L’année 2024 étant une année électorale en Tunisie, les enjeux pour la nouvelle élite dirigeante du pays n’ont jamais été aussi importants. Les facteurs compromettants sont innombrables, à savoir des déséquilibres dans les finances publiques, une dépendance accrue vis-à-vis des financements extérieurs et à une récession alarmante qui menace les perspectives de croissance à long terme.
Ainsi, la Tunisie oscillera entre un ajustement économique dur, qui risque de déclencher une crise sociopolitique, et une inaction qui pourrait conduire à un effondrement économique, dont les solutions au coup par coup n’offriront pas de salut.
L’impasse inexplicable dans laquelle se trouvent les relations avec le Fonds monétaire international — un partenaire souvent réticent mais nécessaire pour stabiliser l’avenir financier de la Tunisie — est particulièrement troublante. Après tout, les défis économiques de la Tunisie sont profondément enracinés et multiformes, nécessitant une mobilisation sans précédent des mécanismes de soutien internes et externes pour sauver le pays du gouffre. La dette publique de la Tunisie reste alarmante, un indicateur frappant des déséquilibres fiscaux qui ont continué à affecter une économie stagnante qui devait croître d’un peu plus d’un demi pour cent pour l’ensemble de l’année 2023.
L’employabilité des jeunes en jeu
Dans le même temps, une industrie agricole affectée par des conditions météorologiques défavorables, combinée à la sous-performance du secteur du tourisme, confirme des échecs politiques et des déficits systémiques, en particulier l’incapacité à capitaliser sur la réouverture mondiale post-pandémique.
L’investissement privé, qui était autrefois le pilier de la création d’emplois, s’est également essoufflé. Le gonflement de la taille du secteur public et la croissance du secteur informel ne font que freiner l’entrepreneuriat tunisien. L’effondrement du ratio investissement/produit intérieur brut — de 25 % au début des années 2000 à moins de 10 % aujourd’hui — cristallise la chute irréversible de l’économie.
Pis. Un pourcentage inquiétant de 77 % des allocations est consacré au service de la dette publique, aux salaires des fonctionnaires et aux subventions, ce qui laisse moins de 7 % pour les investissements essentiels visant la création d’emplois dans le secteur privé.
Cette situation soulève des questions importantes quant à la viabilité des finances publiques et à la vision du développement économique du pays, alors que les prix du pétrole sont à la hausse et que le taux de change du dollar est volatil. Les impacts convergents des crises mondiales, de la guerre en Ukraine aux bouleversements majeurs secouant le Moyen-Orient et même au changement climatique nécessitent une réévaluation de la budgétisation de l’Etat.
L’impératif de réformes solides
Une telle approche limite non seulement la marge de manœuvre pour des investissements cruciaux, mais jette également une ombre sur les perspectives à moyen terme du pays, en particulier la structure des ressources de l’Etat tunisien. Le pays a besoin de réformes solides et d’une stratégie fiscale prudente pour faire face aux difficultés économiques imminentes causées par des emprunts excessifs et des finances publiques déséquilibrées. Selon l’agence de notation Fitch Ratings, le déficit de financement budgétaire est substantiel, estimé à plus de 16 % du PIB par an jusqu’en 2025.
Les perspectives de plus en plus sombres d’un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) renforcent l’urgence d’interventions sérieuses, tant au niveau local que de la part de partenaires à l’étranger, de peur que la trajectoire actuelle ne rende inévitable une banqueroute multiforme. Même si Fitch prévoit que le gouvernement tunisien pourrait obtenir environ 2,5 milliards de dollars en 2024, un nuage d’incertitude plane sur ces projections. Il s’agit notamment de prêts anticipés de l’Arabie saoudite et de la Banque africaine d’import-export. En l’absence d’une voie claire et avec des remboursements d’euro-obligations difficiles à l’horizon, la résilience économique de la Tunisie semble être en jeu.
Se préparer à l’éventualité d’un mauvais scénario est une démarche pour le moins pragmatique. Les donateurs et les partenaires mondiaux doivent être prêts à fournir une aide d’urgence afin d’éviter l’effondrement de toute une société.
C’est pourquoi l’implication internationale doit aller au-delà de la simple gestion de crise pour ainsi faciliter la reprise d’un dialogue constructif vers un modèle économique durable et inclusif, ainsi que vers un nouveau contrat social.