Voilà des décennies que la lutte se poursuit, et, pourtant, le combat pour les droits n’en finit pas. Et à leur tête les ouvrières du secteur agricole se battent pour leurs conditions de travail hors-la-loi. Pas de contrat, pas de couverture sociale, pas d’accès à la santé ! Y a-t-il eu, réellement, une politique de promotion de la femme tunisienne ?
L’Unft, cette illustre organisation nationale entièrement au service de la femme tunisienne, fête, ces jours-ci, ses 68 ans. Née la même année que l’indépendance de la Tunisie, en 1956, elle suivit les premiers pas de l’édification de l’Etat et accompagna, pour la bonne cause, le parcours de l’émancipation féminine, non sans sacrifices et dévouement au verbe et à l’action.
Encore dans la précarité !
Aujourd’hui, son histoire témoigne des efforts et du labeur, empreints d’engagement patriotique fait de foi, mais aussi d’une volonté constante d’aller de l’avant. Dès le début, l’Unft a parié sur l’avenir et a pris sur elle de se battre pour les droits les plus élémentaires de la femme, là où qu’elle se trouve, dans les quatre coins d’une Tunisie à peine libérée du joug de la colonisation.
A l’époque, le défi de bâtir une nation et de lancer un projet de société, dans lequel la femme est partie prenante dans le développement et la croissance, n’était guère une sinécure. L’analphabétisme, l’accès limité, voire difficile aux services des soins, la discrimination basée sur le genre, le machisme, la non- scolarisation ou le décrochage scolaire précoce semblaient aller de pair avec l’inégalité des chances sur le marché du travail, entraînant, alors, une précarité sociale, pauvreté et chômage endémique.
Mais cette précarité n’est, en aucun cas, une fatalité. A ce jour, où l’on se targue d’avoir gratifié la femme tunisienne d’un statut social soi-disant privilégié, la femme agricole a du mal à trouver son compte et est encore moins considérée comme force de travail à part entière. Du jour à la nuit, les femmes agricoles peinent à gagner leur vie. Livrées à elles-mêmes, ces ouvrières de la terre ne jouissent d’aucun droit, d’autant qu’elles courent le risque de ne plus revenir à leurs enfants.
Le danger du trajet les guette au tournant ! Souvenons-nous, encore, de tragiques accidents ayant fait tant de victimes sur le chemin des champs.
A bord de vieilles camionnettes non sécurisées, rien n’est plus rassurant. Et jusque-là, aucune mesure de prévention ou de protection n’a été entreprise en leur faveur. Et encore moins une loi leur octroyant indemnité et dédommagement. Voilà des décennies que la lutte se poursuit, et, pourtant, le combat des droits n’en finit pas.
Et les ouvrières du secteur agricole se battent pour leurs conditions de travail hors la loi. Pas de contrat, pas de couverture sociale, pas d’accès à la santé ! Le voile a été déjà levé sur toutes ces revendications. S’y ajoute le calvaire du transport dont souffrent ces damnées de la terre.
Un travail « forcé », au vrai sens, très dur qu’elles ont vécu dans leur chair. Pourtant mal rémunérées, elles prennent, tous les jours, le risque d’y aller. Vivant dans la misère, elles n’ont pas le choix. Alors que ce marché agricole traditionnel emploie 16% de la main-d’œuvre et contribue à 12% du PIB. Tant il est vrai que la majorité s’engouffre dans l’informel, ce qui a compromis les moissons des années et impacté l’autosuffisance économique.
Plus d’autonomie et autonomisation
Travaillant ainsi à la sueur du front, aux champs et au foyer, elles méritent d’être bel et bien récompensées. Sauf que ces femmes, si vulnérables, sont à la marge d’un modèle de développement si pénalisant. D’après une enquête, rappelle-t-on, effectuée par l’association « La Voix d’Eve » auprès de mille femmes du gouvernorat de Sidi Bouzid, qui avait montré qu’environ 94% des ouvrières travaillent sans contrat, 97 % ne bénéficient d’aucune protection sociale et 20% sont encore mineures. Faits et chiffres en disent long sur une réalité généralisée.
Cela dit, y a-t-il eu, réellement, une politique de promotion de la femme tunisienne ? Bien que l’Unft ait tout donné, étant fière de l’avoir fait, volontiers, à son profit, on peut affirmer, aujourd’hui, que le bilan semble mi-figue, mi-raisin. Alors que pour d’autres, le tableau de vie n’a jamais été en rose.
Reste que l’exposition documentaire de l’Unft, inaugurée vendredi dernier au siège des Archives nationales à Tunis, à l’occasion de son anniversaire, est une manière de rafraîchir la mémoire et ressusciter les moments forts de son histoire.
Ce qui est, tout à fait, légitime, d’autant plus qu’il est, de même, intéressant de passer en revue les différents acquis et les programmes que l’Unft a réalisés pour aider la femme tunisienne à s’émanciper. Sans pour autant prétendre tout faire dans la dentelle.
C’est que la mission n’a pas été, tout bonnement, accomplie. Et notre femme… dans la société — expression empruntée au grand ouvrage de Tahar Haddad — mérite, par les temps qui courent, plus d’autonomie et une stratégie d’autonomisation socioéconomique.