Accueil Economie Paiement par chèque : De nouvelles stratégies d’adaptation s’imposent

Paiement par chèque : De nouvelles stratégies d’adaptation s’imposent

La réforme du régime des chèques en Tunisie, en vigueur depuis février courant, marque un tournant majeur dans le paysage financier national. Cette nouvelle législation vise à limiter les risques liés aux chèques tout en incitant les entreprises et les particuliers à adopter des modes de paiement alternatifs plus sécurisés.

La Presse — Lors d’un séminaire organisé récemment par la Conect à Tunis sur « la nouvelle législation du chèque, entre défis juridiques et répercussions économiques, que faut-il savoir pour une meilleure mise en œuvre ? », Mohamed Aziz Chahed, président du bureau régional de la Conect Tunis et membre de la Compagnie des comptables de Tunisie, a mentionné que la nouvelle législation tunisienne sur les chèques, en vigueur depuis février, introduit plusieurs réformes majeures visant à renforcer la sécurité des transactions financières et à moderniser les pratiques bancaires.

De nouvelles dispositions

Parmi ces évolutions, on note le plafond du montant des chèques, où chaque chèque émis sera soumis à un plafond individuel fixé par la banque en fonction de la solvabilité et de l’historique du client. Ce plafond ne pourra pas dépasser 30.000 dinars, sauf pour les chèques certifiés. La durée de validité des chèques sera également réglementée, avec une durée minimale de six mois, qui devra être inscrite directement sur le chèque par la banque.

Chahed a évoqué qu’une autre réforme majeure concerne la dépénalisation partielle des chèques sans provision : désormais, l’émission d’un chèque sans provision d’une valeur inférieure à 5.000 dinars ne sera plus passible de poursuites pénales. Toutefois, pour les chèques sans provision d’un montant supérieur à 5.000 dinars, les sanctions seront renforcées, avec une peine pouvant aller jusqu’à deux ans de prison et une amende équivalente à 20% de la valeur du chèque. Afin d’améliorer la transparence et la traçabilité des transactions, la loi prévoit la mise en place d’une plateforme nationale de gestion des chèques, « TuniChèque ». Cette plateforme permettra aux banques et aux clients de suivre la situation des chèques émis, de vérifier les montants bloqués et de consulter l’état des provisions des chèques reçus. Le bénéficiaire d’un chèque sera notifié par cette plateforme de la disponibilité des fonds, et la banque s’assurera du paiement dès réception de la notification. Par ailleurs, les banques seront désormais tenues d’encourager les paiements électroniques, tels que les virements bancaires ou les paiements par carte, afin de réduire la dépendance aux chèques.

Un défi pour les entreprises et les particuliers

Chahed a révélé que cette réforme pose plusieurs défis juridiques aux entreprises et aux particuliers, notamment en matière de pénalisation des chèques sans provision. Le durcissement des sanctions obligera les émetteurs à une gestion plus rigoureuse de leurs finances afin d’éviter les poursuites judiciaires.

«Les entreprises tunisiennes, qui utilisent fréquemment les chèques comme outil de financement ou de crédit, devront adapter leurs pratiques en explorant d’autres solutions, telles que les lettres de change ou les financements bancaires. La stricte application de cette réglementation pourrait également affecter les relations commerciales, car certaines entreprises pourraient refuser d’accepter les paiements par chèque par crainte d’impayés, ce qui nécessiterait l’instauration d’une relation de confiance renforcée et la mise en place de garanties supplémentaires lors des transactions», a assuré le responsable. Il a également fait savoir que « d’un point de vue économique, cette réforme pourrait entraîner une réduction significative du volume des transactions par chèque, ce qui risque de modifier profondément les habitudes de paiement. Face aux nouvelles restrictions, il est probable que l’usage des chèques diminue au profit d’autres modes de règlement, mais cela pourrait aussi favoriser une augmentation des paiements en espèces, en particulier parmi les petites entreprises et les consommateurs cherchant à éviter les contraintes imposées par la législation. Cette situation pourrait poser des problèmes en matière de traçabilité financière et de gestion des flux monétaires. Par ailleurs, les TPE et PME risquent d’être particulièrement impactées, car ces entreprises utilisent souvent les chèques pour financer leur activité. En limitant leur accès à cet outil, la réforme pourrait compliquer leur financement et restreindre leurs opportunités de croissance ».

Minimiser les risques

Chahed a, par ailleurs, expliqué que pour s’adapter à ces changements et minimiser les risques liés aux paiements par chèque, les entreprises tunisiennes devront mettre en place plusieurs stratégies. La première consiste à accélérer la transition vers les paiements électroniques, en privilégiant les virements bancaires, les paiements par carte ou les portefeuilles électroniques, afin de réduire la dépendance aux chèques et d’améliorer la traçabilité des transactions. « Il sera aussi crucial de sensibiliser et former les équipes aux nouvelles règles et aux alternatives aux paiements par chèque. Il faut également organiser des sessions de formation qui aideraient à éviter les erreurs administratives et à mieux maîtriser les nouveaux outils financiers. Dans cette optique, les entreprises devront optimiser leur gestion de trésorerie en utilisant des outils modernes pour suivre les flux financiers, anticiper les besoins en liquidités et limiter les risques d’impayés. Le dialogue avec les institutions financières sera un autre levier essentiel pour comprendre les nouvelles exigences réglementaires et explorer les options de financement disponibles. Enfin, il sera nécessaire de réévaluer les contrats clients et fournisseurs, en adaptant les modalités de paiement et en favorisant des solutions plus sûres, tout en ajustant les conditions de crédit aux nouvelles règles.

Grâce à ces stratégies, les entreprises tunisiennes pourront non seulement se conformer à la réforme, mais aussi renforcer leur sécurité financière et améliorer leur efficacité à long terme », a conclu Mohamed Aziz Chahed.

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Un commentaire

  1. Montygo

    6 février 2025 à 21:13

    Si le paiement par voie électronique représente une solution fiable pour la sécurisation des reglements, il faudrait que les terminaux pour paiement électronique (TPE), y compris les modes de paiement « sans contact » deviennent, si j’ose dire, monnaie courante, à commencer au niveau des administrations (fiscales notamment) et des entreprises publiques (STEG, Sonede, Tunisie Télécom, etc.) et que le réseau soit fiable pour qu’il ne donne plus prétexte aux sempiternelles excuses du style « riso tah » que l’on entend trop souvent ici et là.

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