En guise de lectures édifiantes et formatrices, des textes bourrés de fautes. Mais où sont donc les inspecteurs de l’enseignement primaire ?
Suffit-il de disposer d’une imprimerie pour s’improviser éditeur et mettre sur le marché des ouvrages à destination des enfants, le moins qu’on puisse en dire est qu’ils sont bâclés au plan du contenu, non seulement du point de vue de la construction mais également au regard des très graves fautes orthographiques et grammaticales ainsi que des contre-sens induits par l’emploi de mots inappropriés ?
L’éveil des enfants à la lecture se fait, c’est bien connu, par l’intermédiaire de la magie des contes qui servent d’outil idéal pour l’apprentissage d’une langue et pour former chez eux l’art de la formulation juste. Pour les débutants, l’exercice s’effectue avec l’assistance des adultes qui expliquent le sens des mots nouveaux et aident à maintenir en place la construction abstraite qui émane du texte pour entretenir chez l’impétrant la curiosité indispensable à la poursuite de l’aventure jusqu’à la fin. Et qu’advient-il lorsque l’encadreur, tout d’un coup, s’arrête pour dire : «Excuse-moi, ce mot est mal écrit» ou «Non, ce n’est pas le mot qu’il faut» ? La magie, et l’attention se dissipent, vite, fait. Le fil est rompu. Surtout, que reste-t-il chez l’enfant de l’idée que, si l’on veut apprendre, il faut retourner aux livres.
Plus méchants que le loup !
L’été fournit aux parents l’occasion d’accompagner leur progéniture dans l’exercice de la lecture dont ils voudraient tant faire le principal hobby de leurs rejetons. C’est bon : on achète le premier d’une série de contes avec la promesse qu’on viendra à bout de la collection avant la fin de l’été. D’autant que le produit présente bien (belle illustration, couleurs chatoyantes) et que son prix est très modique (1,200 dt). Les deux premières pages du texte du conte du «Loup et des sept chevreaux» — d’après Grimm — sont «clean». A la page 6 (troisième page du texte) on tombe sur un «trés» très malvenu. On explique à l’enfant que c’est une faute d’impression et on la corrige au stylo ! Hélas, on en dénichera deux autres plus loin. A la ligne suivante, on tombe sur un «Va t’en» qui nous fait douter de la véritable orthographe de l’expression. A la page 8, nous avons droit à un «l’avaient vues» à la place de «les ont vues». A la page suivante, on trébuche sur un «Va t-en». Allez vous y retrouver. En page 11, on apprend que les chevreaux «firent bien effrayés» tout comme le «fils» (pour le chevreau !) « fit de retour» en page 17. A la fin du deuxième paragraphe de la même page 11 on rencontrera le «siscième». En page suivante, on se demandera : «Que se passe t’il ?» En page 18, outre deux autres «trés», on apprendra que la chèvre «recousit» cependant que ses petits dansaient «auprès» du puits. Tout cela, sans entrer dans la syntaxe qui boitille dès lors que le passage emprunté à Grimm est quelque peu retouché.
C’est tout de même trop pour un texte de quelques centaines de mots. Et dire que l’éditeur nous informe en page de garde que la collection a une directrice. Tout ça est grave, certes. Le plus grave reste cependant que de tels «ouvrages» circulent apparemment en l’absence de tout contrôle de la part des autorités pédagogiques. Mais où sont donc nos chers inspecteurs ? Le titre en question a été édité par deux fois. La dernière (en 2016) est celle que nous avons eue entre les mains. Une seule chose pourrait excuser la légèreté de l’éditeur et l’irresponsabilité des inspecteurs : la parution d’une troisième édition sérieusement «revue et corrigée». Si tel devait être le cas, qu’on nous en fasse parvenir une copie. Nous aurons plaisir à lui faire une publicité gratuite en mentionnant cette fois le nom de la maison éditrice et celui de la directrice de la collection. Sinon, retirez de telles insanités du commerce !
Tahar AYACHI