Une journée d’étude sur les moyens de lutter contre la violence en milieu sportif, dans le cadre d’une approche participative globale, a été organisée par la Direction générale de la sûreté nationale (Dgsn), relevant du ministère de l’Intérieur.
Le phénomène de la violence dans les stades n’est pas nouveau. Tous les pays du monde en ont ressenti les effets et enregistré les conséquences, souvent désastreuses pour la société. Aussi bien pour le public que pour ceux qui sont appelés à encadrer ces rencontres sportives, dans les stades ou les salles couvertes, le week-end est toujours un mauvais moment à passer. Jusqu’à voir le dernier spectateur rentrer chez lui. Et comme on s’achemine progressivement vers des rencontres désignées en milieu de semaine pour répondre aux exigences de calendriers de plus en plus chargés, la mobilisation est pour ainsi dire totale.
Le ministère de l’Intérieur a donc pris l’excellente initiative d’organiser cette réunion regroupant les différentes parties prenantes de ces rendez-vous, qui mobilisent les foules, transcendent les équipes et mettent en alerte les organisateurs.
Et c’est ainsi que l’on doit procéder.
Une réunion a eu lieu dans la sérénité, étant donné que nous n’avons pas encore enregistré de problèmes depuis le démarrage de la saison. Et c’est tant mieux pour tout le monde. Les décisions prises sous la pression sont toujours… impopulaires, vu qu’elles sont toujours accompagnées de sanctions.
Et si le département concerné éprouve toujours quelques appréhensions, c’est qu’il est le seul à payer dans la chair et… le sang de ses agents ces dépassements et cette violence, qui plongent tout un pays dans l’inquiétude. Le sport, dès lors, n’est plus un milieu où on s’éduque et on fraternise.
Les batailles rangées dans les gradins ou à l’extérieur se transforment en de véritables émeutes.
Le directeur du district de la Sûreté nationale de Ben Arous et porte-parole de la Dgsn, Imed Mammacha, a estimé que «l’intitulé de la journée d’étude atteste de l’attachement du MI à traiter la violence en milieu sportif et ce, depuis des années», affirmant qu’il est temps désormais d’impliquer les différentes parties concernées.
«Nous nous sommes réunis à maintes reprises avec les médias et les présidents des clubs, des fédérations et des structures sportives pour instituer des traditions en matière de lutte contre la violence», a-t-il assuré, faisant remarquer que le MI est ouvert à toutes les initiatives étant convaincu de l’importance d’une action commune.
Passant en revue les raisons derrière l’amplification de ce fléau, Mammacha a souligné la nécessité de stopper cette violence dont les répercussions sont néfastes, surtout que des milliers de sécuritaires ont été blessés dans des actes de violence dans les stades et environ une cinquantaine présente désormais un handicap, d’où la nécessité d’une nouvelle approche globale.
L’approche globale passe par l’étude des raisons qui sont à la base de cette violence. Il est indéniable que l’expérience des pays qui ont eu à traiter ce phénomène et à instaurer des mesures pour l’éradiquer est extrêmement importante. Il faudrait s’en inspirer tout en prenant en compte que chaque pays a ses spécificités.
La mauvaise organisation en cause
En Angleterre, où les hooligans ont plongé leur pays et ceux qui recevaient les clubs anglais dans le désarroi, il y eut des mesures draconiennes. Cela était devenu une affaire d’Etat.
L’expert anglais en sécurité et en droits de l’Homme Paul David Newton a indiqué que «l’expérience britannique en matière de lutte contre la violence et le vandalisme dans les stades s’est basée sur une charte fixant et définissant la relation entre sécuritaires et supporters et une révision des textes juridiques de manière à interdire l’accès des stades à toute personne qui n’est pas dans un état normal».
Cela passe notamment, a-t-il dit, par la multiplication des check-points, la mise en place d’un système de contrôle électronique et d’une unité de renseignement spéciale pour les supporters du football.
Et l’expert d’ajouter que «la généralisation de l’expérience des «stadiers» avait contribué à résorber le fléau, surtout que les consignes adressées aux forces de l’ordre consistaient à un emploi progressif de la force suivant la nature de l’acte commis».
Cela suppose que l’étude avait tenu compte d’un certain nombre de facteurs. La violence a des raisons sociales qu’il serait positif de ne pas négliger. Pour ce qui nous concerne, nous devons reconnaître que les problèmes monstres qui ont pesé sur l’école, au terme d’une dizaine d’années de grèves et de mauvaise gouvernance, ont jeté dans la rue près d’un millions de jeunes. Que sont-ils devenus, sinon de la chair à canon pour les agitateurs de tous bords.
La mauvaise organisation qui accompagne les matchs du championnat national, les ultras, les… médias, et des présidents de clubs qui sont les premiers à se lancer derrière un arbitre, l’insatisfaction des spectateurs pour la performance de l’équipe ou pour la mauvaise prestation de l’arbitre, les frustrations en tous genres dans des familles brisées, les problèmes de santé mentale, l’addiction, les conflits, la violence institutionnelle, structurelle, patronale, la pauvreté, les inégalités, la consommation de drogue, etc., sont des facteurs à prendre en considération.
L’ensauvagement de la société a commencé au moment où il n’y avait plus de dialogue et de point de chute de cette jeunesse livrée à elle-même en l’absence d’un troisième milieu organisé, accueillant et présentant un intérêt pour ceux qui sont à la recherche d’une deuxième chance.
Cet aspect sociétal est à prendre en compte dans l’élaboration de toute politique et de dispositifs à mettre en place pour remédier aux effets de ce phénomène.
Le ministère des Sports a certes pris quelques mesures. Mais est-ce suffisant?
Le chargé de la Direction générale du sport au sein du ministère de la Jeunesse et des Sports, Haythem Rebai, a fait savoir que «le MJS joue un rôle prépondérant dans la lutte contre la violence en milieu sportif en partenariat avec le MI, en instaurant le projet d’identité numérique pour les supporters et la commercialisation des tickets électroniques. Le ministère compte continuer dans sa démarche visant le recours aux «stadiers» comme c’est le cas dans toute l’Europe et l’installation de caméras dans les stades et les salles omnisports pour identifier les vandales et les auteurs d’actes de violence».
Nous pensons pour notre part que la prise en charge du public devrait se faire à… partir de l’école. Dès le plus jeune âge. Et c’est là où l’institution des cours d’éducation physique et sportive dès l’école de base revêt toute son importance. L’enfant apprend ce que sont l’effort, la performance, l’arbitrage, la discipline collective et le respect de l’adversaire.
L’expérience des «stadiers», nous l’avions essayée. Mais nous l’avons mal appliquée, car cette tâche qui intervient après une formation par des spécialistes en la matière et qui fait suite à un triage des volontaires a été simplement confiée aux comités de supporters.
Et cela n’a pas marché. Il faudrait sans doute y revenir en ayant recours à des formateurs et en partant du principe qu’un «stadier» n’a rien d’un copain, mais que c’est un homme responsable, qui fait partie de toute une organisation.
Mieux vaut prévenir que guérir, dit-on. Cette réunion, indépendamment de la mise en notes des dispositions à prendre pour organiser nos rencontres sportives, interpelle le public, les fédérations, les clubs.
Le sport et les compétitions sont faits pour désigner le meilleur. Et celui qui ne l’est pas cette saison pourrait l’être la saison prochaine. Le sport, ce n’est pas la guerre, mais une lutte de tous les jours pour anoblir l’homme et lui inculquer le goût de l’effort, de la persévérance et du fair-play.