L’offre touristique tunisienne a longtemps été focalisée et centrée sur un produit côtier. Les institutions et les acteurs du tourisme ont déployé des efforts pour diversifier cette offre, notamment en introduisant un tourisme alternatif tel que le tourisme saharien, dont les opportunités géographiques, touristiques et socioéconomiques de développement local semblent évidentes.
Le tourisme est l’une des activités économiques les plus importantes au monde, avec un potentiel de croissance économique significatif pour les pays émergents et les pays les moins avancés. Cependant, dans sa forme actuelle, il est contrôlé par des opérateurs étrangers et son orientation vers le tourisme côtier semble de moins en moins rentable. Afin d’atteindre la croissance, le pays doit développer ses offres en misant sur différentes stratégies, telles que l’amélioration des solutions actuelles, le positionnement de l’offre comme ayant de la valeur, et la surprise du client.
Comprendre le nouveau monde et le comportement du client
L’innovation nécessite un marketing spécialisé, car il faut définir ou redéfinir l’activité, développer ou réviser l’offre, analyser la concurrence et comprendre le nouveau comportement du client. Cependant, les résultats attendus d’une telle politique restent insuffisants et concluent que si le tourisme saharien ou écologique est censé être un sous-produit du tourisme côtier, ce dernier reste prédominant en Tunisie. Le tourisme saharien est défini comme un produit « désert », similaire à la thalassothérapie et au golf.
Il permet également aux clients qui se sont rendus sur la côte de prolonger leur séjour. Le tourisme saharien est donc resté un produit complémentaire (complément à la mer par des circuits vers le Sahara). Mais le Sahara et ses grands espaces peuvent devenir des destinations touristiques à part entière.
L’innovation, une obligation face à une concurrence rude
La vocation du tourisme tunisien comme tourisme balnéaire de masse a été dictée depuis les années soixante par des impératifs économiques urgents. En effet, le tourisme en Tunisie est l’un des secteurs les plus dynamiques de l’économie tunisienne et une source de devises pour le pays. Ce secteur vital de l’économie tunisienne a des impacts signifiants sur d’autres secteurs économiques, tels que le transport aérien, l’artisanat, le commerce et la construction. La position géographique de la Tunisie au sud du bassin méditerranéen, avec 1.300 kilomètres de côtes largement sablonneuses, un climat méditerranéen chaud en été et doux en hiver, un patrimoine civilisationnel très riche (plusieurs sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco) et surtout un faible coût de séjour touristique font de ce pays l’une des principales destinations des touristes européens en Afrique et dans le monde arabe. Quatrième pays le plus visité après l’Egypte, l’Afrique du Sud et le Maroc, la Tunisie a accueilli plus de 9 millions de touristes en 2023, selon les chiffres du ministère du Tourisme.
Malgré la « rentabilité » du tourisme balnéaire en Tunisie, ce dernier est devenu — compte tenu de plusieurs facteurs dont la concurrence d’autres réceptifs — insuffisant pour répondre aux besoins des touristes, d’une part, et pour l’économie du pays, qui repose en grande partie sur le tourisme, d’autre part. D’où l’idée de développer un tourisme alternatif tel que « le saharien » ou encore l’écologique.
Trouver des réponses appropriées
Sur le plan économique, le changement climatique et la raréfaction des ressources (l’eau en particulier), combinés aux pressions sur les activités agricoles (impératifs d’adéquation à l’évolution des débouchés), entraînent une fragilisation des systèmes économiques oasiens traditionnels, une augmentation de la pauvreté et de la vulnérabilité et des mouvements de population. Face à ces difficultés, le développement touristique pourrait apparaître comme une réponse appropriée. Il peut cependant prendre des formes tellement différenciées qu’il n’est pas possible de procéder à une évaluation unique. Le tourisme de masse, susceptible de générer le plus de valeur ajoutée, monopolise des ressources rares au détriment d’autres activités et n’est donc pas nécessairement la meilleure contribution au développement local. De plus, l’expérience montre que seule une très faible partie de la valeur ainsi créée bénéficie aux populations locales. En effet, dans le Sud tunisien, on constate que les plus grands hôtels appartiennent à des promoteurs côtiers ou à des sociétés à forte participation bancaire et étrangère et que leur approvisionnement se fait principalement à partir de Tunis et des grandes villes côtières : Sfax, Sousse et Gabès.
En ce qui concerne les emplois directs créés, l’impact est à première vue positif : la seule zone touristique de Douz, par exemple, emploie 400 chameliers et 800 personnes dans l’hôtellerie. Cependant, ces chiffres ne doivent pas induire en erreur. En effet, la structuration du secteur et les rapports de force qui s’y opèrent sont tels que les intermédiaires captent l’essentiel de la valeur ajoutée. Ainsi, qu’il s’agisse de chameliers ou de conducteurs de voitures, les études de terrain montrent qu’en moyenne, 70% du coût du service sont prélevés par les intermédiaires, empêchant ainsi ces opérateurs locaux de fournir une qualité de service correspondant à l’argent payé par les touristes.
Bien que variables, ces prélèvements se retrouvent dans toutes les activités liées au tourisme : boutiques d’artisanat, restaurants, cafés, etc. Quant aux emplois salariés créés, ils sont le plus souvent précaires, saisonniers et mal rémunérés.
L’impact économique réel au niveau local est donc nettement inférieur à celui que l’on peut estimer à partir des dépenses des touristes.
Vendre du rêve, un acte salvateur
Sur le plan culturel et social, rien ne se prête plus à la mystification que l’espace saharien. Vendre du rêve est, en effet, le moyen le plus sûr d’attirer les foules. Mais ne vaut-il pas mieux comprendre pourquoi les hommes ont maîtrisé l’environnement désertique et développé des trésors ?
Les populations des zones sahariennes, en particulier dans les oasis, ont construit des systèmes anthropiques spécifiques. Etablis dans un environnement « hostile », ces systèmes sont de bons exemples de développement durable construit en harmonie avec une nature extrêmement contraignante.
Cette construction s’appuie sur des cultures, des identités et des relations sociales fortes, établies au fil des siècles. Ces éléments constituent des « aménités patrimoniales » liées à des aménités environnementales qui constituent la base de l’attractivité touristique.