Accueil Culture Conférence à l’institut des beaux-arts de Sousse (ISBAS) : Du visuel illusoire à l’invisuel subversif…

Conférence à l’institut des beaux-arts de Sousse (ISBAS) : Du visuel illusoire à l’invisuel subversif…

 

«Il faut limer sa cervelle contre celle d’autrui», disait Paul Valéry. Limer, c’est affûter et l’Institut des beaux-arts de Sousse semble adhérer à ce principe puisque les enseignants sont conscients que l’enseignement suppose la recherche, sans quoi tout enseignement se sclérose au niveau vertical et donc stérile.

Envisager une nouvelle perception du contenu des programmes dispensés par le corps enseignant se révèle être une urgence incontournable. Et la diversité, la diversification voire la diversalité, obsèdent l’équipe en place composée de la cheville ouvrière, Faten Chouba Skhiri, la cheffe du département Rym Mamlouk Mellouli, directrice du département Design-Produit, et le coopérant Alexandre Gurita, qui supervise un programme d’enseignement sur l’invisuel. Le tout chapeauté par le directeur de l’institut, M. Mohamed Essghaïer El Gaïed.

Dans le cadre de cet élan louable, ils ont invité le professeur Paul Ardenne pour donner une conférence inaugurale intitulée : «De l’invisuel et de la minoration physique de l’art». Approche originale qui remet en question les pratiques représentatives en art.

Le projet de Master Pro Art Invisuel de l’Institut des Beaux-Arts de Sousse (Isbas), en partenariat avec l’Ecole nationale d’art de Paris (Enda) et l’Ecole européenne pour l’intégration des migrants par l’art (E.E.I.M.A), a permis de concrétiser les nouvelles orientations.

Qu’est-ce que l’invisuel ?

Depuis l’aube des temps, l’essentiel de la création artistique plastique s’exprime en se rendant visible par l’«image», par le visuel, par la représentation, par l’exposé de la matière, pour la sculpture….un fragment de cette création artistique plastique avec la période récente et s’agissant de notre présent, répugne en contrepartie celui-ci, à se rendre tel, à se faire visible, spectaculaire.

Refus ? Renoncement à rendre de nouveau présent le sens du terme représentation ?

Pourquoi le refus de continuer à recourir à l’image d’antan? Qui dit image dit pouvoir!

Il est question d’en faire l’économie. En tant que pratique d’expression, les propos du conférencier se posent pour s’opposer à la perception commune. Les formes d’art de l’invisuel minorent, diminuent, a priori, les formes d’art comme pratique d’expression.

S’agit-il là des prémices d’une révolution artistique ? Créer est un acte qui n’existe que pour être regardé. La couleur chez Wassily Kandinsky tend à annihiler les figures.

Création énigmatique prompte à troubler en captant l’œil, à sa manière sibylline, énigmatique de construire la désimage, l’image qui dé-fait l’image.

Marcel Duchamp viole l’œil du regardeur : regarder de près et d’un œil près d’une heure, de l’autre côté du verre, l’œuvre qu’il a intitulée : « Le petit verre» ou l’autre : «Le grand verre». Le spectateur ne sait plus à quel verre se vouer.

Le poète Valère Novarina : «L’intérieur est toujours à l’extérieur de quelque chose et inversement».

Le côté est toujours cet autre! Marcel Duchamp, auteur du petit verre, joue avec nos nerfs, gentiment.

Oculairement et intellectuellement, nous autres regardeurs, sommes incapables de faire image, la bonne image.

L’œuvre d’art n’est plus un objet autonome, isolé par un cadre dont les fonctions traditionnelles sont un pouvoir.

Le petit verre est bien circonscrit par un cadre dans sa planéité, il en échappe en ce qu’il est en tant qu’épaisseur, en tant que tranche que la transparence ouvre jusqu’à la béance.

Stratagème sournois de piéger le regard, capteur d’un sens mal valide.

La vérité d’une œuvre ne saurait se réduire à un seul point de vue. L’artiste nous convainc que nous sommes encore, dans la caverne de Platon, nous invitant à nous méfier des images, se méfier de ce qui fait image.

L’image c’est le reflet, l’illusion, l’avatar qui déstabilisent le regardeur qui prend les ombres pour de la matière.

Qu’est-ce que le «désimagisme» ?

Il s’agit, d’un côté, des iconoclastes qui crient sur les toits, la mort des images, que des prudents qui préfèrent garder l’image, mais dé-faite.

Le désimagisme considère que l’image n’est point tout et qu’elle ne peut pas tout.

Les imagistes refusent de livrer des images achevées, à l’expression construite et à la production de sens sans ambiguïté aucune.

C’est une attitude délibérément retorse, subversive à l’envi et brisant les cadres traditionnels des références des arts plastiques. Piero Manzoni, à travers la série facétieuse de ses a-chromes et ses monochromes blancs, utilise les pansements comme métaphore médicale du tableau blessé, agonisant et aux bords de la mort clinique.

Néjib GAÇA
(Critique d’art)

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