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Un monde fantasmé. Une incursion dans un univers imaginaire violent où chaque vocable revêt un double sens.
La Presse —«9», nouvelle création théâtrale, dont la mise en scène est signée Moez Gdiri portée par des acteurs pleins d’énergie : Haithem Moumni qui a également écrit le texte, Marwen Missaoui et Meriem Ben Hamida, a été présentée en avant-première au Ciné-Théâtre Le Rio, samedi dernier, devant un public nombreux.
Un personnage et son double, le conscient et l’inconscient, se trouvent dans un lieu imaginaire, comme un entre-deux, Entre la vie et la mort, le temps est figé. Une faible lumière crépusculaire baigne la scène qui comprend, comme seuls accessoires, un cercueil et un micro. L’ambiance est propice aux réminiscences du passé. Les personnages sont des silhouettes dont on ne voit pas les traits de leur visages.
Au cours de la scène inaugurale, le protagoniste principal se déchaîne et entre en collision avec lui-même. Il parle à haute voix en utilisant de temps en temps un micro installé sur la scène. Il évoque des souvenirs d’enfance : l’école, les parents dont la mère, la grand-mère chez qui il se réfugie lorsqu’il commet une bêtise. Il se rappelle de cette dernière, qui, un jour pluvieux, traverse la ville pour lui offrir un chien. Le père, auteur et acteur qui l’emmenait avec lui au théâtre. Il porte les traces d’une mémoire familiale à la fois joyeuse et douloureuse.
Le corps, d’un côté, et l’âme, de l’autre, sont sous pression. Leur vis-à-vis, un personnage féminin représentant sans doute la mort silencieuse et pernicieuse qui vient chercher cet individu perdu dans les méandres de l’entre-deux. Elle le scrute, l’écoute et lui parle à travers un micro. «On meurt pour vivre et on vit pour mourir» : cette phrase est un leitmotiv qui revient tout au long de la pièce. Ainsi, délesté de lui-même, son âme errante à côté de lui, il n’est plus que l’ombre d’un monde qui n’existe plus.
Moez Gdiri met en scène le texte philosophique de Haithem Moumni. Un texte hermétique et redondant qui aborde un monde parallèle et invisible et pose des questions existentielles. Un monde fantasmé. Une incursion dans un univers imaginaire violent où chaque vocable revêt un double sens. Le texte joue sur l’émotion du personnage central dans cet espace où tout semble exacerbé. Le spectateur l’accompagne progressivement dans sa douleur et son désarroi, dans la complexité de ce qui se passe dans sa tête et le trauma de la vie qu’il exprime avec déflagration.
Moez Gdiri veut bousculer nos certitudes en adoptant une scénographie austère et épurée nous plongeant dans le noir pour mieux appréhender le sens des mots, restituer la parole et échapper à l’obscurité tenace dans la perspective de repousser la fin. Une fin inévitable qui nous rapproche de la sortie : «L’art ne nous met-il pas en contact avec le mystère de la condition humaine ?». Une inquiétante étrangeté traverse cette mise en scène où l’action répétitive évolue peu. On se laisse emporter dans cette atmosphère fluctuante qui réactive notre mémoire. Une mémoire lointaine animée par les relents du passé. Une mémoire inexorablement tatouée.