Vingt-cinq ans après le lancement de son «musée berbère à Tamazret, où en est donc Mongi Bouras ? On va d’abord dire qu’il est là et bien là. Ce qui prouve que le promoteur est crédible et le «musée» viable. Lui, il y a gagné de la notoriété et des cheveux sel et poivre et son musée l’enrichissement de ses collections. Le circuit de la visite, quant à lui, est resté le même : quelques dizaines de mètres dans cette ancienne demeure semi-troglodytique où chaque pas, à la lumière des commentaires du maître des lieux, vous fait remonter vers les tréfonds du passé et les profondeurs de l’âme qui a habité ces lieux. Un véritable parcours initiatique duquel on ressort durablement marqué.
Quant au flux des visiteurs, il n’a cessé de s’étoffer au point d’assurer la pérennité de l’entreprise, gérée il est vrai à la spartiate. Surtout, la plus grande satisfaction de Mongi n’est pas l’état de la trésorerie, mais dans l’écho que renvoie son œuvre. A cet égard, il se sent comblé. Un étranger, venu en touriste en Tunisie, a demandé expressément à être conduit au Musée berbère. A l’issue de la visite, il n’a pas tari d’éloges à l’adresse de son hôte. Celui-ci s’étant enquis sur le comment de cette visite, il lui a été répondu : «C’est un ami qui me l’a recommandée». «Et votre ami est déjà venu ici ?». Non, lui a-t-il été répondu. Il en avait pris connaissance par la Toile !
Après le mariage du promoteur, la famille s’est agrandie avec l’arrivée d’un fils puis d’une fille. Savez-vous comment Mongi a prénommé son fils? Yernez. En langue amazigh, cela signifie «lion». Tout simplement. Ce «lion» lui a permis de gagner une âme à la cause de l’amazighité en Tunisie. En effet, un jour que Yernez s’était mêlé à des visiteurs accompagnés de leur guide et qu’il s’est mis à chahuter, son père l’a interpellé pour le rappeler à l’ordre. Et voici que le guide s’offusque, s’interrogeant sur la raison pour laquelle il a mérité cette remontrance. «Je m’adressais à mon fils», lui a-t-il été répondu. «Mais Yernez, c’est moi !» Mongi lui ayant expliqué le quiproquo, le jeune guide s’en est retourné chez lui porteur de cette grande révélation : Yernez n’est pas le patronyme turc qu’on croyait mais une appellation amazigh. Et la mère du concerné, dame apparemment de grande culture, a appelé Mongi pour lui demander des explications. Les lui ayant fournies, l’apôtre de l’amazighité s’entend dire : «Dans notre famille, nous avons conservé de notre héritage turc l’usage de deux mots: aghioul et aghroum. Si vous m’en donnez le sens alors ce que vous prétendez est bien vrai.» «Ne vous en déplaise» et «pain», lui a-t-il répondu. «Alors j’admets que nous sommes amazighs, comme vous. Que Dieu vous vienne en aide !».