Une alerte a été lancée récemment sur la situation environnementale à Kerkennah. Depuis plusieurs décennies, les palmiers connaissent une série de crises graves. Aujourd’hui, ils se trouvent menacés de toutes parts.
Lorsqu’on longe les rivages de l’archipel de Kerkennah, on est horrifié par un spectacle désolant, triste et affligeant : les palmiers sont déracinés dont des milliers, dispersés, dégagent une odeur nauséabonde. La petite île est devenue le théâtre d’une contestation inédite à cause de la pollution.
Le cœur serré, Lotfi, un habitant de l’île, a déclaré, sur un ton amer, «que ce spectacle désolant met en danger la biodiversité. Ces ressources qui représentent notre principal gagne-pain sont totalement menacées», lors d’un séminaire, tenu en 2006, sur l’importance du palmier aux îles Kerkennah. Si l’archipel existe aujourd’hui, c’est grâce aux palmiers dont le nombre par m² est trop élevé. N’oublions pas que la valeur historique et contemporaine du palmier à Kerkennah est considérée comme le principal facteur.
La situation se dégrade
Du coup, la législation a strictement interdit le déracinement des palmiers. Il suffit de visiter quelques sites à l’est et au sud de Abbassia et d’autres à l’entrée d’El Attaya, étendus sur quelques centaines de ha, nous observons des palmiers morts tout noirs. Le comble est qu’une société de pétrole, pour promouvoir ses activités, a détruit ces palmiers. Ce fut le cas d’Elkarraba qui avait subi un déracinement sauvage. Avec beaucoup de nostalgie, Lotfi raconte, en détresse, que la vie des habitants vire au cauchemar. En l’absence d’alternatives et d’initiatives concrètes, la situation économique et environnementale, déjà fragilisée, se dégrade de plus en plus.
De son côté, Mohamed Azaiez, pêcheur et agriculteur, a signalé les dommages que lui a causé la société pétrolière Petrofac, une compagnie qui ne respecte pas la loi. Au risque d’affecter l’écosystème de l’île et porter préjudice à son caractère insulaire. Au point de lui faire perdre de son classement comme zone humide d’importance internationale. En effet, des caractéristiques biologiques de ce site naturel d’importance nationale et internationale n’ont pas été respectées. Ce site est menacé par la pollution qui pourrait être à l’origine de sa disparition. Ayant une importance écologique, culturelle et économique, le fait d’avancer dans le sens de l’étude et de détruire cette richesse signifie transgresser les droits des générations futures. Si cette menace n’est pas freinée, ce sera une catastrophe dans la mesure où la production des dattes constitue un des apports de devises dans le domaine agricole.
Sauvons notre île !
La Tunisie est l’un des rares pays du monde qui dispose d’une biodiversité pittoresque. A Kerkennah, chaque palmier appartient à une variété spécifique. Les palmiers ont un attrait touristique indéniable, alliant écologie, plages, santé, exotisme et climat saharien. «Alors, où sont nos responsables et nos chercheurs agronomes? Qu’en est-il de la coordination institutionnelle interministérielle ?, se demande, énervé, Mohamed Azaeiz. Surtout que les îles de Kerkennah, au large de Sfax et loin du rythme trépidant des zones urbaines, s’offrent les atouts d’un beau milieu touristique agréable et paisible. Ils enchantent les visiteurs et les passagers, avec leurs décors féeriques et leurs longues étendues de sable fin bordées de palmiers qui leur confèrent un aspect si particulier».
Tout commence par le palmier dont les feuilles sont coupées et rassemblées. Elles sont alignées pour jalonner un chemin dans la mer. Avec les courants d’eau, ces chemins marins vont guider les poissons jusqu’aux cages. Ils seront par la suite ramassés par les pêcheurs. Cette pêche permet de rapporter entre cinq et quinze kg de poissons, principalement du mulet, mais aussi du poulpe selon les saisons. Or, la pollution pourrait avoir un impact de taille sur le tourisme et sur l’image de l’île. Bref, sa beauté décimée ferait pleurer les âmes sensibles.
Cette ambiance morose est telle que la destination Kerkennah perd, semble-t-il, de sa superbe et ne fait plus rêver. L’archipel est réputé pour ses palmiers géants et ses plages sablonneuses dorées qui font partie intégrante de l’identité de l’île et lui confèrent son originalité. Aujourd’hui l’île n’est plus ce qu’elle était. Azaeiz a ajouté que la société civile vient de lancer un cri de détresse, interpellant ministères et administrations concernés sur les conséquences dramatiques que pourrait avoir la dégradation de cet écosystème insulaire. D’où, l’urgence de multiplier les campagnes d’information et de sensibilisation, tout en œuvrant à mobiliser tous les intervenants. «Notre but est de réfléchir à des solutions, en vue d’assurer la sauvegarde des palmiers et de promouvoir un tourisme responsable. Nous demandons à ce que les autorités et le ministère de l’Environnement prennent des mesures drastiques, visant à préserver l’écosystème de cette île, afin qu’elle reste un lieu d’escapade et de villégiature pour de nombreux Tunisiens et étrangers. Chacun doit faire de son mieux, pour l’intérêt de notre île», a conclu Mohamed Azaeiz.