Lorsque les accidents ferroviaires sont en hausse, il est clair que quelque chose va mal. Ces derniers temps, la Société nationale des chemins de fer tunisiens (Sncft) multiplie les communiqués, les enquêtes et… les excuses. Dimanche 25 février, une locomotive transportant le phosphate reliant Gafsa à Ghannouche s’est renversée. Le lendemain, la société annonce l’ouverture d’une enquête. Compte tenu des grands enjeux financiers que génère le transport du phosphate et le trafic d’ampleur dont il a fait l’objet tout au long de la décennie écoulée, l’on ne peut s’empêcher de se poser des questions et attendre avec curiosité et intérêt les conclusions de l’instruction.
Un autre accident, mortel cette fois-ci, survenu le même dimanche à Sakiet Ezzit, a coûté la vie à une personne heurtée par le train en partance de Tunis vers Métlaoui. Un jour avant, samedi 24 février, un autre train reliant Tunis à la ville du Kef a tué un ressortissant subsaharien. Les accidents s’enchaînent mais les enquêtes également, veut rassurer la Sncft.
La plupart des fleurons publics qui faisaient jadis la fierté de la Tunisie sont devenus non seulement des gouffres financiers, mais affichent une dégradation importante de la qualité des services. Plusieurs facteurs sont en cause. Une corruption systémique représente un des éléments les plus importants de ces déclins programmés.
A ce titre et régulièrement, le transporteur ferroviaire public est pointé du doigt, que ce soit par les citoyens lambda, par des élus, par un ancien employé. Ils dénoncent la grande corruption qui y sévit. Pas plus tard qu’en janvier, un ancien conducteur avait alerté sur des affaires de corruption de haut vol dont des «acquisitions fictives de moteurs et de traverses endommagées». Le conducteur de train licencié pointe, dans une émission radio, de graves dysfonctionnements des dispositifs de sécurité et des signalisations. Et dénonce, comble du scandale, des déraillements de trains volontairement provoqués.
Aussi, faut-il ajouter, la Sncft s’est retrouvée également dans le collimateur de l’instance nationale de lutte contre la corruption. L’Inlucc, en son temps, avait remis, en août 2021, un rapport d’enquête au procureur de la République dans lequel elle fait état de soupçons de corruption financière et administrative très graves. De hauts cadres seraient impliqués.
Dans les entreprises publiques dotées de gros budgets, en raison du nombre d’effectifs et du coût élevé des équipements, notamment les entreprises de transport terrestre, maritime et aérien, de temps à autre, éclate un scandale pour trafics en tous genres, détournements de fonds publics, prise illégale d’intérêts, acquisitions d’équipements défectueux qui coûtent cher à l’Etat et parfois en vies humaines.
Outre la colère que peuvent ressentir légitimement les contribuables qui se voient délestés de leur argent pour que d’autres se remplissent indûment les poches, mettre en péril la sécurité des personnes doit être durement sanctionné. A ce titre, la campagne d’arrestations d’employés véreux et les procédures judiciaires qui s’ensuivent, dans le respect de la présomption d’innocence, met du baume au cœur.