Accueil Culture «Voir et imaginer une autre façon de rêver…», à la galerie Saladin : Ne demeure que l’envie de faire et de partager

«Voir et imaginer une autre façon de rêver…», à la galerie Saladin : Ne demeure que l’envie de faire et de partager

Cela prend l’allure d’une sorte de cosmogonie chromatique, d’une poétique picturale à la palette bien étudiée, d’un entrelacs de formes à la fois rocheuses, terreuses, aqueuses, végétales, scintillantes et vibrantes, parsemés d’impressions d’éclats effervescents et de traces prolongées dans le temps de brisures de verres ou d’explosions d’étoiles et de branchages…

La Presse — L’art est chose de l’âme, disait Rimbaud. Et ce sont des bribes de son âme que l’artiste français Bernard Roth nous tend pour «voir et imaginer une autre façon de rêver…», dans son actuelle exposition à la galerie Saladin.

Bernard Roth est né en 1964 au nord de Strasbourg. Après avoir vécu à Paris, en Allemagne et dans le sud de l’Alsace, il s’est installé à Tunis en 2018.

Sa passion pour l’art débutait par son intérêt pour les artistes eux-mêmes, avant même de découvrir leurs créations, cherchant à comprendre la profondeur humaine et la philosophie sous-jacente aux œuvres. La sculpture est son médium de prédilection, s’inspirant des lignes épurées à la manière de Giacometti.

En 2018, Roth a présenté sa première exposition personnelle en France, mettant en avant son exploration du bois comme matériau principal. Depuis son installation en Tunisie, il s’est intéressé à la rouille comme sujet et support, distillant une œuvre où l’espace prévaut sur le temps.

Autodidacte, l’artiste a pu évoluer et enrichir ses connaissances grâce à des artistes et amis issus des beaux-arts de Strasbourg, de Bruxelles, de Lyon notamment afin de parfaire ses styles et techniques. Pour lui, construire son propre chemin est un atout en faveur de la libre création, affranchi des limites d’un apprentissage académique.

En Tunisie, il est à l’origine de la création d’un collectif d’artistes européens et tunisiens, baptisé «AP’ART»’. Le collectif signe une première exposition caritative en mars 2022 au Palais Essaâda en faveur de l’association «Les Enfants de la Lune», permettant aux enfants malades d’acquérir du matériel utile à leur vie. Une seconde exposition caritative a été organisée en décembre 2022 au sein du lycée Gustave Flaubert de La Marsa au profit de l’association pour la protection des enfants psychotiques et autistes infantiles, dont le siège est également à La Marsa. «Voir et imaginer une autre façon de rêver…», inaugurée le 7 février dernier, est une exposition pléthorique dévoilant la veine abstratisante que l’artiste a développée après le style figuratif caricatural adopté à ses débuts. On y découvre un faire dense et abondant à travers ses 28 peintures entre grands et moyens formats et ses 19 sculptures et leur très claire obédience giacomettienne.

Ce sont ses «abstractions minérales», comme il se plait à nommer ses peintures, qui ont le plus suscité notre intérêt et attiré notre œil. Non que ses sculptures manquent de pertinence mais l’opulence des deux a débordé sur l’espace, faisant en sorte que l’on s’attarde sur le médium qui a le plus volé notre regard. La rencontre des deux dans cette même configuration (47 œuvres en tout!) serait plus appropriée dans un plus grand espace d’exposition ou alors prévoir plus d’une visite pour une meilleure appréciation.   

L’œuvre de Roth est le fruit de plusieurs années de recherches, d’essais, et autres explorations picturales qui l’ont mené à exploiter comme sujets et objets différents supports et autres matériaux (à l’instar du bois et de la rouille), avant de développer son actuelle technique, nous dit-il.

Matérialité, reliefs, mouvements, strates de couches, vibrations… caractérisent ses peintures/palimpsestes dont on ressent la résonance manuelle, l’impact et l’acuité du geste modeleur du sculpteur: l’artiste manipule et façonne la matière pour créer des œuvres composées selon des rythmes de surface, de texture et de couleurs.

Cela prend l’allure d’une sorte de cosmogonie chromatique, d’une poétique picturale à la palette bien étudiée, d’un entrelacs de formes à la fois rocheuses, terreuses, aqueuses, végétales, scintillantes et vibrantes, parsemés d’impressions d’éclats effervescents et de traces prolongées dans le temps de brisures de verres ou d’explosions d’étoiles et de branchages…Des éléments qui font l’effet d’ouvertures et de brèches que l’artiste nous tend ici et là pour infiltrer son monde. De quoi vivre une expérience visuelle impressionniste qui invite en effet à l’évasion et à la rêverie et ouvre grand le champ des extrapolations et de la réflexion. Son œuvre, qui quoique semblant un peu proche de l’art brute, voire de l’expressionisme abstrait et du nouveau réalisme par son aspect matérialisant et son traitement en all over, se veut inclassable car finalement s’abreuvant de tout cela et de bien d’autres éléments conscients ou inconscients comme c’est le cas de toute œuvre d’art. En l’occurrence ici Bernard Roth revendique l’influence de l’œuvre du Français d’origine hongroise, Simon Hantaï, qu’il a étudié et scruté des années durant. Dans un syncrétisme libre, les peintures de Roth nous plongent dans les strates d’une sève dense et généreuse, affranchie des conventions et autres réflexes intellectualisant pour n’obeir qu’à l’envie de faire, voire aux seules propriétés physiques et disponibilités du matériau… Au final ne demeure que le désir de peindre comme en viennent l’envie, le plaisir créatif assumé et ce besoin de partager. A voir et à vivre jusqu’au 28 février 2025.

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