Les caisses de sécurité sociale ont besoin aujourd’hui d’une vraie réforme pour identifier les remèdes qui soient d’abord en mesure de rééquilibrer leurs finances et de les rentabiliser ensuite
A chaque fois qu’on évoque la question de la sécurité sociale, on a droit automatiquement au même discours : nos caisses sont en difficulté, largement déficitaires et frôlent même la faillite. Ce constat est devenu tellement habituel que l’inverse aurait certainement surpris. D’ailleurs, depuis quelques années, c’est toujours les mêmes chiffres qui reviennent à la charge. Plus d’1 milliard de dinars de déficit pour la Cnss et environ 500MD pour la Cnrps.
Ce qui n’est pas habituel par contre, c’est le manque de réactions et l’absence de mesures de riposte, à tel point qu’on commence à soupçonner une certaine indifférence. Or, la situation est d’une gravité extrême, surtout qu’on parle de l’un des maillons forts de toute la « chaîne » socioéconomique.
Hakim Ben Hammouda, expert et ancien ministre des Finances, reconnaît que « plusieurs dispositions ont été entreprises pour soutenir les caisses nationales de sécurité sociale, mais elles sont restées insuffisantes ».
La dégradation de la situation financière des caisses est avant tout un problème de fonds. Et c’est surtout cette navigation à vue, sans projection qui s’est avérée pénalisante. On se contente souvent de gérer l’immédiat avec des mesures isolées sans aucune analyse d’impact.
Et on pourrait, peut-être bien, induire ce problème au manque de compétences et de qualification dans ce domaine sensible. D’ailleurs, on parle souvent d’experts économiques, financiers et autres, mais rarement sinon jamais de spécialistes en matière de sécurité sociale. Ce qui explique cette défaillance au niveau de la planification et des études de réflexion. Un manquement qui a été lourd de conséquences et auquel il faut remédier rapidement.
Hakim Ben Hammouda n’en pense pas moins. « Les caisses de sécurité sociale ont besoin aujourd’hui d’une vraie réforme pour identifier les remèdes qui soient en mesure, dans un premier temps, de rééquilibrer leurs finances, et de les rentabiliser ensuite ». L’expert va encore plus loin. Selon lui, « on ne pourrait espérer promouvoir les caisses sociales sans les placer dans leur contexte socioéconomique ».
Il est vrai que faute d’outils efficaces, nos caisses n’ont pas réussi à anticiper les volatilités du paysage socioéconomique et encore moins de mettre en place les contre-mesures adéquates.
Une rentabilisation défaillante des ressources
Ce qui fait qu’aujourd’hui, avec la dégradation de la situation économique nationale et surtout l’évolution spectaculaire du taux de chômage, elles se sont retrouvées totalement dans l’incapacité de réagir.
Mais ce qui est réellement désolant, c’est que nos caisses nationales sont restées de simples fonds de « collecte », et ne se sont pas dotées, au bon moment, d’une politique de réinvestissement et de création de valeur. Ce qui n’est pas le cas un peu partout dans le monde et même dans un grand nombre de pays africains.
D’ailleurs, selon une étude récente, le réinvestissement est devenu, depuis quelques années, « une pratique courante pour la création de la valeur et la garantie de la viabilité et la pérennité des régimes de retraites dans la majorité des pays africains ». À tel point que « l’investissement à vocation économique ou encore l’investissement socialement responsable sont devenus un axe stratégique et même ”un processus métier central” dans la politique de gestion de ces régimes ». Tout en tenant compte, bien entendu, des principes de la sécurité, de la liquidité et de la rentabilité.
Cette approche, comme le confirme l’étude, est dictée avant tout par la conviction que la pérennité de tout régime dépend, en grande partie, de sa capacité à optimiser les recettes tirées par les cotisations.
Nos caisses auraient dû adopter ce même principe depuis longtemps déjà, surtout lorsque leurs excédents étaient très importants. Bilel Sahnoun, directeur général de la Bourse de Tunis, disait, il n’y pas longtemps sur les ondes d’une chaîne de radio locale, que nos caisses de sécurité sociale « auraient pu éviter le déficit chronique dont elles souffrent actuellement, si elles n’étaient pas interdites d’investir dans la Bourse ». Il affirme justement que « nos caisses disposaient dans les années 90 de réserves de plus d’un milliard de dinars qu’elles auraient dû placer sur le marché financier ».
Des pertes sèches gratuites, car, si la Cnss et la Cnrps avaient placé même le tiers de leurs réserves de l’époque, elles auraient aujourd’hui gagné six fois plus. Et la question du déficit actuel n’aurait jamais été posée.
Pour lui, cette mentalité doit donc changer, car la survie de nos régimes en dépend. Heureusement, depuis quelque temps et en raison de la complexité financière des caisses, nos décideurs commencent à explorer sérieusement de nouvelles pistes de rentabilisation.
C’est dans ce sens en effet que le ministre des Affaires sociales parlait récemment de la création d’un fonds pour la multiplication des sources de financement des caisses sociales. Sans aucune précision sur son fonctionnement et sa gestion.
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