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Changements climatiques | Faouzi Chokri – Directeur régional de l’agence foncière agricole : «Le changement climatique est devenu un facteur crucial d’évolution en Tunisie»

 

Le changement climatique est l’un des défis les plus complexes. Aucun pays n’est à l’abri de ses effets et aucun pays ne peut, seul, faire face aux décisions politiques controversées, aux profondes transformations technologiques et autres enjeux indissociables et lourds de conséquences à l’échelle de la planète.

Le changement climatique est généralisé et affecte la vie de milliards de personnes dans le monde. Sommes-nous toujours vulnérables au changement climatique ?

En Tunisie, le changement climatique est devenu un facteur crucial d’évolution. Ce constat dressé à l’échelle nationale s’incarne également dans le quotidien des individus, avec le besoin de mieux identifier les effets de ce changement climatique à l’échelle régionale. L’identification des impacts territorialisés du changement climatique s’inscrit dans la volonté d’évaluer les marges d’action potentielles pour les acteurs privés comme publics. D’un côté, les acteurs privés doivent mettre en œuvre des actions d’adaptation à leur échelle devant composer avec des restrictions, normes et soutiens émanant d’acteurs publics, à différentes échelles administratives. De l’autre côté, les acteurs publics en charge de l’aménagement, à travers la planification territoriale, notamment dans le cadre de politiques et de stratégies sectorielles, doivent prendre des décisions dans un contexte d’incertitudes fortes. Dans cette optique, comprendre les effets locaux du changement climatique et connaître les processus d’adaptation à ces effets sont déterminants pour prendre des décisions éclairées.

Les événements climatiques, tels que les vagues de chaleur, les sécheresses et les inondations, dépassent déjà les seuils de tolérance. Y a-t-il des solutions pour améliorer la capacité d’adaptation en Tunisie ?

Pour faire face au changement climatique, deux types de réponses sont nécessaires et complémentaires :

Une stratégie d’atténuation : on doit diminuer les émissions de gaz à effet de serre (GES) pour diminuer les conséquences. Des mesures d’adaptation : il s’agit de mettre en place des actions pour adapter notre société au changement climatique, pour réduire autant que possible le niveau de risque et la vulnérabilité des territoires.

La modification du cycle de l’eau est l’une des conséquences déjà visibles du réchauffement climatique. On le constate à travers les épisodes « extrêmes » qui deviennent plus fréquents : fortes pluies, périodes de sécheresse, vagues de chaleur, inondations… Les effets de ces changements dans le cycle de l’eau entraînent une série importante de mesures d’adaptation. Celles-ci dépendent largement de la mise en œuvre par les pouvoirs publics, mais certaines actions peuvent aussi être faites par les citoyens, parfois avec le soutien de primes. Pour proposer les mesures d’amélioration de la capacité d’adaptation aux événements climatiques en Tunisie, il faut, tout d’abord, établir une étude de vulnérabilité et un plan d’adaptation, puis les suivre. C’est le point de départ. Pour identifier les mesures à adopter sur un territoire, on analyse sa vulnérabilité en matière d’agriculture, d’eau, d’infrastructures et d’aménagement du territoire, de santé, d’énergie, de biodiversité, de forêt… Cette étude permet d’identifier les points les plus sensibles et de choisir les mesures d’adaptation les plus pertinentes.

Pour améliorer la capacité d’adaptation au changement climatique en Tunisie, les mesures suivantes doivent prendre en considération la création de capacités d’adaptation par la gestion intégrée des ressources hydriques : il est primordial de renforcer les infrastructures de gestion et de stockage de l’eau. La gestion intégrée des ressources hydriques est une démarche qui appelle à un développement et une gestion coordonnée de l’eau, des terres et des ressources connexes, d’une façon qui maximise le bien-être économique et social sans compromettre la durabilité des écosystèmes vitaux.

Il est nécessaire également d’investir dans les services climatologiques et météorologiques à l’appui du développement : on s’accorde à penser que pour soutenir le développement du pays, il faut renforcer les capacités des services régionaux et nationaux de météorologie et d’hydrologie, tout en luttant contre les effets du changement climatique. Pour emprunter la voie d’un développement à faible émission de carbone, il est nécessaire de concilier la demande énergétique et l’impératif de promotion des énergies propres et renouvelables. Donc, on doit augmenter les investissements dans les énergies propres et l’efficacité énergétique. Il faut prendre aussi des mesures qui luttent contre la déforestation et les mauvaises méthodes agricoles appliquées pour garantir une gestion durable des forêts et des terres.

Plusieurs perspectives s’ouvrent à la Tunisie en termes de création de réseaux de transport écologique qui assurent une croissance économique inclusive, une meilleure intégration sociale et contribuent à la lutte contre le changement climatique. La création de nouvelles technologies et leur diffusion jouent de plus en plus un rôle primordial dans la lutte contre les répercussions du changement climatique.

Quels sont les scénarios prévus pour les températures dans les années à venir ?

D’après l’Institut national de la météorologie, avec la collaboration de l’Organisation mondiale de météorologie et le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, les scénarios prévus pour les températures et les précipitations en Tunisie aux horizons 2050 et 2100 sont comme suit : l’ensemble des modèles montrent une augmentation de la température moyenne annuelle. Quant au scénario RCP 4.5, les températures varieraient de 1°C à 1,8°C à l’horizon 2050 et de 2°C à 3°C à la fin du siècle. Tandis que le scénario RCP 8.5, elles varieraient de 2°C à 2,3°C à l’horizon 2050 et de 4,1°C et 5,2°C à la fin du siècle. Pour les précipitations, les simulations de l’ensemble des modèles montrent une diminution nette des précipitations moyennes annuelles aux horizons 2050 et 2100. N’oublions pas de prendre en considération le scénario RCP 4.5 : de 5% à 10% en 2050, qui s’aggraverait encore en fin de siècle avec une diminution de 5% à 20% en 2100.Et enfin le scénario RCP 8.5 : de 1% à 14% en 2050, et de 18% à 27% en 2100.

La Tunisie participe à la COP28 pour rappeler au monde ses engagements et la prise en considération des intérêts des pays les plus touchés par les effets du changement climatique. Quelle est votre perception sur ce sujet ?

Concernant ma perception sur la participation de la Tunisie à la COP28, il sera question d’explorer des propositions futures afin de mettre en place une interface qui fait la liaison entre la science, la technologie, la politique et le secteur privé en plus de l’élaboration de politiques basées sur des données probantes en matière de réduction des risques de catastrophe en Afrique et dans les pays arabes.

Un deuxième point que je dois aborder est de partager le savoir-faire, l’expertise et les connaissances entre les pays des régions africaine et arabe, tout en exposant les dernières innovations techniques, les outils et techniques de réduction des risques de catastrophe du secteur privé et du monde universitaire.

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