Secteur des agences de voyages : Malgré la reprise, beaucoup reste à faire

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Après la crise du Covid-19, les attentats terroristes de 2015 et la révolution de 2011, le secteur des agences de voyages commence à reprendre son souffle. Tous les indicateurs actuels sont positifs et traduisent des progressions notables. Encouragées par cette reprise, les agences de voyage commencent à vouloir réinvestir dans les ressources humaines, le matériel roulant et les frais promotionnels et de communication. Malheureusement, ces derniers souffrent terriblement de quatre problématiques conjoncturelles majeures. Houssem Ben Azouz, président de la Fédération interprofessionnelle du tourisme tunisien (Fi2T), nous éclaire davantage sur le sujet.

Les agences de voyages en Tunisie, subissent des pressions économiques importantes, Houssem Ben Azouz, président de la Fédération interprofessionnelle du tourisme tunisien (Fi2T) et gérant, depuis 2024, d’une agence de voyages spécialisée dans le tourisme d’aventures (randonnées), l’écotourisme et le tourisme culturel, a expliqué qu’après la lourde crise sanitaire du Covid-19, précédée par les attentats terroristes de 2015 et la révolution de 2011, le secteur des agences de voyages commence à reprendre son souffle, vu la bonne reprise de l’activité touristique aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale.

Des problématiques conjoncturelles majeures 

«Tous les indicateurs actuels sont positifs et enregistrent des progressions notables : nombre d’entrées, recettes, nuitées… Encouragées par cette reprise, les agences commencent à vouloir réinvestir dans les ressources humaines, le matériel roulant et les frais promotionnels et de communication. Malheureusement, les agences de voyages en Tunisie souffrent terriblement de quatre problématiques conjoncturelles majeures», explique Ben Azouz. Il rappelle d’abord la suppression, en 2024, des avantages douanier et fiscal pour l’acquisition de véhicules touristiques microbus (12 à 16 places) et minibus (27 places). «Cet avantage a été supprimé dans la loi de finances 2024, sous la pression d’on ne sait quels lobbys, sous prétexte que ce type de véhicule est produit ou rassemblé en Tunisie. Or, après vérifications et enquête conjointe avec les autorités de tutelle, les micro bus et minibus produits ou rassemblés en Tunisie ne donnent satisfaction ni sur le plan quantitatif ni sur le plan qualitatif », certifie Ben Azouz.

«Par ailleurs, les prix de ce type de matériel roulant, crucial pour notre activité, ont doublé, voire triplé. S’ajoute à cela, beaucoup d’agences de voyages seront incapables de renouveler leur parc roulant de micro bus et minibus. Je rappelle que le régime fiscal privilégié pour l’acquisition de matériel roulant par les agences de voyages vise à encourager les investissements dans le secteur touristique qui est un pilier important de l’économie tunisienne. En réduisant les coûts d’acquisition des véhicules, ces avantages permettent aux agences d’investir davantage dans leur flotte et d’améliorer leurs services. Faute d’encouragements, le parc microbus et minibus va certainement se dégrader à court et moyen termes », poursuit le président de la Fi2T.

Concurrence déloyale

D’après lui, une grande concurrence déloyale sévit dans le secteur des agences de voyages. « On voit une multitude d’offres de produits touristiques fournies par des structures illégales. Les prestations touristiques pour les touristes nationaux et internationaux ne peuvent être légalement fournies que par les agences de voyages agréées, et ce, dans l’intérêt du touriste. Or, on voit un grand nombre de sociétés de services, d’associations… qui offrent des forfaits et des excursions touristiques en Tunisie et à l’étranger. Notre activité n’est pas vraiment protégée car notre autorité de tutelle ne peut pas intervenir contre ces intrus sous prétexte que ces acteurs ne sont pas sous sa propre tutelle. J’estime, par ailleurs, que ces structures pirates ne fournissent pas aux clients les mêmes garanties exigées des agences de voyages agréées tels que les assurances, le capital ou encore les compétences», explique notre interlocuteur. Ben Azouz assure, par ailleurs, que les diverses crises citées (révolution 2011, attentats terroristes 2015 et Covid-19) ont provoqué une grave pénurie dans le personnel touristique dans toutes sortes de métiers, à savoir : les guides professionnels, les chauffeurs, les agents de comptoir, le personnel hôtelier… «La saisonnalité de l’activité, la faiblesse des salaires, les départs à la retraite… aggravent ce problème», mentionne-t-il.

Et de poursuivre : «Le manque ou l’absence de propreté dans la majeure partie du pays, y compris les zones touristiques, n’est pas du tout compatible avec un pays qui se prétend être touristique. Aussi, la dévaluation continue du dinar affecte nos marges et renchérit les coûts d’importation, du matériel nécessaire à notre activité. Notre fédération ainsi que l’autorité de tutelle (ministère du Tourisme et Ontt) recommandent fortement de libeller les contrats commerciaux avec les tour- opérateurs en devises et non pas en dinar. C’est une raison de plus de ne pas supprimer les avantages accordés depuis le lancement du secteur», explique Ben Azouz.

D’après lui, la fédération œuvre toujours pour une collaboration étroite avec l’autorité de tutelle, car «ce n’est qu’à travers un vrai partenariat public-privé que nous pourrons résoudre les problèmes du secteur et nous attaquer aux difficultés conjoncturelles à travers de grandes réformes structurelles. D’ailleurs, il est important de signaler que les réformes structurelles qui sont en attente restent essentielles pour le secteur. Il s’agit principalement de la réforme du produit à travers la correction des tares du produit hôtelier et la diversification des produits touristiques, la réforme de la gouvernance du secteur, la commercialisation moderne de la destination. Je rappelle que 99 % du secteur touristique sont gérés par le secteur privé. Ces entrepreneurs privés méritent une meilleure écoute et une plus importante implication».

Houssem Ben Azouz assure qu’avec la nomination de Mr Soufiane Tekaya à la tête du ministère du tourisme, la Fi2T confirme son engagement à collaborer avec son ministère de tutelle pour un meilleur développement du secteur.

«Depuis plusieurs années déjà, nous avons constaté un important changement au niveau des choix et exigences des consommateurs tunisiens, et ce, en matière de tourisme et de voyages. Un tel changement nous oblige à prendre en considération toutes les nouvelles donnes afin d’évoluer vers une maturité et une meilleure satisfaction de cette demande nationale. Il est à rappeler que le marché touristique national représente 25 % des nuitées hôtelières et 70 % des nuitées dans les hébergements alternatifs tels que les maisons d’hôtes, les gîtes ruraux, les campings… Ces parts ne cessent d’augmenter et prouvent que la demande touristique nationale n’est plus celle des années 80 et 90. Bien évidemment, il aussi faut reconnaître que cette offre attire des catégories socioprofessionnelles aisées qui peuvent se permettre de dépenser des budgets conséquents. Malheureusement, depuis le lancement du tourisme dans notre pays dans les années 70, 80 et 90, les classes moyennes et ouvrières ont été omises des stratégies de l’Etat. Ce dernier n’a pas en place des structures d’hébergement adéquates comme les campings, les villages de vacances, les tickets vacances…», déclare Ben Azouz.

Pour conclure, il déclare : «Nous sommes confiants dans la reprise du secteur et nous espérons que l’autorité de tutelle et les autres structures étatiques concernées seront à l’écoute pour résoudre les problèmes conjoncturels et structurels préalablement cités, car sans cela je vois mal comment la Tunisie pourra occuper la place qu’elle mérite et faire face  à la concurrence internationale de plus en plus rude».

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