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Avec beaucoup d’humilité et de perfectionnisme, il a donné le meilleur de lui-même avec l’aide précieuse de son équipe qu’il a initiée à ce savoir-faire. Toutes les ficelles et les astuces n’ont pas de secret pour lui. Il s’est inventé des solutions à tous les soucis liés au décor d’une scène. Un hommage mérité que lui fait la cinémathèque cette semaine.
La Presse — Taoufik Béhi est chef décorateur. Un décorateur, même s’il est chef et lui incombe la responsabilité d’un film, n’a droit de cité que dans la longue liste de générique fin d’un film, d’une série ou d’un feuilleton. Le métier ne le considère pas comme un créateur, mais tout juste un technicien travaillant sous les indications du réalisateur qui reste le maître-d’œuvre. On peut contester ce point de vue, mais c’est la réalité vraie.
Qu’importe, Taoufik Béhi porte bien son nom. Il est compétent, consciencieux, discret et bosseur. Outre son métier de décorateur, il a plusieurs cordes à son arc. Lorsque les productions de films se font rares ou qu’on ne fait pas appel à lui pour un tournage, il consacre son temps à la peinture, à la sculpture et même à la réalisation dont il connaît bien les rouages pour avoir côtoyé durant sa longue carrière les plateaux de tournage.
Rompu au cinéma depuis son plus jeune âge, il a fréquenté avec ses frères Ridha, réalisateur, et Abdellatif, assistant-réalisateur à la télévision nationale, les ciné clubs et les clubs amateurs de Kairouan, sa ville natale. Ses études en urbanisme l’ont conduit en Allemagne où il a effectué un long séjour et s’est mis en tête de travailler comme décorateur. Mais avant d’écumer les plateaux de tournage, il a déniché un boulot dans une boutique dont le gérant voulait renouveler le décor.
Le succès ne s’est pas fait attendre, le jeune Taoufik s’est vu attribuer tous les magasins du quartier pour orner les vitrines et réorganiser les intérieurs en apportant une touche originale à ces commerces. A partir de là, il a compris que son avenir professionnel est fixé. Après cette parenthèse, il décide de rentrer au pays et de suivre la voie toute tracée de ses frères. Il approche petit à petit le cinéma d’abord comme régisseur, puis accessoiriste, décorateur et il est promu au rang de chef-décorateur. Son acharnement au travail lui a valu d’être reconnu par ses pairs et d’être sollicité sur un grand nombre de films, dont « Le Dernier mirage » de Nidhal Chatta, « Le Chant de la Noria » et « Les Palmiers blessés » de Abdellatif Ben Ammar, « La Boîte magique » et « Always Brando » et « Fleurs d’Alep » de son fangin Ridha Béhi, « Khochkhach » de Salma Baccar, « Villa Jasmin » de Farid Boughedir, pour ne citer que ceux-là.
Devenu incontournable, les productions étrangères lui font appel en tant que chef-décorateur dans des films étrangers, à l’instar de « La Fille de Kalthoum » de Mehdi Charaf, « L’Infiltré » de Giaccomo Battiato, « Le Soleil assassiné » d’Abdelkrim Bahloul, « Deadlines Beyrouth » de Lùdi Brocken et Michel Alan Lerner, « La Bataille de Tobrouk » de Vaclav Marhoul, « Le Berceau » de Mohamed Malas, « La Stanza della photographia » d’Antonio Bonofacio, « Una Donna per amico due » de Rossella Izzon et encore d’autres.
Avec beaucoup d’humilité et de perfectionnisme, il a donné le meilleur de lui-même avec l’aide précieuse de son équipe qu’il a initiée à ce savoir-faire qui exige de larges connaissances dans tous les domaines de l’art depuis les premiers temps de l’histoire jusqu’à nos jours. Toutes les ficelles et les astuces n’ont pas de secret pour lui. Il s’est inventé des solutions à tous les soucis liés au décor d’une scène.
Parmi ses réalisations dont il est fier, la reproduction réussie d’une chambre funéraire des pharaons d’Egypte, et ce, pour les besoins d’une production historique allemande. «C’est un métier qui consiste à recréer l’univers dans lequel vont évoluer les acteurs à partir d’un scénario. Le scénario dicte l’ambiance du fil. Le scénario est le socle à partir duquel le décorateur construit son décor. Toutes les indications servent à mettre en œuvre le décor du film. Un décor qui ressemble à la réalité est un décor réussi. Il faut également respecter le budget et travailler en étroite collaboration avec le chef-opérateur pour la lumière. Le décor reflète la personnalité du protagoniste », explique-t-il à l’adresse de jeunes venus assister à la master class intitulée « Le cinéma au décor », organisée dans le cadre d’un hommage qui lui est consacré par la Cinémathèque tunisienne du 12 au 23 février 2025 et qui comporte des séances de projection de films dans lesquelles il a collaboré en sa qualité de chef décorateur et un court métrage «Train Train» qu’il a réalisé en 2006 et une exposition de ses sculptures.