Accueil Economie Contrôle des produits industriels en Tunisie : Un atout pour attirer les investisseurs étrangers, mais…

Contrôle des produits industriels en Tunisie : Un atout pour attirer les investisseurs étrangers, mais…

La qualité et la conformité des produits industriels sont des enjeux majeurs pour l’économie tunisienne. Toutefois, le système de contrôle semble montrer ses limites. Lotfi Khaldi, expert juridique et vice-président de l’Organisation de défense du consommateur (ODC), nous apporte son analyse.

L’absence d’un contrôle rigoureux affaiblit la compétitivité des produits locaux, impacte la confiance des consommateurs et freine les ambitions d’exportation. Lotfi Khaldi, expert juridique indépendant et vice-président de l’Organisation de défense du consommateur (ODC) chargé des services bancaires et des assurances, nous a expliqué que le contrôle des produits industriels en Tunisie est assuré par deux catégories de structures. La première regroupe les organismes de certification de conformité aux normes nationales et internationales, tels que l’Institut national de la normalisation et de la propriété industrielle (Innorpi), l’Afnor et Veritas. La seconde comprend les organismes de contrôle chargés de veiller au respect des normes de sécurité et de qualité par les industriels, à l’instar de l’Inao, SGS et Apave.     

Un avantage pour la production nationale

Le contrôle des produits industriels garantit leur conformité aux normes de qualité reconnues tant sur le plan national qu’international. Cette conformité, notamment aux normes de sécurité, encourage les consommateurs tunisiens à privilégier les produits industriels fabriqués localement. 

Par exemple, selon des enquêtes menées par l’ODC entre 2017 et 2021, la majorité des consommateurs préfèrent les produits électroniques à usage ménager fabriqués par des entreprises tunisiennes plutôt que des produits importés. Ce résultat est attribué à la rigueur du contrôle technique imposé aux entreprises exerçant sur le territoire tunisien.

Concernant l’impact du contrôle sur l’écoulement des produits tunisiens sur les marchés internationaux, Khaldi souligne que le processus de normalisation et de certification des produits locaux joue un rôle primordial dans la promotion des exportations tunisiennes. «Les certificats de conformité aux normes et aux exigences de sécurité constituent une garantie pour les revendeurs et les consommateurs étrangers quant à la qualité des produits tunisiens. De plus, le mécanisme de reconnaissance mutuelle en matière de normes et de labels de qualité facilite l’exportation», a-t-il précisé.

Des coûts élevés 

D’après l’expert, le respect des normes de qualité est une obligation pour les entreprises légalement installées, condition préalable à la commercialisation des produits industriels sur les marchés local et international. Toutefois, le principal défi réside dans le coût de production des produits conformes aux normes, qui reste élevé en raison de la flambée des prix des matières premières importées, de l’augmentation du coût du transport international et des fluctuations des taux de change. « Face à ces coûts, les entreprises tunisiennes doivent s’adapter à un consommateur local dont le pouvoir d’achat se détériore sous l’effet de l’inflation et de la hausse des prix des produits de première nécessité. Ce contexte pousse les consommateurs à privilégier les produits à bas prix, souvent disponibles sur le marché parallèle, au détriment de la qualité», explique Lotfi Khaldi.

Sur le marché international, les entreprises tunisiennes respectant les normes de qualité font face à une concurrence accrue des produits à bas prix en provenance des pays asiatiques. Ces produits, fabriqués par des entreprises disposant d’une main-d’œuvre moins chère et d’un accès direct aux matières premières, constituent un véritable défi pour les industriels tunisiens.

Par ailleurs, Khaldi souligne que «le secteur informel représente une concurrence déloyale pour les entreprises tunisiennes. Les produits industriels commercialisés sur le marché parallèle sont généralement importés, de qualité inférieure et ne répondant à aucune norme. Leur prix attractif attire de nombreux consommateurs, ce qui pénalise l’industrie locale respectant les normes et appliquant les lois relatives à la sécurité sociale et aux salaires des employés. Avec un marché parallèle représentant plus de 40 % du marché des produits industriels, l’industrie nationale est confrontée à une menace réelle». 

Réduire la part du marché parallèle

Et de poursuivre : «Je pense que pour mieux encadrer le marché, l’Etat doit mettre en place un programme sérieux visant à réduire la part du marché parallèle en incitant son intégration dans le circuit économique légal. Ce programme doit être clair, avec des mesures étudiées pour assurer son exécution. Une telle réduction bénéficiera aux industriels locaux en diminuant la concurrence déloyale et renforcera le budget de l’etat grâce à de nouvelles entrées fiscales», suggère Khaldi.

D’après l’expert, avant d’investir, tout industriel diligent doit étudier son marché de destination pour en mesurer les menaces, les contraintes et les opportunités. «En Tunisie, la situation actuelle n’encourage ni les investisseurs locaux ni étrangers à s’implanter, sauf si l’Etat met en place un plan immédiat pour réduire le marché parallèle, notamment par des mesures douanières et de sécurité aux frontières, ainsi que par un soutien aux entreprises locales via des incitations fiscales et la promotion des exportations vers de nouveaux marchés», déclare Khaldi.

Enfin, en matière de contrôle et de certification, le système tunisien de qualité constitue un atout pour attirer les investisseurs étrangers, en garantissant un contrôle rigoureux de la qualité et de la sécurité des produits industriels par des organismes de référence. « Toutefois, le cadre réglementaire actuel nécessite des améliorations, notamment pour réduire les lenteurs et la lourdeur des procédures de dédouanement et de contrôle technique à l’importation et à l’exportation. L’accélération de la numérisation des procédures administratives et fiscales liées à l’industrie et au commerce international constitue une solution efficace pour surmonter ces obstacles», conclut Lotfi Khaldi. 

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