Dans notre dernière livraison, nous avons évoqué Saïda Ajoula, figure vénérée par la population tunisoise pour sa piété et pour les prodiges qu’on lui attribue sur la foi d’une ferveur chargée d’attentes miraculeuses. Et c’est à ce titre qu’on lui a décerné le privilège de la sainteté. Et nombreuses sont celles et ceux qui sont dans le même cas. Mais il est une autre « sainte » qui, elle aussi, a hérité du même statut mais, cette fois, sous l’autorité de docteurs de la foi qui l’ont sanctifiée en vertu de pouvoirs qui leur ont été conférés par l’inspiration divine ; cette fois sous le sceau d’une autre croyance religieuse. Il s’agit de Sainte Monique. Pendant longtemps, sous le Protectorat français, « Sainte Monique » n’était connue par les Tunisois, plus particulièrement ceux de la banlieue nord, que comme l’appellation d’une station sur la ligne Tunis-La Goulette-La Marsa (TGM) et qui a été débaptisée dans les années 70 du siècle dernier pour être renommée « Présidence ». L’appellation première se justifiait par la présence, au voisinage de la station, des vestiges d’un ancien sanctuaire chrétien appelé Basilique Saint Cyprien et la seconde du fait de la présence dans le même secteur du palais présidentiel érigé dans les années 60. Quant au personnage lui-même, son image dans la mémoire collective était évanescente, perdue dans les brumes de l’Histoire, mi-réel mi-fictif, vaguement associé au fait colonial.
Il s’agit pourtant d’une figure historique bien de chez nous (disons, pour ne pas polémiquer, que nous la partageons avec nos frères algériens) mais que, par ignorance, nous avons confinée dans la partie obscure de notre mémoire, car être chrétien en plein IVe siècle polythéiste était plutôt une vertu… On sait aujourd’hui que le passé s’assume, se revendique, se valorise comme étant une composante du patrimoine civilisationnel d’une communauté et comme étant un facteur de progrès et de développement culturel et matériel. Revenons à Sainte Monique. On sait qu’elle est née en 331 ou 332, sous l’empire romain, dans la localité de Thagaste (aujourd’hui Souk Ahras), non loin de l’actuelle frontière tuniso-algérienne, sur l’une des routes qui reliaient Hippone (actuellement Annaba) à Carthage. C’était donc une Berbère romanisée, les spécialistes rappelant à ce propos que « Monica » est une adaptation latine de « Monnica », l’un des nombreux noms libyques (berbères) formé sur la racine Monn, dont le diminutif, Monna, est celui d’une divinité locale, comme l’atteste une inscription découverte à Thignica, aujourd’hui Aïn Tounga, dans la délégation de Testour. Monica, cependant, est née dans une famille de vieille tradition chrétienne.
(A suivre)