Outre l’Etat et certains organismes, des entreprises, des ONG, des anonymes s’impliquent avec élan, générosité et don de soi au profit des familles nécessiteuses, des handicapés, des migrants subsahariens, des blessés palestiniens…Donner sans rien attendre en retour: c’est aussi ça Ramadan.
Le Prophète Mohamed avait énoncé que : «Le musulman est le frère du musulman».
En effet, la solidarité a eu, faut-il le rappeler, ses lettres de noblesse, il y a plus de… 1.400 ans, plus exactement à l’époque des grandes conquêtes d’un Islam en pleine expansion.
Parmi les préceptes humanistes, avant l’heure, de l’Islam, les plus démunis ne doivent pas être laissés pour compte par la cité. Les pauvres vivaient d’aides distribuées au nom de la «zakat» et via la trésorerie publique appelée jadis «beit mel al mouslimine».
Avec le temps, cette valeur noble synonyme de partage et d’empathie allait se déployer à travers plusieurs formes aussi louables les unes que les autres.
De nos jours donc et avec Ramadan 2024, de quelle manière la solidarité envers autrui allait-elle se manifester ? Déjà, fin décembre, l’Etat a alerté les ministères et structures concernés pour lancer rapidement les préparatifs de la campagne de solidarité, en prévision du mois saint.
Ainsi a-t-il été décidé d’accorder une subvention de 60 DT à chacune des 340 mille familles démunies pour un montant global de 20,4 millions de dinars, et de porter à 120 dt la valeur du couffin de Ramadan à toute famille n’ayant pas bénéficé de cette subvention. Le budget alloué à ce second volet d’aides financières est de l’ordre de 4,5 millions de dinars.
Opérations de collecte non-stop
En soutien aux efforts de l’Etat, l’Union tunisienne de solidarité sociale (Utss) n’a pas tardé à sortir son artillerie lourde, à travers la mobilisation de ses comités régionaux qui opèrent dans le cadre d’un programme d’aides financières par le ministère des Affaires sociales. Pour un coût de 7 millions de dinars qui devra bénéficier à 45 mille familles.
En outre, il est prévu d’aménager 48 restos éparpillés sur l’ensemble du territoire de la République.
A son tour, le Croissant-Rouge tunisien (CRT), autre acteur principal de cette opération ramadanesque, sera, comme d’habitude, de la partie, à travers ses 24 bureaux régionaux. Coriace défenseur du volontariat, le CRT a, a-t-on constaté, abattu un travail considérable illustré par un extraordinaire effort de collecte quotidien entamé dès le début de février.
En effet, ses jeunes équipes, en majorité des lycéens et étudiants, arrivent tous les jours vers 9h00 du matin à l’entrée des grandes surfaces pour collecter, contre reçus en bonne et due forme, des aides diverses en produits alimentaires et en dons financiers. Fatma. Z, 22 ans, étudiante en cybersecurité, est une volontaire du CRT qui a qualifié son expérience d’émouvante et de fantastique.
«Notre action, souligne-t-elle, a commencé début février par la mise en place, au sein de notre siège, de cinq lignes téléphoniques, suivie du lancement d’une campagne de sensibilisation et d’une collecte sur les réseaux sociaux. Et, ma foi, ça a marché merveilleusement bien, puisqu’au final, nous avons réussi à remplir pas moins de deux mille couffins qu’on a soigneusement entreposés dans notre dépôt, avant leur distribution aux familles nécessiteuses qu’on a recensées avec la collaboration des autorités locales».
Tendons la main aux démunis
Emboîtant le pas à l’Utss pour son partenariat ramadanesque exemplaire avec la Banque de l’Habitat, «beaucoup de nos bureaux régionaux et locaux ont pu, cette année, dénicher des sponsors», indique-t-on au QG du CRT. C’est là un recours légal et efficace pour lequel opte la presque totalité des ONG qui, à la veille du mois saint, intensifient les contacts à tous les niveaux, allant jusqu’a faire du porte-à-porte pour espérer pouvoir financer leur action humanitaire.
A ce propos, il faut saluer la détermination de certaines ONG qui sont arrivées à collecter des aides depuis l’étranger, particulièrement en France, en Allemagne, en Italie et même encore plus loin au Canada. Ce qui est plus remarquable, c’est que ces opérations de solidarité se manifestent également dans les hôpitaux où des repas seront distribués aux patients, à leurs familles, ainsi qu’au personnel médical.
Idem pour les associations et centres des handicapés et personnes âgées qui auront leur part de denrées et d’aides financières.
Nos hôtes devront bénéficier de cet élan. En effet, les restos destinés aux réfugiés subsahariens dans les principales régions où ils séjournent, à savoir Médenine, Gabès, Tataouine et surtout Sfax et ses différentes délégations.
Les blessés palestiniens qui se soignent en Tunisie «seront pris en charge avec leurs accompagnateurs durant le mois de Ramadan», annonce la porte parole du CRT, Boutheina Gragba, qui ajoute qu’«il a été décidé de les placer dans des hôtels, notamment de Nabeul où ils passeront Ramadan dans de bonnes conditions, au point qu’on songe à leur préparer et servir des plats traditionnels de Palestine».
Halte aux escrocs !
Lors des deux dernières éditions de Ramadan, les Tunisiens ont été agréablement surpris par des initiatives inédites qui consistent en l’ouverture de restos exclusivement réservés aux pauvres et aux SDF. Une œuvre financée par les citoyens eux-mêmes, sans l’aide de quiconque. C’est le cas par exemple de Mme Sameh. B, cheffe d’entreprise de son état qui, à l’occasion de chaque mois de Ramadan, transforme une de ses demeures à l’Ariana en resto. «Pour moi, nous dit-elle, ce mois n’est pas seulement synonyme de spiritualité, mais aussi de partage, le mois où on oublie nos soucis habituels, pour adopter les vertus de l’entraide et de l’égalité. D’ailleurs, je suis persuadée qu’une table abondamment garnie au moment de la rupture du jeune perd tout son goût quand on pense à ceux qui en sont privés». Ainsi, chaque matin, cette dame de 52 ans, ex-présidente d’un club sportif de handball, fait la tournée des marchés et grandes surfaces pour s’approvisionner en denrées alimentaires, gobelets et assiettes, sans oublier l’eau minérale et les savons. «En début d’après-midi, raconte-t-elle, je me réunis avec mon staff de bénévoles chargés de la cuisine, de la distribution et du nettoyage. Une fois le menu du jour arrêté, on passe à l’action. Et c’est vers le coup de 17h00 qu’on commence à recevoir du monde, soit entre 40 et 60 personnes par dîner».
«Demain vraisemblablement, on remet le couvert et rebelote pour trente jours sans interruption». «Une chose est certaine : je m’y plais», lance-t-elle, fièrement. Et les membres de la famille ? «Eh bien, répond-elle, je ne suis à eux que pour la veillée ramadanesque». Après avoir émis le vœu de faire mieux cette année, Mme Sameh a promis de «continuer à tendre la main aux pauvres et aux sans abri, même au cas où leur nombre doublerait».
Reste à dire que le combat de cette dame devra servir d’exemple à ceux qui attendent le mois sacré pour frauder, augmenter les prix, spéculer et renflouer impunément leurs recettes. D’autres escrocs font des collectes en espèces qui finissent… dans leurs poches.
Des délits de ce genre ont été d’ailleurs signalés par le passé. D’où le carton jaune brandi par le président de l’Utss, Amine Kchaou qui a mis en garde contre un éventuel regain de ces pratiques déloyales et illégales, appelant à les combattre énergiquement.