
Derrière ses succès fulgurants, l’écrivain est revenu sur ses frustrations, cette partie cachée de l’iceberg que l’on ne peut imaginer. « J’ai 7 scénarios, mais aussi beaucoup de projets avortés. C’est un processus beaucoup plus compliqué que l’envie de présenter une œuvre au public qui ne voit pas les échecs cachés »… l’auteur de « Al fil al azrak » (L’éléphant bleu), « Tourab Al mass » « la poudre du diamant », « 1919 » était parmi nous pour un atelier, une rencontre et un échange.
La Presse — L’association « Safahat » a orchestré récemment une série de rendez-vous littéraires avec le célèbre écrivain et scénariste égyptien Ahmad Mourad. Naviguant entre les genres, il a publié des thrillers psychologiques, des romans fantaisistes et un roman historique. Parmi ses livres qui ont battu des records de vente, « Al fil al azrak » (L’éléphant bleu), « Tourab Al mass » (la poudre du diamant), « 1919 » et bien d’autres écrits ont été adaptés au cinéma ou au petit écran.
Au programme de son séjour en Tunisie, des échanges dans divers espaces culturels et un atelier d’écriture avec des auteurs en herbe afin de « consolider les trajectoires culturelles professionnelles ».
Nous l’avons retrouvé à l’Institut français de Tunisie pour une rencontre « Portrait » modérée par l’écrivain et éditeur tunisien Sami Mokaddem.
Ahmad Mourad est revenu à ses débuts avant de démarrer la carrière littéraire qui a fait de lui un véritable phénomène. En effet, il était le photographe personnel de l’ancien président de la République Hosni Mubarak pour environ 10 ans. Un parcours né d’une passion pour l’image avant de découvrir son engouement pour l’écriture.
Puis, une scène d’entrée d’un groupe VIP dans un restaurant de haute gamme lui a inspiré « Vertigo », un roman qu’il a écrit sur une période de 6 mois sans savoir ce qu’en serait l’issue. Après le succès du premier livre, puis du feuilleton qui en a été tiré, la vocation du jeune auteur s’est dessinée.
Des coïncidences sont souvent derrière l’inspiration pour entamer une nouvelle œuvre. « Capter les détails est intuitif chez un écrivain », explique Ahmad Mourad. Une date, une information qui peut sembler futile peut être derrière un projet littéraire ou cinématographique. « On ne lit pas uniquement pour le plaisir quand on est écrivain, on a l’œil pour des subtilités. Les coïncidences qui nourrissent l’imaginaire de l’écrivain se créent ainsi ». D’ailleurs, il essaie de vivre lui-même des expériences, toucher les sources d’inspiration. «J’ai visité un asile psychiatrique pour criminels pour imaginer les coulisses de L’éléphant bleu. J’ai même fait une thérapie spirituelle avec régression dans les vies intérieures pour avoir des visions que j’ai exploitées dans un roman ».
Un autre talent d’Ahmad Mourad est le design de couvertures de livres. En plus d’avoir fait un travail manuel sur les couvertures de ses propres livres, il a conçu environ 4.500 couvertures en 18 ans de carrière. Après avoir apporté les touches finales à ses écrits, il se charge aussi d’en faire la promotion. « Il ne s’agit pas seulement de déposer le livre au marché », souligne-t-il. Il crée des affiches et des vidéos qu’il réalise lui-même avec des acteurs célèbres qui font partie de son cercle d’amis pour inciter le public à découvrir le roman fraîchement édité. « Si, aujourd’hui, on achète peu de livres, ce n’est pas pour leur prix élevé.
On préfère dépenser cet argent dans les cafés, surtout avec la gratuité des PDF », explique Ahmad Mourad. « J’ai fait des recherches en marketing et j’ai trouvé qu’on n’achète que ce qui attire l’attention des autres, d’où l’idée de faire du livre un trend. J’ai eu recours à des stars avec lesquelles j’ai collaboré comme Hind Sabri pour qu’ils fassent des vidéos de leurs lectures. Ils donnent envie de les imiter comme on en fait pour les tenues et le mode de vie. J’ai tourné moi-même les vidéos. Nous avons créé par la suite la plate-forme « I read » qui sera bientôt disponible en Tunisie. Ahmad Mourad a ainsi été le premier écrivain à faire la promotion des livres à travers des vidéos à diffuser dans les salles de cinéma avec les films. La campagne a connu un grand retentissement.
Quant à la réception de ses œuvres où le mystère tient une grande part, il pense que « chaque roman est un miroir des peurs intimes et des tabous personnels du lecteur qu’il réveille en stimulant l’imagination». Il y a donc une adaptation cinématographique que le lecteur se fait dans sa tête, avant même de découvrir le film basé sur l’œuvre. D’ailleurs, Ahmad Mourad estime que le cinéma ouvre la piste aux romans comme il atteint une audience plus large.
Derrière ses succès fulgurants, l’écrivain est revenu sur ses frustrations, cette partie cachée de l’iceberg que l’on ne peut imaginer. « J’ai 7 scénarios mais aussi beaucoup de projets avortés. C’est un processus beaucoup plus compliqué que l’envie de présenter une œuvre au public qui ne voit pas les échecs cachés».
L’intervention de l’écrivain et scénariste a été suivie d’un moment de questions-réponses. Il a abordé son rapport avec les réseaux sociaux, avec plus d’un million d’abonnés sur sa page Facebook. « J’ai arrêté de suivre les échos sur les réseaux sociaux. Ça m’est arrivé de recevoir des messages haineux. Il y a des lecteurs qui n’acceptent pas la fantaisie, ils la jugent futile. D’autres trouvent le réel ennuyeux. Il faut prendre leurs goûts en considération». Ahmad Mourad a également animé un atelier d’écriture qui s’est tenu en Tunisie du 15 au 19 avril. Il a collaboré à des expériences pareilles qui ont mené à des films. Cependant, il souligne qu’«on ne peut pas être tous écrivains. Des fois, les ateliers servent aussi à dissuader».
Revenant à la période passée en notre pays, il a exprimé vivement sa fascination par les paysages naturels. D’ailleurs, il a été chez nous neuf mois auparavant pour repérer des lieux de tournage. Il a incité les écrivains tunisiens à puiser dans le passé de la Tunisie qui peut être, selon lui, exploité pour des drames historiques de haut niveau.