Souleima Ben Temime, cofondatrice, avec Khaoula Ben Ahmed, Ghofrane Ayari et Sirine Ayari, de la start-up Gewinner, qui révolutionne la mobilité des utilisateurs de fauteuils roulants avec Moovobrain, accorde au journal La Presse un entretien à l’occasion de l’obtention de la troisième place sur trois finalistes pour le Young Inventors Prize dans le cadre du Prix de l’inventeur européen 2024. Au menu de cet échange : son parcours et celui de ses cofondatrices, de l’idée à la reconnaissance internationale. Rencontre avec une femme d’exception qui change des vies et ouvre la voie à un avenir plus accessible pour les personnes à mobilité réduite.
Votre invention est géniale, cela ne fait aucun doute, êtes-vous déçues ou tout de même contentes d’avoir eu le 3e prix de l’inventeur européen 2024 ?
Nous sommes hypercontentes, nous sommes de toutes les manières lauréates, le fait que la Tunisie soi sélectionnée comme le premier pays arabe, c’est en soit une victoire. De plus, c’est une opportunité énorme pour promouvoir le produit et démontrer comment nous pouvons aider les personnes à mobilité réduite.
Maintenant, nous sommes contactées par plein de gens et, d’ailleurs, nombreux sont ceux qui sont venus nous dire « pour nous, vous êtes les vainqueurs », et ça nous fait vraiment plaisir. Mais comme je vous l’ai dit, ce prix est parmi tant d’autres choses que nous avons gagnées grâce à cette opportunité.
Nous avons l’impression que ce n’est que le début de l’aventure, quelle est l’étape suivante ? Rechercher des investisseurs pour produire à grande échelle ?
Absolument, pour nous, l’étape suivante est la levée de fonds. Et je vais vous faire une confidence, nous sommes déjà en train d’être contactées par plusieurs investisseurs potentiels, des Tunisiens, des étrangers et aussi des Tunisiens résidant à l’étranger. Maintenant, nous sommes en train d’en discuter entre nous pour prendre la bonne décision.
Nous ne pouvons pas avancer un chiffre sur notre objectif de levée de fonds, mais je peux vous dire que le chiffre est en train de monter. D’un autre côté, nous sommes contactées par des personnes qui souhaitent vraiment avoir le produit parce qu’ils ont une personne à mobilité réduite dans leur entourage.
Nous travaillons, aussi, sur la possibilité de la mise sur le marché tunisien de notre produit. Notre objectif est de travailler directement avec les fabricants de chaises roulantes afin d’intégrer simplement notre carte électronique dedans.
Est-ce que c’est un produit de riches ?
Notre stratégie est de travailler avec les ONG qui sont capables de mobiliser les fonds nécessaires pour acquérir cet équipement très utile aux personnes à mobilité réduite. Nous avons commencé avec une association à Sousse et nous sommes en train de négocier avec d’autres. Quatre personnes ont déjà pu bénéficier de Moovobrain en Tunisie. En gros, cela coûte environ 2 140 dinars.
Comment marche une chaise roulante qui fonctionne simplement par la pensée ?
Moovobrain est une application mobile qui pilote une carte électronique intégrée à l’intérieur de la chaise roulante et qui permet de contrôler les mouvements. Il existe trois modes : pilotage par la voix, pilotage par les mouvements du visage, ou bien par les signaux du cerveau. Et c’est un produit fiable à 100%. Il s’agit d’un dispositif médical, donc la fiabilité est un préalable à toute mise sur le marché.
Je note qu’il est possible d’imaginer d’autres applications dans d’autres domaines, notamment dans des prothèses intelligentes.
Quels ont été vos atouts pour parvenir à cette invention absolument révolutionnaire ?
En fait, nous avons commencé à travailler sur ce projet depuis que nous étions étudiantes, nous avons toutes un background technique. Mais quand vous intégrez l’écosystème entrepreneurial, vous trouvez un ensemble de supports très importants et très utiles pour se lancer dans le business. Donc nous avons intégré des incubateurs comme celui d’Actia dans lequel nous avons trouvé le support nécessaire.
Je ne vous cache pas que nous avons rencontré quelques difficultés concernant le financement pour le prototypage. Nous avons dû participer à plusieurs concours pour obtenir des prix qui ont permis de transformer l’idée en un prototype et à partir de là tout s’est enchaîné.