Accueil Culture 60 ans avant… Le vendredi 31 juillet 1964: La Tunisie en vedette avec le succès théâtral de l’année «Othello»

60 ans avant… Le vendredi 31 juillet 1964: La Tunisie en vedette avec le succès théâtral de l’année «Othello»

Présenté dans des revues d’art comme un modèle d’architecture tunisienne élégante et dépouillée et l’un des plus beaux théâtres de plein air de la Méditerranée, l’amphithéâtre de Hammamet, résolument moderne mais inspiré de l’antiquité grecque, a accueilli, depuis son inauguration officielle le 31 juillet 1964, les plus grandes compagnies théâtrales du monde qui y ont joué des textes classiques et contemporains devant les gradins en ciment qui résonnent encore de toutes les musiques et sonorités du monde.

Une soirée inaugurale exceptionnelle sous les projecteurs

60 ans avant… Le vendredi 31 juillet 1964, fut une célébration plurielle dans une soirée inaugurale exceptionnelle. Ce jour-là a été inauguré en présence notamment du premier président de la République tunisienne, Habib Bourguiba, le théâtre de plein air de Hammamet où a été lancée dans la soirée la toute première édition du Festival international de Hammamet (FIH) avec le spectacle interarabe «Othello», mis en scène par le jeune acteur et metteur en scène tunisien Aly Ben Ayed d’après une traduction de Tahar Khemiri. Cet événement de l’année, dans l’histoire du théâtre arabe, a bel et bien mis la Tunisie en vedette, titrent en somme la presse française comme «Le Monde», les hebdomadaires parisiens de la semaine «Le Figaro Littéraire», «l’Express», mais aussi la presse tunisienne parlant dans leur couverture d’un succès architectural inédit et théâtral remarquable dans le monde arabe et africain.

Près de mille invités de marque étaient présents entre personnalités politiques, diplomatiques, architectes de ce nouveau joyau et les plus grandes figures du monde du théâtre, de la littérature et de la culture venus de France, d’Italie, d’Allemagne, d’Angleterre, des Etats-Unis et du Moyen-Orient pour ne citer que l’écrivain italien Fabio Maure, l’écrivain et acteur britannique Peter Ustinov, l’acteur et chanteur français Jean Claude Pascal…, mais aussi des critiques d’art présents à la cérémonie d’inauguration organisée sous la direction de Cécil Hourani (frère du grand historien libanais Albert Hourani), fondateur du Centre culturel de Hammamet et premier directeur du festival.

 «La saison internationale Hammamet 31 juillet-16 août 1964»

Dans ce tout premier théâtre en plein air réalisé par l’Atelier d’architecture et d’urbanisme (AUA, maître d’ouvrage) entre 1962 et 1964, a été donnée la toute première représentation en arabe littéraire de cette édition de lancement documentée dans le premier livre broché, un ouvrage collectif de 28 pages intitulé «La saison internationale Hammamet 31 juillet-16 août» (paru le 1er janvier 1964 et édité par l’Imprimerie du secrétariat d’Etat) mettant en avant les cinq soirées d’un Festival qui, depuis cette date, a affiché son crédo : qualité, diversité et ouverture.

En s’inspirant de l’œuvre de William Shakespeare «Othello» (jouée en 1604), Aly Ben Ayed, à la tête de la troupe de la Ville de Tunis, était l’artiste numéro un du pays à l’époque. Dans cette œuvre, présentée dans une deuxième soirée le samedi 1er août 1964, il a associé l’acteur égyptien Jamil Rateb (rôle principal d’Othello), connu déjà pour son rôle dans le célèbre film d’aventure «Lawrence d’Arabie» (1962) du britannique David Lean, et une artiste libanaise au nom de Théa Racy (rôle de Desdémone) avec la participation de Mouna Noureddine de la troupe de la Ville de Tunis. Les costumes ont été confiés à un peintre algérien du nom de Abdelkader Farah, qui faisait les décors pour la Troupe royale de théâtre en Angleterre en tant que décorateur en titre du royal Shakespeare Theatre, lit-on dans les archives de la presse de l’époque.

Le programme de cette première saison «internationale», qui s’est étalée du 31 juillet au 16 août, a été meublé par trois autres soirées : «Hamlet» par la compagnie Ballets des jeunesses musicales de France sous la baguette du danseur et chorégraphe français Pierre Lacotte (soirées des 14 et 15 août) et la dernière soirée en musique avec une prestation au piano d’Abbey Simon et en deuxième et dernière partie la soprano Luise Bosabalian, en guise de clôture le 16 août 1964 dans l’écrin de ce Théâtre, rappelant le théâtre antique d’Epidaure de Grèce, qui, avec son dispositif scénique, a été pensé dès le départ pour être ouvert à des manifestations prestigieuses et à des spectacles exceptionnels.

Un Théâtre de plein air, un chef d’œuvre architectural   

Enfoui dans les jardins du Centre culturel international de Hammamet, le théâtre de plein air de Hammamet, considéré un chef d’œuvre de l’art architectural hammamétois, prend place au milieu du Centre, qui fut dans les années 20, le jardin luxueux de la villa de Georges Sébastian, un fortuné roumain qui s’installa dans la cité balnéaire au début du XXe siècle, d’où l’appellation Dar Sébastian. Six années après l’Indépendance, le domaine est vendu à l’Etat tunisien pour le promouvoir en tant que fer de lance de la politique culturelle de la nation, en créant ainsi le Centre culturel international de Hammamet.

En 1962, la Fondation Calouste Gulbenkian finance la construction d’un théâtre de plein air, confiée aux architectes français, Paul Chemetov et Jean Deroche, ainsi qu’au scénographe René Allio.

Dominant la mer à Hammamet chantée par la diva Naâma «Hammamet ya janna», le Théâtre de 1.100 places, dans une architecture qui puise ses racines dans les conceptions antiques du théâtre en rond et en plein air et conçu pour accorder une place importante au regard du spectateur et à son mode de participation, dans un lieu intime, est venu ainsi témoigner du charme non seulement d’une ville mais d’un lieu d’art exceptionnel au beau milieu de Dar Sébastian, une résidence aux murs blancs et au patio carré sur une superficie de près de neuf hectares plantée d’orangers et de plantes exotiques, donnant à ce lieu une allure élégante et monacale, selon l’expression de l’écrivain et directeur du FIH durant une décennie (1967-1977), Tahar Guiga.

Le Ccih : un lieu d’histoire et de mémoire

Cœur vivant de l’action culturelle et artistique du Ccih depuis sa création, le Théâtre de plein air, ayant accueilli de grandes vedettes dont notamment le danseur et chorégraphe franco-suisse Maurice Bejart, le danseur américain de renom Alvin Ailey, le metteur en scène britannique-français Peter Brook…, a vu se succéder, à un rythme soutenu, des représentations diverses : ballets, concerts, théâtre, cinéma… dans le cadre du Festival international d’été de Hammamet et d’autres manifestations organisées et accueillies par le Centre culturel international de Hammamet, appelé aujourd’hui «Maison de la Méditerranée pour la Culture et les Arts».

Lieu cosmopolite de rencontres et d’échanges, le Ccih a reçu des noms connus de la scène artistique et culturelle mondiale comme le sculpteur et peintre suisse Alberto Giacometti, la créatrice de mode Elsa Schiaparelli, le grand peintre allemand Paul Klee, l’écrivain français André Gide, la célèbre actrice suédoise Greta Garbo… mais aussi des personnalités politiques dont le maréchal Erwin Rommel pendant la Seconde Guerre mondiale pour y vivre le “crépuscule de son rêve africain”, Winston Churchill, qui y rédige une partie de ses mémoires dans ce lieu chargé d’histoire avec des moments inoubliables qui ont fait rêver les festivaliers tout au long de ses 57 étés passés.

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