Devant une grande formation musicale faite d’instruments à cordes, de bases rythmiques, de cuivres, un cajón et autre darbouka avec la participation de musiciens de tous bords, entre autres des Tunisiens, Boudchart a mis à l’honneur le répertoire tunisien classique au grand bonheur d’un public, ravi à l’idée de pouvoir pousser la chansonnette tout au long du concert.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’artiste Boudchart était attendu par le public tunisien qui a inondé, le jeudi 1er août, les gradins et les chaises du Théâtre romain de Carthage. Invité dans le cadre de la 58e édition du festival international de Carthage, ce compositeur, arrangeur, multi-instrumentiste et chef d’orchestre marocain, n’est pas à sa première participation tunisienne. En effet, il était présent, le 18 mai dernier, sur la scène du théâtre de l’Opéra de Tunis avec le même engouement du public.
Son secret, c’est de faire chanter l’audience en offrant une expérience musicale bien pensée et élaborée à travers de grands succès de la musique orientale moderne et classique. Derrière ce concept, il y a Amine Boudchart, passionné par la musique depuis son plus jeune âge. Originaire de Mohammedia, une commune située dans la banlieue de Casablanca, le jeune homme a poursuivi ses études supérieures en ingénierie statistique en France.
En parallèle, il a continué à développer sa pratique et ses compétences musicales en décrochant un diplôme du conservatoire de musique de Nanterre en 2020. En 2022, Amine se produit dans une petite salle parisienne sous le nom de scène Boudchart. Le succès est au rendez-vous. Il décide alors de renouveler l’expérience, dans différentes villes marocaines. Progressivement, le phénomène Boudchart atteint d’autres cieux, entre autres en France (à l’Olympia à Paris et à Lyon), au Canada (Montréal), en Belgique (Bruxelles), en Égypte (Al Alamein City), aux Émirats arabes unis (à l’Opéra de Dubaï), en Arabie saoudite (Riyad) et au Qatar. L’idée est aussi simple qu’ingénieuse, car l’artiste adopte la scène qui l’accueille et adapte sa programmation au pays ou à la région dans laquelle il se produit, en y impliquant parfois des artistes locaux. À Carthage, devant une grande formation musicale faite d’instruments à cordes, de bases rythmiques, de cuivres, un cajón et autre darbouka avec la participation de musiciens de tous bords, entre autres des Tunisiens, Boudchart a mis à l’honneur le répertoire tunisien classique au grand bonheur d’un public, ravi à l’idée de pouvoir pousser la chansonnette tout au long du concert. Cela a commencé avec deux, trois succès de la chanson arabe, entre autres le fameux titre «Akdeb alik» de la grande Warda Al-Jazairia, avant de distiller progressivement des rythmes tunisiens : «Ki ydhik bik dahr» de Sadok Thraya, jouée classiquement au départ avant l’entrée en jeu de la guitare sèche qui, fusionnée à la trompette, a apporté des notes latino, et la batterie s’ajoutant pour plus de rythmes. «Nassaya» de Lotfi Bouchnak, «Ah ya khlila» de Saliha a été chanté à corps perdu par le public avant que le maestro ne leur propose d’écouter un mix fait de rythmes marocains, de quoi satisfaire une audience marocaine qui s’est déplacée en petits groupes arborant les couleurs de leur drapeau national.
À ce qui nous semble être une «Daka marrakchia», le compositeur et chef d’orchestre a ajouté le rythme entraînant de la darbouka et le lyrisme du mezoued tunisien joué aussi en solo ce qui n’a pas manqué d’enflammer les cœurs et les corps.
De belles attentions à l’égard de ce public tunisien qui, disons-le, jouait à merveille le jeu en chantant quand il le fallait et en prenant le temps d’écouter ce que l’artiste lui avait réservé comme compositions personnelles.
Un public conciliant et encourageant quand des problèmes techniques (de retour de son entre autres) ont interrompu une magnifique interprétation au violon de rythmes marocains, du grand violoniste et compositeur tunisien Bechir Selmi.
Arrêté en plein élan, ce dernier, le temps de régler le problème sous les applaudissements chaleureux de l’audience, a repris son jeu pour accompagner «Ordhouni zouz sbeya».
Le problème du son ne s’étant pas complètement dissipé, ce n’est qu’avec «Lyoum gueletli zine ezine» que l’on a pu bien profiter du son du violon dompté avec maestria par l’emblématique artiste tunisien.
Un public conquis qui a même pu chanter en anglais le titre latino «Sway», un répertoire judicieusement choisi et d’intéressantes fusions stylistiques même si par moments ça pouvait partir un peu dans tous les sens… La sauce Boudchart a plus que pris !
À Carthage, on a découvert un artiste intelligent, créatif et à l’écoute de son audience.