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Ksour berbères:  Les greniers-citadelles du Sud

Ils sont un emblème du patrimoine architectural berbère du sud tunisien. Les ksour nichés dans les plaines et les montagnes fascinent par leur aspect si particulier, ressemblant à d’immenses ruches d’abeille. Ils ont joué, au fil des siècles, le rôle de forteresse-grenier, pour les tribus nomades berbères qui s’y sont retranchés pour fuir l’invasion hilalienne. Menacés par la modernisation des villages berbères, ils ont été intégrés dans des projets touristiques mis en œuvre par le ministère du Tourisme et de l’Artisanat


Ksar Zemmour, Ksar El Hallouf, Ksar el Khir, Ksar J’ra… Le Sud-Est tunisien regorge de «Ksour»— on en compte 150 environ— ces habitats naturels à base de gypse et de pierre creusés à même la roche qui se fondent dans le paysage ocre et lunaire de cette partie du pays.
La dimension utilitaire des Ksour, qui transparaît à travers leur apparence rudimentaire, n’arrive pas à effacer l’histoire liée à l’existence de ces édifices. L’invasion hilalienne au XIe siècle, qui s’est étendue jusqu’au sud, a poussé les tribus nomades à se retrancher dans les montagnes et les plaines. Au sommet des buttes, entre le Djebel Dahar et le grand Erg Oriental, des édifices prennent forme progressivement. Ils épousent si bien l’habitacle naturel dans lesquels ils s’insèrent qu’ils ne font qu’un avec le relief environnant. Leur aspect ingénieux réside dans le fait qu’il reflète la capacité de l’homme à s’adapter aux conditions de vie, aussi extrêmes soient-elles. La conception de ces édifices répond à plusieurs besoins, dont celui de se défendre en premier plan en se retranchant dans ces habitats à flanc de montagne et en y stockant les denrées alimentaires pouvant être conservées, sans se détériorer pendant plusieurs années ce qui permet à leurs propriétaires de faire face aux périodes de sécheresse. Lieux sociaux par excellence et parfaitement intégrés au sein d’un mode de vie semi nomade, ces Ksour berbères se répartissent en trois principales catégories, soit le Ksour citadelle, le Ksour de montagne et le Ksour de plaine. Leur conception est quasi similaire. Des ghorfas superposées les unes sur les autres, de trois à quatre étages dont l’aspect ressemble à une ruche d’abeilles, donnant sur une cour intérieure soit de forme carrée, soit rectangulaire, ou subcirculaire. Chaque lieu dans l’édifice à un rôle bien défini. C’est dans la cour que sont regroupés les animaux d’élevage de la tribu ou des tribus propriétaires et entreposés les provisions et les produits issus de leur activité agricole de la région avant d’être stockés dans les ghorfas. Ces cellules, qui ressemblent à des alvéoles et qui font 4 à 5 mètres de profondeur et deux mètres de hauteur environ, constituent l’unité centrale du Ksar.

Ksour citadelles
Chaque Ksar est composé de 150 ghorfas en moyenne. Certains en comptent même jusqu’à 400—ce qui est un record—à l’instar des Ksour de Beni Barka, Ouled Soltane et Oun situés dans le gouvernorat de Tataouine. Les plus anciens Ksour dans l’histoire du sud du pays et les plus élevés sont les Ksour citadelles. Perchés sur les sommets de buttes, ces Kalaâ— un autre nom qui leur est aussi attribué et qui signifie forteresse— sont difficilement accessibles. D’après des inscriptions qui ont été découvertes sur les ghorfas de ces ksour, ces derniers ont été construits au Vème siècle de l’Hégire (XIe siècle de l’ère chrétienne), ce qui correspond à la période durant laquelle le Sud- Est a été envahi par les tribus hilaliennes en provenance de la Haute Egypte. La construction de ces édifices, à l’instar de Ksar de Wani doté d’une tour de guet et qui surplombent des villages troglodytiques, a permis aux autochtones berbères originaires de Douiret, Chenini,et Guermessa de se protéger des envahisseurs hilaliens et de nouer des relations commerciales avec les tribus arabes qui les ont aidés à résister à l’attaque hilalienne. Ces Ksour à l’instar de Ksar Bouhrida, Ksar Zara, Ksar Tounket, Ksar Beni Barka…dans la région de Tataouine au niveau du Djebel Labiadh, ont, par la suite, été progressivement abandonnés. Le besoin de se défendre n’étant plus justifié trois siècles après et remplacés par les Ksours de montagne. La situation socio-économique et les conditions climatiques sont, en effet, les principaux facteurs qui conditionnent l’évolution du rôle joué par ces habitats.

Ksour de montagne
Le Ksar de montagne situé plus bas que le Ksar citadelle a ainsi une fonction essentiellement agricole. Afin de faire face aux épisodes climatiques particulièrement arides et à l’irrégularité de la pluviométrie, ces ksour servent de grenier dans lesquels sont ensilés semences, denrées et provisions alimentaires. Les provisions sont chargées et remontées dans des couffins à l’aide de cordes jusqu’aux ghorfa, auxquelles on accède à partir d’escaliers accolés aux murs.

Ksour de plaine
Ces ksour vont par la suite être relayés par les ksour de plaine dont l’existence date de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle et qui constituent une étape importante de l’histoire du Sud- Est tunisien. Jouant également le rôle de grenier pour la production agricole de la région, ces édifices qui représentent la dernière phase dans l’évolution des ksour, ont une conception différente. Alors que les ghorfas des ksour citadelle et de montagne sont superposées les unes sur les autres, celles des ksour de plaine sont, pour la plupart, réparties sur un seul étage et occupent une superficie qui peut atteindre un hectare et plus. Restés figés pendant plusieurs siècles, certains ont fini par être modernisés et transformés en centres urbains à l’instar de la ville de Ghomrassen qui était un ancien village berbère et qui est devenu un centre urbain moderne.

Ksour et circuits touristiques
Ce patrimoine architectural qui garde les traces de l’histoire et de la culture berbère du sud a été intégré dans des circuits touristiques dont le dernier en date est «la route culinaire Zitoun Zarrazi aux montagnes Dahar», un circuit touristique qui s’inscrit dans le cadre du projet du ministère du Tourisme et de l’Artisanat, mis en œuvre conjointement avec la GIZ et qui vise, entre autres, à promouvoir le tourisme saharien. Cette initiative, certes, louable devrait être renforcée, afin de préserver les derniers ksour et habitations troglodytiques des montagnes en encourageant les investissements privés destinés à la réhabilitation du patrimoine berbère. Il s’agirait, à titre d’exemple, tout en préservant la spécificité architecturale des ksour, de les transformer en gîtes ou en maisons d’hôtes, afin d’offrir un moment d’évasion aux touristes locaux et étrangers tout en leur faisant découvrir toutes les facettes de la culture berbère.

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