Une enveloppe devant être fournie par la Berd aidera sans doute la Steg à financer le projet Elmed, un câble électrique sous-marin à courant continu haute tension de 600 mégawatts
La Commission des finances et du budget au sein de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a approuvé, lundi dernier, lors d’une séance d’audition, le projet de loi relatif au prêt accordé à la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (Steg) pour contribuer au financement du projet d’interconnexion électrique entre la Tunisie et l’Italie.
L’interconnexion Elmed, d’un coût de 920 millions d’euros, devrait être achevée d’ici à 2028.
Les membres de la commission ont recommandé d’impliquer l’investisseur tunisien et d’assurer l’emploi des compétences tunisiennes.
La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd) a quant à elle annoncé, vendredi, qu’elle allait accorder un financement de 45 millions d’euros à la Steg pour la construction d’une interconnexion électrique de 200 km entre la Tunisie et l’Italie.
De l’avis de plusieurs experts, cette enveloppe aidera la Steg à financer le projet Elmed, un câble électrique sous-marin à courant continu haute tension (Ccht) de 600 mégawatts (MW) qui reliera les réseaux de transport d’électricité tunisien et italien.
Le projet Elmed sera mis en œuvre conjointement par la Steg et Terna, le gestionnaire du réseau de transport italien. Le mécanisme pour l’interconnexion en Europe (CEF) de l’Union européenne (UE) fournira une subvention d’investissement de 307,6 millions d’euros pour le projet, a déclaré la Berd dans un communiqué de presse.
Le financement de la Berd est dédié à la construction d’Elmed du côté tunisien et fait partie d’un ensemble de prêts de 125 millions d’euros cofinancés par la Banque européenne d’investissement (BEI) et la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW).
En outre, la Banque mondiale finance la station de conversion et l’infrastructure de transmission associée en Tunisie.
Décarbonisation pour le secteur énergétique
Avec une subvention de 5 millions d’euros de la plateforme d’investissement de la politique de voisinage de l’UE, le financement de la Berd sera accompagné d’un ensemble complet de coopération technique pour le dialogue politique, afin de soutenir la mise en place réglementaire pour rendre opérationnelle et commercialiser l’interconnexion Elmed. Il favorisera également l’élaboration d’une feuille de route de décarbonisation pour le secteur énergétique tunisien, en veillant à l’aligner sur l’Accord de Paris. En outre, la feuille de route visera à développer un système de garantie d’origine en Tunisie qui sera essentiel pour atteindre les objectifs de décarbonisation, en construisant un cadre pour les énergies renouvelables conforme aux réglementations de l’UE.
S’attardant sur les bienfaits de ce projet, l’économiste Jihad Brahim note que le contexte du développement de cette interconnexion servira de boussole. «Sur le plan historique, le développement du réseau synchrone à très haute tension, opérationel depuis les années 1920, ne s’est pas fait en se posant immédiatement la question de connexions entre pays. À l’époque, la priorité était de raccorder des groupes de production construits en fonction de la localisation des ressources énergétiques (essentiellement des centrales hydroélectriques) à des zones de consommation. Pour franchir des distances importantes, le transport à courant alternatif s’est vite imposé en Europe», fait-il remarquer.
Baisse des prix
Selon lui, les interconnexions qui ont conduit à la création d’un marché européen de l’énergie avaient notamment pour but de faire baisser les prix de l’électricité en développant la concurrence sur les marchés nationaux. Et le même constat s’applique au cas tuniso-italien.
«Outre la consolidation de la solidarité des États pour répondre à la demande en électricité de chaque consommateur, cette interconnexion permettra une complémentarité des parcs de production en Tunisie et en Italie, pour ainsi réduire les problématiques de stockage», précise l’économiste.
Toujours selon le même interlocuteur, en cas de pic de consommation électrique en Tunisie, pour une raison ou une autre, la production électrique du partenaire italien peut compléter la production nationale ponctuellement insuffisante. Pour les consommateurs, ce mécanisme est totalement transparent. Il permet d’éviter un déséquilibre du réseau national qui conduirait à des délestages ou des coupures, et, dans certains cas, à l’utilisation massive de centrales à énergie fossile (gaz, fioul, turbines à combustion, charbon).
Et ce n’est pas tout. Le réseau tuniso-italien interconnecté sera une aubaine pour le développement des énergies renouvelables variables puisqu’il leur offrira des débouchés au-delà des territoires nationaux. Cela permet d’utiliser la production éolienne et solaire au meilleur de leur potentiel, en l’évacuant vers les voisins lorsque la production dépasse la consommation locale, explique l’universitaire.