En Tunisie, les petites entreprises émergentes qui échouent demeurent un groupe peu étudié. Car ce qui nous manque le plus, c’est un consensus sur la signification de l’échec entrepreneurial qui, d’ailleurs, par sa nature multidimensionnelle et complexe, peut revêtir plusieurs configurations. Les contraintes sont, certes, là ! Mais il ne faut pas oublier que chaque échec est une forme d’apprentissage.
Monter une affaire demeure actuellement une opération très audacieuse. Avec la conjoncture économique difficile, aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale, les statistiques montrent que la disparition précoce d’une jeune petite entreprise est un destin plus probable que sa survie. Et même avec cette triste réalité, on continue à parler de la réussite entrepreneuriale. En Tunisie, les petites entreprises émergentes qui échouent demeurent un groupe peu étudié. Car ce qui nous manque le plus, c’est un consensus sur la signification de l’échec entrepreneurial qui, d’ailleurs, par sa nature multidimensionnelle et complexe, peut revêtir plusieurs configurations. Les contraintes sont, certes, là ! Mais il ne faut pas oublier que chaque échec est un diplôme.
En août dernier, l’Organisation nationale des entrepreneurs affirme qu’environ 134.000 entreprises économiques ont déclaré faillite définitivement, tandis que près de 50 % des entreprises qui exercent actuellement leurs activités sont confrontées au spectre de la faillite. Il est à préciser, par ailleurs, que 1.900 grandes unités industrielles ont fait faillite entre 2011 et 2015. Il paraît que près de 10.800 chefs d’entreprise seraient en fuite.
Aussi, en juillet 2022, le porte-parole de l’Association nationale des petites et moyennes entreprises avait déclaré, sur les ondes d’une radio privée, que sur un échantillon de 3.000 entreprises interrogées, 60% des sociétés ont déclaré être en cessation d’activités, 92,1% se considèrent en situation de faillite, 76,4% dirigeants ont été condamnés à la prison ferme avec exécution immédiate et 62% dirigeants sont en litige avec des banques.
Les causes de l’échec
Malgré ces quelques statistiques et ces efforts occasionnels pour l’évaluation de la situation, il ne faut toujours garder en tête que l’investissement reste, par excellence, la dynamo de tout système économique.
Mais ces investissements, qui peuvent être de grandes réussites, peuvent aussi faire face à l’incertitude. Car cela fait partie intégrante de l’entrepreneuriat. Dans la vie comme en affaires, tout ne se déroule pas toujours comme prévu. Les échecs marquent souvent le quotidien de tout entrepreneur. Ils peuvent aller d’un simple échec du lancement de nouveau produit à la dissolution complète et définitive d’une entreprise. Dans tous les cas, il n’y a jamais d’échec facile. De l’autre côté, il peut y avoir les succès fulgurants et les réussites durables. Cela peut aller des success-stories des petites firmes au coin de la rue aux leaders mondiaux, les réputations auxquelles on ne faillit pas et les transformations réussies. Mais le principal risque des entreprises privées, c’est qu’elles peuvent facilement échouer. Les entreprises privées peuvent devenir obsolètes ou inefficientes. Elles peuvent ne pas s’adapter aux mutations et innovations, avoir un mauvais service client, recruter les mauvaises personnes ou laisser partir des compétences indispensables.
Elles peuvent avoir une croissance trop rapide ou trop lente, en tout cas, chaque cas est unique. Elles peuvent laisser filer leurs coûts ou chercher à trop les réduire. Elles peuvent mal allouer leurs ressources, sous-investir ou surinvestir. Non seulement elles peuvent échouer, mais elles peuvent échouer lamentablement.
Au terme d’une longue agonie et à la surprise générale, ces entreprises peuvent disparaître, laissant la place à des concurrents qui, pour réussir, devront faire mieux. Et c’est de cela qu’est fait le progrès. La concurrence nous permet de choisir et bénéficier du meilleur produit, du meilleur service, de la meilleure gestion, de la meilleure organisation…
Les situations d’échec représentent un moment propice pour revoir ses objectifs et aussi ceux des parties prenantes à sa démarche entrepreneuriale. En effet, cofondateurs, investisseurs, fournisseurs… ne partagent pas nécessairement les mêmes buts. Chacun fixe les siens, et perçoit l’échec à la fois selon ses propres intérêts ou ceux du groupe. Il faut donc comprendre et se mettre d’accord sur les objectifs fixés et les motivations de chacun.
Oui ! C’est aussi une affaire de l’Etat
Les situations d’échec peuvent également concerner les firmes étatiques. Mais le problème de l’Etat, c’est qu’il l’avoue rarement. Ça ne veut pas dire qu’il fait mieux que le privé, loin de là ; ça veut simplement dire que quand il sous-performe, il peut continuer à vivre comme un zombie aussi longtemps qu’il pourra, se nourrir de l’argent du contribuable. Il peut se planter aussi longtemps qu’il veut ; il n’a pas de concurrents, ses ressources ne sont limitées que par sa capacité à pomper celles des autres.
Outre leur manque d’incitation à s’améliorer, les entreprises publiques ont tendance à user et abuser de leur situation. L’Etat est souvent un actionnaire très gourmand, mais il fait porter «sa» générosité avec les salariés des entreprises publiques par les contribuables. Pire ! l’Etat peut aussi maintenir en activité des entreprises privées qui auraient dû échouer. Il peut maintenir sous perfusion des industries entières qui n’auront alors aucune incitation à s’améliorer, financer et subventionner des projets voués à l’échec, acheter des produits qui sont loin d’être les meilleurs disponibles sur leur marché, les acheter bien trop cher…
La médiocrité adossée à la puissance publique peut durer indéfiniment et handicaper durablement l’économie, qui traîne comme un boulet le poids de l’inefficience non corrigée. Sans la possibilité d’échouer, sans crainte de la concurrence, il y a peu d’incitation à s’améliorer. N’est-il pas judicieux de reconnaître ses ratages pour pouvoir les dépasser et sauver la mise. L’échec permet aux individus d’apprendre et à la société de progresser.
L’échec est de plus en plus perçu comme une situation propice à l’amélioration, si on sait échouer, si on se relève, si on l’analyse et si on met en place les actions nécessaires pour capitaliser dessus. Il faut développer un « leadership de l’échec» par l’apprentissage et la résilience. Éviter l’échec, c’est en réalité empêcher la réussite, et empêcher tout progrès.