Rentrée scolaire: Un semblant de retour vers l’école publique !

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Ce n’était pas une journée comme les autres celle de lundi dernier. La plupart des familles qui ont des enfants, qui vont à l’école, ont sorti leurs voitures. Une circulation monstre, un brin de nervosité, surtout contre ceux qui voudraient arrêter leurs véhicules tout à côté…. du banc de classe de leurs enfants.


Sans vergogne, ils garent en deuxième position, en diagonale, dans les virages. Pour eux, l’essentiel était d’éviter et de s’éviter quelques pas supplémentaires. Qu’ils dérangent ceux qui rejoignent leur travail ou qu’ils empiètent sur la liberté de mouvement des autres, c’est secondaire. Passons.

Les bouchons d’étranglement se forment aussi bien au niveau des écoles privées qu’à celui des écoles publiques. Il est quand même à relever qu’à la hauteur d’un certain nombre de ces dernières, la présence d’un policier règle tout : on ne descend pas du trottoir, on ne  se bouscule pas et… pas d’arrêt à la hauteur de la porte de l’établissement.  La vue de l’uniforme est bien le début de la sagesse.

La discipline reprend ses droits

Le premier jour, c’est une fête pleine de curiosité. De nouveaux amis et des retrouvailles qui se manifestent par de grands cris de joie. Soudain, dans la cour d’une école d’El Manazeh, c’est la chanson d’un grand club de football de la capitale qui retentit. En écho, l’autre rival qui donne de la voix. Silence. Le directeur a pointé du nez de son bureau. On se serre, on essaie de se mettre  en rang. La discipline reprend ses droits.

Devant la porte de l’école, refermée, des parents essaient de voir ce qui se passe. Bien entendu, l’année préparatoire a… préparé ces gamins qui savent à quoi s’en tenir, mais il y a toujours un tout petit peu d’inquiétude. Une autre vie, sérieuse cette fois-ci, qui commence. Un destin s’amorce, un devenir s’annonce, un  petit homme qui se lance. « J’ai ramené mon fils du privé vers l’école publique. Je suis désolée, mais j’ai fini par être convaincue que cela devient une affaire commerciale. Il ne faut pas généraliser, mais l’école où était inscrit mon fils a dépassé les normes. Les dépenses supplémentaires, dans des endroits huppés, pour organiser des fêtes ou des cérémonies, l’achat de costumes, les participations pour les accessoires et les décors etc, multiplient presque par deux les mensualités exigées. C’est trop », se plaint une femme, fonctionnaire de son état, qui a sollicité un congé d’une semaine pour assurer dans les meilleures conditions la rentrée de ses deux enfants. Et d’ajouter, « ce n’est pas seulement pour ces raisons que j’ai fini par décider l’inscription de ma fille au sein de l’école publique. Le privé c’est bien, nous ne devons pas tout rejeter, mais c’est trop stressant pour les enfants. On exige trop de travail et mon fils a fini par être dégoûté. Tous les matins, c’est la croix et la bannière pour qu’il se lève, s’habille et se prépare ». Point de vue discutable, mais c’est un avis comme un autre, qui pourrait s’expliquer par « la contrainte que certains responsables de familles ne peuvent pas ou  ne veulent pas subir », nous explique une éducatrice qui ajoute, que « pour eux, il y a moins de travail dans le public. Ils oublient qu’à la maison, on doit nécessairement répéter et appliquer pour saisir et progresser ».

Des statistiques qui interpellent

Plus de 2.354.000 élèves, soit 2% en plus par rapport à l’année dernière. Ce sont des chiffres qui ont été présentés par une source autorisée. Ces statistiques interpellent. En effet, sachant que l’on a enregistré une baisse au niveau démographique de la population tunisienne, comment se fait-il qu’il y ait une augmentation du nombre des élèves qui rejoignent l’école ?

Un début de réponse se trouve au niveau  des réactions rapportées plus haut. Le pouvoir d’achat du Tunisien est, sans aucun doute possible, un argument de masse dans ce reflux vers l’école publique. On payait, mais l’addition qui s’alourdit sous la poussée des exigences imposées par l’école privée, a fini par faire craquer les plus tenaces.

Indépendamment de cet aspect, l’esprit élitiste qui règne n’est pas toujours si convaincant qu’on le pense. On demande beaucoup plus des élèves de l’école privée. Ils ont plus de devoirs, de dossiers, de thèmes à faire à la maison. Cela n’arrange pas tous les parents qui se retrouvent perturbés par ces obligations qui dérangent leur vie familiale, rétrécissent les temps libres et bouleversent tout programme  de loisirs.

Il n’est pas donné à tout le monde de payer des cours supplémentaires pour faire ce travail. A ce propos, il faudrait relever que certains parents considèrent que leur responsabilité est sauve, en confiant l’éducation de leurs enfants aux « autres ». Autrement dit, la rupture entre les parents et leurs enfants, cette complicité qui se crée entre eux, ce souci de l’enfant de faire plaisir à ses parents en s’appliquant, est escamotée, nulle, complètement ignorée. Le carnet de correspondance trimestriel est essentiel pour eux. La moyenne, le classement masquent toutes ces vérités psychopédagogiques et constituent les seules satisfactions des parents.

Ne pas décevoir

Ce reflux vers l’école publique ne doit en aucun cas être un futur motif de déception pour les parents. En effet, il y a deux ans à peine, nous étions tous d’accord que l’on a réussi, à force de tirer sur la corde, à cause des piquets de grève, des absences des enseignants pour une cause ou une autre, des multiples exigences du corps des enseignants, de la politisation de cette question (ce n’est pas notre rôle de discuter de cette question), à enterrer l’école publique.

Au sommet de l’Etat, on semble décidé à régler ce problème. De manière définitive. Ce sera une renaissance que tous ceux qui sont le produit de cette noble et valeureuse école publique attendent. La balle est  dans les deux camps.

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