L’ordonnance de la Cour internationale de justice (CIJ), émise le 26 janvier dernier, suite à une plainte déposée par l’Afrique du Sud contre Israël pour génocide à l’encontre du peuple palestinien dans la bande de Gaza, fait couler encore beaucoup d’encre.
En effet, la décision de la CIJ continue de susciter polémiques, analyses, espoirs chez les uns et inquiétudes chez les autres, dans le sens où l’on se félicite des pas franchis et de la reconnaissance du crime de génocide collectif, mais de l’absence d’un cessez-le-feu.
Une satisfaction générale toutefois mitigée et incomplète. Mais, l’indication des mesures conservatoires constitue un camouflet juridique pour Israël. Ainsi, sans ordre direct pour cesser l’offensive, le risque de génocide est toutefois clairement reconnu. Plus encore, les mesures ordonnées — si elles étaient respectées — devraient aboutir à arrêter les actions militaires israéliennes, comme l’a clairement mentionné l’Afrique de Sud.
Cette décision commence à avoir des conséquences notables sur le cours des événements, marquant le processus de recherche d’une solution juste, globale et équitable pour la cause palestinienne avec, à terme, le recouvrement par le peuple palestinien de ses droits inaliénables et la création d’un Etat indépendant.
On relèvera, donc, qu’en dépit de la poursuite des carnages perpétrés par l’Etat sioniste, des négociations secrètes seraient en cours en vue de trouver des arrangements. Il semblerait que ces tractations seraient destinées à terme à établir une trêve avec échange de prisonniers et d’otages par le biais d’une médiation égypto-américano-qatarie.
La pression est trop grande sur Israël, après cet épisode de la CIJ, mais cela finirait-il par contraindre Tel-Aviv à céder ?
Pour avoir une nouvelle lecture des événements, La Presse a pris contact avec un fin connaisseur des arcanes des instances internationales, Néjib Hachana, diplomate chevronné, ancien ambassadeur de Tunisie auprès des Etats-Unis d’Amérique.
Il a été, également, ancien directeur général du Monde arabe au sein du ministère des Affaires étrangères, ancien ambassadeur à Beyrouth, au Koweït et à Alger et actuel vice-président du Centre international Hédi-Nouira de prospective et d’études sur le développement (Ciped) qui a bien voulu nous livrer son analyse de la situation.
A cet effet, il confie à notre journal qu’«en premier lieu, il faut reconnaître et apprécier le courage politique de l’Afrique du Sud et les descendants du grand leader Nelson Mandela, paix à son âme, d’avoir pris l’initiative, par conviction et sans aucun calcul politique, de traduire Israël devant la Cour internationale de justice (CIJ) pour génocide contre le peuple palestinien, alors que certains pays, plus précisément les pays arabes et islamiques avec leurs organisations, la Ligue des Etats arabes et l’Organisation de la coopération islamique (OCI), se contentent de condamner avec retenue. L’Histoire en dira long !…»
Ainsi, le dossier préparé avec une défense argumentée et professionnelle a été accepté pour examen par la CIJ, en dépit de la défense et des basses manœuvres d’Israël et de l’Occident en général. Ce qui constitue, déjà, une grande victoire pour la cause palestinienne et un grand coup humiliant encaissé par Israël sur le plan international. Ce qui est de nature à renforcer davantage cette forme d’«l’Intifadha» mondiale contre Israël et à mettre à nu la politique hypocrite des deux poids deux mesures adoptée depuis toujours par l’Occident.
Cette solidarité exprimée aux quatre coins du monde en faveur des Palestiniens et la décision de la CIJ ont ravivé la cause palestinienne, la propulsant sur le devant de la scène mondiale, alors qu’à un moment donné, celle-ci était reléguée aux oubliettes.
La décision de la CIJ combinée avec la résistance ne peut être que positive
De même, la CIJ, poursuit l’ancien diplomate, a ordonné des mesures conservatoires pour tenter de protéger le peuple palestinien et faciliter l’accès de l’aide humanitaire, sans pour autant dicter l’arrêt immédiat des attaques militaires israéliennes contre les civils palestiniens et donc le cessez-le-feu.
Mais ces mesures conservatoires ne peuvent connaître de suite qu’en cas d’un cessez-le-feu.
Or, l’actualité du terrain le montre, avec les atrocités commises tous les jours contre le peuple palestinien, Israël a déclaré être non concerné par les décisions de la CIJ. Ce qui a rendu les décisions de la CIJ en deçà des attentes.
Seulement, et combinée avec l’endurance et la résistance du peuple palestinien, Néjib Hachana estime que les décisions de la CIJ ne peuvent qu’appuyer la cause palestinienne et, à terme, voire la création de l’Etat palestinien, indépendant et souverain, après 75 ans d’occupation.
D’ailleurs, profondément nourrie par son histoire de lutte contre la ségrégation raciale, l’apartheid et l’oppression des colonisateurs, l’Afrique du Sud n’est pas prête à lâcher l’affaire, analyse notre interlocuteur.
La loi de la force et non la force de la loi
Le monde arabe est en partition et les relations interarabes manquent de confiance mutuelle au moment où les visions et les orientations sont différentes, voire parfois carrément opposées, dans le sens où chaque pays a ses propres calculs, ses positions, et son héritage colonial, ayant laissé les marques et ses points de convergence comme de divergence.
A ce titre, il faudra souligner, cependant, la position tunisienne qui a été de tout temps sans équivoque, pour soutenir le peuple palestinien, aussi bien par le Président de la République, Kaïs Saïed, que par le peuple et les formations politiques de tous bords.
En tout état de cause, il faudra continuer jusqu’au bout à lutter contre l’arrogance d’Israël et la complicité flagrante de l’Occident qui fait de la force le seul pivot et relais des affaires internationales. C’est la loi de la force et non la force de la loi qui prévaut et gouverne les relations internationales. C’est un fait !
En conclusion, souligne l’ancien diplomate Néjib Hachana, il faut compter sur nos moyens, faire jouer nos cartes stratégiques qui ne manquent pas et faire prévaloir nos intérêts en essayant de tirer le meilleur profit pour sécuriser nos intérêts, en premier lieu, dont la cause palestinienne qui se situe en tête de liste de nos préoccupations.