L’éducation est au cœur des préoccupations des familles tunisiennes, et ce, pour moult raisons. Le système de l’enseignement a bel et bien montré ses limites, poussant, chaque année, quelque 100.000 élèves au décrochage précoce.
L’école étatique, qui est une institution de base, une référence et une source de savoir et de performance, a été malencontreusement, déclassée suite aux conditions d’étude et d’enseignement souvent lamentables. Et voilà que depuis deux décennies, le secteur privé propose une tout autre vitesse, imposant ainsi aux parents de verser des sommes colossales dans l’optique de garantir à leurs progénitures l’accès à un enseignement que l’on veut prometteur. Ainsi, l’éducation, censée être un droit absolu, devient un service qui coûte cher. D’un autre côté, le temps scolaire, le contenu du programme et la charge des cours particuliers ne font que priver l’enfant de loisirs et de bien-être.
Des questions qui interpellent !
Autant de questions interpellent les familles tunisiennes pour qui l’avenir de leurs enfants dépend intrinsèquement de la volonté commune de réviser la totalité des composantes d’un système en mal de mire. La société civile, tout comme les experts pédagogiques, les parents, les élèves et les enseignants, ont tous leur mot à dire.
L’Association tunisienne des parents et des élèves ( Atupe) dénombre dans les moindres détails les défaillances d’un système obsolète, dont les indicateurs virent au rouge. «Le système de l’éducation a montré ses limites et tout le monde l’avoue. Nous sommes face à des problèmes structurels à résoudre pour asseoir les jalons de l’école de demain. Le système gémit sous les mauvaises conditions d’étude, pour les élèves, les mauvaises conditions d’enseignement, pour les enseignants. Le décrochage scolaire tire la sonnette d’alarme avec pas moins de 100.000 élèves déscolarisés précocement par an. D’ailleurs, je ne peux aucunement me convaincre à l’idée d’une chute au niveau de ce chiffre, surtout après deux années de Covid et de grèves…», indique M. Ridha Zahrouni, président de l’Atupe. Il évoque aussi la question des cours particuliers, dont les frais frôlent 1,5 milliard de dinars, une enveloppe qui devrait être investie dans l’embauche de pas moins de 50.000 enseignants. «Ce sont des chiffres faramineux qui en disent long sur le risque de confiscation de l’avenir de nos enfants !», fait-il remarquer, alarmé. Il montre du doigt la disparité infligée à l’éducation via la dualité étatique/privé. «L’école doit immanquablement être gratuite ! Elle doit accorder à tous les élèves, indépendamment de leur statut social, les mêmes chances, les mêmes opportunités à un enseignement de qualité et à un avenir meilleur. Pour ce, il convient de réinstaurer l’école étatique. Cela doit inclure des révisions du temps scolaire et du programme», souligne-t-il.
Place à la bonne gestion des ressources humaines !
D’un autre côté, la formation continue du cadre enseignant s’impose dans l’optique de lui permettre l’accès aux différentes approches pédagogiques les plus innovantes. M. Zahrouni insiste sur l’impératif de réviser la stratégie de gestion des ressources humaines du secteur éducatif. Il n’est plus tolérable, à son avis, d’augmenter davantage la discrimination en matière d’accès à la qualité de l’enseignement et encore moins celle qui voue les enseignants par intérim à des conditions de travail et des rémunérations moindres.
La réforme du système de l’éducation passe aussi par la responsabilisation des parents qui sont, selon l’article 52 de la Constitution, des co-partenaires et des co-gestionnaires du système. «Les parents actifs, responsables et participatifs et la société civile forment un potentiel de taille, capable de soutenir l’Etat à amener le système sur les rails », renchérit le président de l’Atupe.
Consultation nationale en faveur d’une cause éducative
Il faut dire que l’Etat fait preuve d’une intention de reconstruire le système de l’éducation sur des bases que l’on espère solides. La Consultation nationale sur l’éducation vise à impliquer tous les acteurs à une Cause qui les concerne tous, sans exception. «Certes, la consultation nationale émane d’une approche à la fois responsable et respectueuse. Toutefois, l’affaire de l’éducation relève des prérogatives des spécialistes par excellence. Monsieur tout-le-monde n’est pas, à mon sens, en mesure de donner son avis sur des questions de pointe, telle que celle portant sur la langue requise pour enseigner les matières scientifiques ! Une telle question ne devrait même pas figurer sur le formulaire car elle doit obéir à des résultats d’évaluation, d’argumentation… Je dirais même que c’est l’intérêt pédagogique qui est en jeu», explique M. Zahrouni. Par ailleurs, la numérisation de l’école fait également partie des volets abordés dans le cadre de la consultation; une question qui devrait prendre en considération les nouvelles orientations internationales en la matière. «La numérisation de l’école est une bonne chose mais à quel niveau ? En Suède, par exemple, poursuit-il, les experts recommandent désormais de reprendre l’approche archaïque et rudimentaire du cahier et du stylo, interdisant l’utilisation de l’ordinateur avant l’âge de 12 ans. Aussi, tout est-il lié à une logique d’expertise et à une démarche purement scientifique».
M. Zahrouni s’impatiente de voir le système réformé, car tout retard est comptabilisé sur l’avenir des élèves. Néanmoins, ce qui compte le plus, à son sens, c’est que la réforme soit à la hauteur des attentes car fondée sur des bases scientifiques et pédagogiques. «Je crains qu’on ne se heurte à passer un projet préparé au préalable à la hâte. La réforme, rappelons-le, donnera ses fruits dans une quinzaine d’années.
Actuellement, trois enfants quittent l’école chaque jour…Pensons-y», conclut-il.