Accueil A la une Planification de l’eau: La sécheresse gagne du terrain, les restrictions pour y faire face

Planification de l’eau: La sécheresse gagne du terrain, les restrictions pour y faire face

Les restrictions décidées par les autorités qui s’étalent du mois de mars jusqu’à septembre 2023 sont justifiées par le faible taux de remplissage des barrages. Cette décision permettra en moyenne d’économiser 20% de l’eau disponible.


Malgré les précipitations sporadiques du mois de mai, la Tunisie reste pauvre en eau et toujours menacée de sécheresse. Si le spectre d’un été de soif s’éloigne, du moins pour cette année, la parcimonie sera le maitre mot pour gérer les consommations, parfois excessives, en cette saison. La Société nationale d’exploitation et de distribution des eaux (la Sonede) continuera à appliquer un système de quotas et des restrictions sur la consommation d’eau, conformément à la décision du ministère de l’Agriculture.

Selon le patron de la Sonede, Mosbah Helali, en dépit des bienfaits des dernières précipitations, qui ont permis d’alimenter les barrages et de permettre aux autorités de souffler quelque temps, elles n’auraient contribué qu’à apporter entre 4 et 5% de ressources supplémentaires en eau. Dans ces conditions, difficile de prétendre que les risques de sécheresse sont derrière nous, face à un ciel qui, décidément, reste avare en pluies.

En clair, la compagnie nationale compte bien continuer à appliquer des coupures d’eau en vue de permettre à l’ensemble de la population de bénéficier des quantités suffisantes. Mais le PDG de la Sonede promet que la compagnie fera tout pour que ces restrictions d’eau soient limitées.

Depuis plusieurs années déjà, dans les différents rapports des ministères, il semble que la Tunisie soit consciente des risques majeurs en termes d’accès à l’eau potable. « La croissance démographique, l’augmentation des besoins en eau généré par le développement économique ainsi que les changements climatiques sont les causes principales de la vulnérabilité des hydro-systèmes », explique un rapport du ministère de l’Agriculture de 2019, mettant les bases de la stratégie nationale à l’horizon 2050.

Seulement 12% de l’eau potable est consommée  par les ménages

Contacté par le journal La Presse, Houssine Rhili, spécialiste du développement et la gestion des ressources hydriques, rappelle que les restrictions décidées par le ministère de l’Agriculture qui s’étalent du mois de mars jusqu’à septembre sont justifiées par le faible taux de remplissage des barrages. « Les barrages fournissent près de 65% des besoins d’eau potable de 14 gouvernorats : le nord-ouest, le Grand-Tunis, Nabeul, Sousse Mahdia, Monastir et une partie de Sfax », précise-t-il.

Selon lui, cette décision permettra en moyenne d’économiser 20% de l’eau disponible, mais estime que dans un contexte de crise, le ministère est en train de parer au plus pressé, de jouer aux pompiers, en essayant de gérer les quantités disponibles. « A la rentrée, si la sécheresse se poursuit, comme en 2022 et 2023, qu’allons-nous faire ? Et là le ministère doit préparer sa réponse », nous dit-il. «La vérité est que nous accusons un retard considérable, nous ne pouvons pas élaborer des plans alors que nous sommes au cœur de la crise de l’eau, il aurait fallu prendre des dispositions et commencer à mettre en œuvre des stratégies il y a une dizaine d’années ».

Il faudra repenser l’agriculture

Selon notre spécialiste, la véritable problématique réside dans la consommation excessive de l’eau dans l’agriculture. S’il est vrai que chacun d’entre nous doit faire attention à sa consommation individuelle chez lui, les chiffres montrent bien que seulement 12% de l’eau potable est consommée par les ménages, explique notre interlocuteur.

Le reste, entre 77% et 80%, est accaparé par l’agriculture. Cela représente l’équivalent de 2,9 milliards de mètres cubes par an, qui sont concentrés sur une surface qui ne représente que 8% des terres agricoles (le reste des terres agricoles 92% sont pluviales et ne sont pas irriguées).

Et pour dire les choses comme elles sont, « ce qui se passe, c’est un épuisement des ressources hydriques à travers une agriculture gourmande en eau par an, se désole encore Houssine Rhili. À titre d’exemple, nous exportons 8 litres d’eau avec chaque orange vendue à l’étranger et une datte, destinée principalement à l’export, aura consommé entre 8 et 12 litres d’eau ».

Ainsi, il ne fait aucun doute que la sécheresse menace ni plus ni moins la souveraineté de la Tunisie. Mettre en place des stratégies intelligentes et résilientes de gestion des eaux n’est pas une option, c’est un devoir.

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