Après un voyage en voiture de quelques milliers de kilomètres, il reste des impressions et un souvenir plus tenace. Après des étapes faites en plein jour et à la brune, des errances dans des plaines désertiques voisines, l’on se rend compte de la préciosité de nos fondamentaux. Lesquels fondamentaux se trouvent à l’origine d’une belle longueur d’avance tuniso-tunisienne.
Après avoir erré dans un vaste monde face auquel l’homme n’est déjà pas grand-chose, un monde qui n’est lui-même qu’une poussière perdue dans l’immense cathédrale de l’espace, l’on se rend compte que « la géographie ça sert à se repérer quand on voyage dehors ». Et l’on réalise, de surcroît, que l’histoire ne passe pas par les mêmes chemins que la géographie.
Quand on revient à la patrie après un long voyage terrestre, et l’on se sent, une fois le pas sur le sol tunisien, comme emmitouflé dans une fourrure odorante dispensant non le chaud mais la fraîcheur, l’on se rend compte que notre cher beau pays est grand par ce qu’il est non par ce qu’il a.
Civilisation trois fois millénaire, la Tunisie est le château fort inviolable de l’Afrique. Louant ses lansquenets à plusieurs civilisations, elle s’en serait instituée la sentinelle.
Après un voyage terrestre, il reste embusqué dans un coin de ma mémoire un signal routier qui marque obstinément pour moi l’entrée dans le pays d’Habib Bourguiba. Une borne au-delà de laquelle la lumière est plus crépitante. Et le passage de la ligne frontière vers les contrées de la vie se fait sans rides.
Le pays de l’enfant pauvre qui ne mangeait toujours pas à sa faim, qui a perdu sa mère à 12 ans, mais qui a toujours eu confiance en lui et en son étoile, conserve aujourd’hui une grandeur mythique grâce à ce même enfant devenu un jour un grand leader de la nation.
C’est grâce à ce visionnaire hors pair, qui avait surpassé ses contemporains en lucidité et clairvoyance, avec une certaine idée de la Tunisie, et avec un esprit tunisien gardant une certaine longueur d’avance.
Et c’est grâce à ce visionnaire qui a créé un système éducatif gratuit pour tous, à sa méthode faite de gradualisme et d’habileté dans les rapports de force, que les Tunisiens conservent un savoir-faire reconnu dans tous les domaines du vécu ou presque.
L’homme, qui a unifié et sécularisé le système judiciaire, défait le pouvoir des élites religieuses traditionnelles, institué le fameux code du statut personnel, n’est, in fine, que le déposant d’un grand legs.
Cela étant, trois valeurs sociales justifient la préciosité de ce grand legs et s’imposent comme étant les seules références légitimes dans l’espace public moderne. Ces trois valeurs sont la liberté, l’efficacité technique et le collectif.
Sachons donc aimer et servir notre chère patrie, en renouant avec les fondamentaux. Ces fondamentaux qui nous ont un jour hissé à un rang plus élevé. Sachons que l’histoire ne passe pas par les mêmes chemins que la géographie !