Si l’île d’Ulysse est connue pour ses palmiers, ses longues étendues de sable fin et son air doux et ensorcelant, elle est également réputée pour ses demeures traditionnelles au style architectural unique
Du ciel, il est possible de voir ces taches blanchâtres minuscules qui se découpent sur l’écrin de verdure formé par les oliviers et les palmiers qui s’étendent à perte de vue dans l’île de Djerba. Il s’agit de ces fameux « houch » traditionnels uniques dans leur style et qui font la spécificité de l’île. La structure très particulière du houch reflète une philosophie et un mode de vie ascète et en huis clos. Partie intégrante du menzel, qui est une parcelle agricole délimitée par des levées de terre (tabias) et qui peut comprendre une ou plusieurs habitations avec leurs annexes, le « houch » traditionnel est un espace de vie qui se veut discret et à l’abri des regards. Lorsqu’on déambule sur les chemins vicinaux, on peut entrevoir ces maisons traditionnelles derrière les hauts talus bordés de cactus et d’aloe vera, qui, non seulement, servent de rempart naturel contre l’érosion mais qui protègent, par ailleurs, ces demeures des regards indiscrets. Au sein du menzel, tout est parfaitement agencé et aménagé de façon à pouvoir satisfaire tous les besoins de la famille sans avoir besoin d’avoir recours à une aide extérieure. Les familles vivent en parfaite autarcie dans ces menzels auxquels on accède par une fella, qui est une ouverture pratiquée dans la tabia. On trouve dans le menzel, dont le point central est le houch, tous les équipements et les aménagements en maçonnerie qui permettent d’exploiter la parcelle agricole familiale. L’un des ouvrages, qui est une composante incontournable du menzel, est le fameux puits traditionnel (el bir à delou) dont l’eau puisée grâce à la traction animale permet d’irriguer les fruits et les légumes plantés au sein de l’exploitation. L’eau est déversée dans un petit bassin (mida) puis acheminé vers la jebia où elle est emmagasinée. Parmi les ouvrages aménagés à usage agricole au sein du menzel, il y a également un grand terreplein en forme de cercle d’un diamètre de quinze à vingt mètres où sont entreposés les céréales. Un makhzen de forme longitudinale, composé d’une longue salle surmontée d’une voûte et qui se termine de part et d’autre par des façades surmontées d’un fronton triangulaire, sert d’écurie et d’entrepôt pour les bottes de paille. Le jerbien pourvoit non seulement aux besoins de sa famille en denrées de première utilité mais se convertit également en tisserand artisan et confectionne lui-même des vêtements pour les membres de sa famille dans un atelier de tissage aménagé à cet effet au sein du menzel (makhzen enn ‘cija).
A l’abri des regards indiscrets
Toutes ces bâtisses se trouvent à l’extérieur du houch afin de ne pas perturber la tranquillité de ses occupants. La première chose qui frappe, lorsqu’on observe un houch traditionnel de l’extérieur, c’est la quasi absence de grandes fenêtres et d’ouvertures sur les murs et les façades enduites de chaux. A la place, de petites ouvertures en guise de fenêtres pratiquées dans les murs des ghorfas qui sont des pièces surélevées se trouvant à l’extrémité de la demeure, traduisent le souci des occupants de vivre dans la discrétion la plus totale et de protéger jalousement leur intimité du regard des autres. Les invités et les visiteurs sont d’ailleurs accueillis à l’extérieur du houch dans un makhzen spécialement aménagé à cet effet (makhzen edhief) et qui fait partie des annexes de la demeure traditionnelle. Le houch est une unité architecturale, composée d’espaces en commun composés de la cuisine, de la cour et de la pièce centrale où se réunissent tous les membres de la famille élargie ainsi que d’une ou de plusieurs pièces qu’on appelle dar et qui sert d’espace privé pour la famille composée d’un couple et de leurs enfants. Il s’agit généralement d’une pièce qui s’étend en longueur et qui est composée d’une petite salle de séjour au centre, d’une chambre se trouvant au fond de la pièce et d’une mezzanine à laquelle on accède par de larges escaliers et qui fait généralement office de chambre pour les enfants.
Au fur et à mesure que ces derniers grandissent, le patriarche procède à l’extension du houch, en construisant de nouvelles pièces servant de dar pour les jeunes hommes de la famille fraîchement mariés.
Lorsque la demeure traditionnelle dans laquelle peuvent vivre une dizaine de personnes voire plus ne peut plus contenir ce « trop plein » familial, les jeunes descendants de la famille, et qui sont généralement les petits-fils du patriarche, se lancent, à leur tour, dans la construction d’un nouveau houch aménagé au sein du menzel et situé à proximité de la demeure où vivent leurs parents et leurs grands-parents perpétuant, ainsi, un mode de vie ancestral. Aujourd’hui, il reste que si ce mode de vie à l’ancienne a pratiquement été abandonné et ne subsiste plus que dans certaines localités de l’île, ces houch font partie du patrimoine de l’île et méritent d’être précieusement sauvegardés.