Les prix dans les hôtels se sont envolés au sein d’une économie chamboulée et pratiquement paralysée. Dès lors, certains citoyens ont décidé d’abandonner les vacances estivales au sein des établissements hôteliers tandis que d’autres se plaignent d’une qualité des services médiocre et qui laisse à désirer.
Le vieillissement de nos hôtels, la pauvreté des loisirs et services offerts, le manque d’adaptabilité ainsi que la vulnérabilité du produit touristique face aux crises ont conduit à la déliquescence du secteur.
Le tourisme est l’un des secteurs stratégiques et le moteur de l’économie nationale, car il participe à l’équilibre de la balance des paiements, à la création d’emplois et à la mobilisation de gros investissements.
Modèle balnéaire dépassé
Depuis les années 1970, la stratégie adoptée a plaidé pour un tourisme balnéaire de masse concentré sur les zones côtières les mieux équipées et basé sur une infrastructure assimilée à l’hôtellerie. Cependant, ce secteur demeure en réalité une activité saisonnière et monotype, limitée aux trois mois de l’été, très vulnérable face aux crises et qui, à travers sa politique sectorielle, exclut certaines régions.
En effet, le secteur a entamé sa crise depuis que son offre n’arrive plus à s’adapter à la demande touristique internationale. Cette demande est en perpétuelle évolution et manifeste, depuis quelques années, un intérêt pour l’e-tourisme ou le tourisme en ligne. Dans ce contexte de changement de la donne et face à une rude concurrence internationale, la Tunisie est perçue, alors, comme étant un choix banal du tourisme balnéaire, mais aussi une destination bon marché. En contrepartie, le produit touristique tunisien ne cherche pas à s’innover et commence donc à perdre de son originalité et à subir un déclin régulier. Sans oublier que les services offerts sont quasi-répétitifs et que la majorité des espaces touristiques du pays semblent en fin de cycle.
Ampleur de la crise
De plus, l’instabilité politique, qui s’est installée suite à la révolution du 14 janvier 2011, n’a pas cessé de ronger le secteur touristique. Les deux attentats terroristes, du Bardo et de Sousse, n’ont fait qu’empirer la situation. Dès lors, la Tunisie a été perçue comme une destination moins sécurisée et cela a tiré la fréquentation touristique vers une baisse drastique. Ces crises d’ordres politique et sécuritaire ont été accentuées par la pandémie du Covid-19 qui a enfoncé le clou. En effet, suite à la fermeture des frontières en pleine préparation pour la haute saison estivale de 2020, le secteur touristique a subi des répercussions catastrophiques et s’est enfoncé davantage dans la phase d’obsolescence. Les répercussions dévastatrices se sont faites sentir dans l’ensemble du secteur avec des pertes considérables de plus de 3,6 milliards de dinars, selon le rapport de l’Ontt en 2020. En effet, le nombre des touristes est passé de 9 millions en 2019 à 2 millions en 2020. Les maux du tourisme tunisien sont certes antérieurs au Covid-19, ce dernier n’a d’ailleurs été que l’arbre qui cachait la forêt, mais les conséquences qui en ont résulté ont fait plonger le tourisme dans une crise sans précédent.
Prix exorbitants et inabordables
Les prix des hôtels ne sont plus abordables pour le citoyen lambda et sont devenus très gonflés. Cette hausse des prix se fait sentir même chez la classe moyenne et devient de plus en plus ingérable parce que le citoyen se retrouve dans l’obligation de faire des économies ou de devoir chercher d’autres alternatives. Inès, une touriste locale rencontrée à la sortie d’une agence de voyages de renommée, raconte : «Je viens de réserver une semaine dans un trois étoiles à Hammamet pour moi, mon mari et mes deux enfants, un séjour qui m’a coûté plus de 3.000 dinars et c’est dans un des hôtels les moins chers sur le marché. C’est un chiffre exorbitant, j’en suis consciente, mais je me dis que nous avons le droit à au moins une semaine de vacances par an pour changer d’air. L’année dernière, j’ai payé la moitié pour la même période, toujours dans un trois étoiles».
C’est pour dire que les prix sont passés du simple au double. Elle ajoute : «Avec le même prix, je peux partir passer une semaine en Turquie alors qu’en Tunisie, c’est le prix d’un hôtel pourri avec une télé qui date des années 60 et une infrastructure qui n’a pas été renouvelée depuis 40 ans».
Ibrahim Mahmoud est un touriste égyptien qui a déjà visité la Tunisie pré-Covid et qui est venu passer une semaine à Djerba dans un hôtel trois étoiles. Il nous explique qu’il n’arrive pas à comprendre la raison qui a engendré cette hausse soudaine des tarifs, vu que la Tunisie n’est pas la seule à subir les effets de la crise économique mondiale et que la valeur du dollar n’a pas trop changé depuis quelques années.
La qualité laisse encore à désirer !
En privilégiant la course aux nuitées, les promoteurs hôteliers ont ainsi sacrifié la qualité du service. Selon Inès, «c’est le point faible du tourisme. Le Tunisien n’a pas encore atteint le minimum requis à ce niveau. Afin de faire des économies, les hôteliers recrutent des saisonniers mal payés et mal formés. Le client est par conséquent mal servi et a droit à des gens qui n’ont même pas le sourire alors que c’est le béaba du travail dans le tourisme». Elle ajoute que : «notre tourisme n’a plus rien à offrir. Le programme et l’animation sont les mêmes d’année en année. Le touriste qui vient cette année viendra peut-être l’année prochaine, mais l’année d’après il va avoir envie de voir autre chose». Volet qualité d’hébergement, Inès affirme que «cela dépend de la catégorie de l’hôtel. Quelques cinq étoiles, pas tous, sont potables, les quatre étoiles sont très moyens, alors que les trois étoiles sont carrément médiocres».
La même règle s’applique quant à la qualité de la nourriture. «On a droit à du recyclé, le jambon de la nuit dernière, on le retrouve le lendemain dans d’autres plats. En fait, le but numéro un d’un directeur d’hôtel c’est de faire des économies, on le sent dès qu’on voit le buffet».
Pour Mahmoud, il pense à son tour que la qualité des services dépend généralement du pourboire. «Les employés ont plus tendance à fournir au client ce dont il a besoin si celui-ci offre un pourboire à l’avance». C’est ce qu’il appelle “money talk”. Il raconte aussi que «les services ont fortement changé avant et après la crise sanitaire. Avant, on sentait que l’on favorisait largement les touristes provenant d’Europe. Tous les autres touristes, y compris les Tunisiens, étaient traités différemment. Après le Covid, les choses ont changé parce qu’ils ont commencé à sentir les séquelles du chômage. On sent qu’ils ont à présent peur de perdre leurs clients. Il y a donc eu une amélioration considérable au niveau des interactions avec les clients».
En revanche, Nejmeddine Saidi, chef d’une agence de voyages depuis trois ans, estime qu’on ne peut pas juger la qualité des services pendant la haute saison. «Environ 90% des avis que reçoit l’agence de voyages pendant cette période sont négatifs». Mais, selon lui, «on ne peut pas s’attendre au luxe parce que lorsque l’hôtel atteint sa capacité maximale, les travailleurs ne pourront pas satisfaire tout le monde et ce, même au sein d’un cinq étoiles. Afin de servir tout le monde, les hôteliers sont dans l’obligation de miser sur la quantité plutôt que la qualité».
Valorisation du tourisme local
Dans un rapport publié en 2020 intitulé “Le tourisme tunisien en chiffres”, Mohamed Moez Belhassine, maintenant ministre du Tourisme, avait rappelé, alors qu’il était à la tête de l’Office national du tourisme tunisien, qu’il fallait accorder au tourisme interne, gage de sécurité contre toutes formes d’aléas, la place qui lui sied. Le tourisme local ne devrait pas être une planche de salut à laquelle on a recours uniquement en temps de crise. Il ne faut pas oublier que ce sont, notamment, les touristes locaux qui ont sauvé la saison estivale de 2020, suite à la pandémie du Covid-19 qui, rappelons-le, a tout chambardé. Le tourisme local est une source de revenus très rentable qui pourrait générer encore plus de profits si elle est bien exploitée.
D’ailleurs, Saïdi considère que «le tourisme local est beaucoup plus rentable parce que les touristes étrangers ne sortent pratiquement pas de l’hôtel et n’apportent rien aux autres activités économiques, tandis que le touriste tunisien part découvrir la ville où il réside, achète de l’artisanat et se prélasse dans les terrasses des cafés. Donc, il fait tourner la roue économique. En outre, le touriste étranger réserve son séjour pendant la basse saison, alors que le Tunisien le fait assez souvent quelques semaines à l’avance et paye son séjour trois fois plus cher». Et d’expliquer : «Les hôteliers cherchent surtout à obtenir des devises et tiennent donc à privilégier la clientèle étrangère. C’est d’ailleurs pour cette raison que les prix sont si chers pour les Tunisiens. En effet, les hôteliers préfèrent opter pour le système des formules à travers des accords avec les tour-opérateurs (TO) qui louent l’hôtel pendant trois mois. Ainsi, certains TO peuvent imposer leurs conditions comme le fait d’exclure certaines catégories de personnes, tels les célibataires à titre d’exemple».
Nabil Mechergui, chef de réception d’un hôtel depuis 16 ans, semble partager le même avis. Il affirme que «le touriste local est beaucoup plus rentable et dépense plus d’argent que le touriste étranger. Cependant, le touriste étranger reste favori, car ce dernier est venu à travers une agence internationale. La qualité des services va donc déterminer si le touriste en question va laisser un avis positif ou non, ce qui est directement impactant sur la réputation de l’hôtel à l’étranger».
D’ailleurs, les Tunisiens ressentent les effets de ce favoritisme. Ines précise que dans ce cas “sa référence c’est le serveur, car celui-ci est la vitrine de toutes les prestations que fournit l’hôtel. «A ses yeux, en tant que Tunisienne, je ne représente rien, alors qu’il a toujours l’espoir d’avoir un pourboire en euros de celui qui vient d’ailleurs».
Les touristes manifestent actuellement de nouvelles exigences écologiques et culturelles et cherchent à imposer un modèle qui offre des événements culturels de qualité, tout en protégeant le droit des générations futures à un environnement sain. Cette prise de conscience écologique présente le tourisme durable comme une alternative bénéfique à long terme.
Malgré tous les problèmes que le contexte pandémique a engendrés, il a néanmoins mis en lumière la nécessité, et surtout l’urgence, de la mise en place d’un nouveau type de tourisme plus durable, plus original et plus adapté à la révolution numérique. La Tunisie dispose de richesses patrimoniales et paysagères incomparables; son produit touristique est donc tout à fait capable d’explorer de nouveaux horizons. A présent, la priorité, certes, est de faire redémarrer le secteur touristique tunisien et de restaurer sa gloire.
Sandra Ounaïs
Hassine
26 juillet 2023 à 17:49
[[Avec le même prix [3000 dnt]], je peux partir passer une semaine en Turquie]]]
Tu ou ta famille peut passer une semaine en Turquie avec 3000 dt
Soyons sérieux, je comprends qu’on soit frustré mais avoir ces propos….!