du tout facile, mais il faudrait sans aucun doute remonter très loin pour identifier les causes. Le décrochement scolaire, le chômage, la cherté de la vie, les difficultés que l’on éprouve pour se soigner, le coût des médicaments en hausse, l’absence ou la liquéfaction de l’autorité parentale, les grèves à répétition qui ont dégoûté les élèves et démoli bien d’entreprises, etc, sont, entre autres, des causes pressantes et qui demandent des solutions.

L’amélioration des conditions de vie

Il n’en demeure pas moins que la nécessité d’améliorer les conditions de vie des citoyens en situation précaire, les conditions de logement qui favorisent une promiscuité insalubre, l’absence d’eau potable, la nutrition insuffisante des enfants et, plus tard, leur bonne insertion scolaire sont des problèmes majeurs. Le décrochage scolaire qui a déversé des milliers de gamins dans les rues, vidé l’école publique de sa substance, mis en place une éducation à deux vitesses, suppose la reprise en main de tout ce secteur de l’éducation avec un encadrement réellement éducateur, omniprésent et non volage et irresponsable qui sont des passages obligés, entre autres, pour contrôler la situation.

Au niveau des bandes organisées, nous demeurons convaincus que les services de police peuvent en un tour de main mettre un terme, du moins réduire à néant bien des réseaux en place. Ces gens-là sont connus. Ils profitent, pour le moment, des grands problèmes de sécurité qui occupent en priorité les différents services,pour agir impunément. En effet, la présence de la police de la circulation à presque tous les carrefours, les rondes qui se faisaient aux alentours des écoles et autres organismes importants, les rafles qui limitaient la présence des désœuvrés en quête d’un mauvais coup étaient des arguments de réflexion pour toute cette gent qui, aujourd’hui, profite de cette absence pour en faire à sa tête.

La sagesse

On brûlait, en effet, moins de feux rouges, on ne stationnait pas en troisième file pour boire un café, les taxis collectifs n’écumaient pas les rues et les trottoirs, les taxis individuels ne s’arrêtaient pas là où ils le voulaient pour embarquer un client, les piétons plus prudents traversaient au niveau des passages réservés, les mendiants étaient beaucoup plus prudents, etc. La vue du gendarme, c’est, dit-on, le commencement de la sagesse». C’est dire que pour faire œuvre utile, il faudrait plancher sur toute une stratégie pour fixer les priorités et agir de manière efficace.

En tout état de cause, la mendicité est un phénomène gênant qu’il faut étudier de près, surtout pour un pays qui reçoit des millions de visiteurs. Indépendamment du fait que ces touristes pourraient se plaindre tout aussi bien des mendiants qui sont dans leurs propres pays que des nôtres, certains pays se refusent de punir les mendiants (les vrais !), arguant que ce sont des gens dans le besoin et qu’au lieu de les sanctionner, il faudrait leur trouver une solution.

Il ne faudrait pas se tromper, tous les pays à vocation touristique se plaignent de ce phénomène qui s’amplifie avec la situation sociale difficile que traversent bien des contrées de ce monde.

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