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Carthage, ce festival qui dit tout d’un pays

La Presse — Le festival de Carthage n’est pas qu’un événement culturel, c’est un miroir tendu à la Tunisie. Cette année, les Tunisiens s’en sont rendu compte par contraste, tant l’annonce tardive du programme et la confusion autour de la billetterie ont suscité frustration et sarcasme. Mais à quelque chose malheur est bon. Cette attente fébrile, ces critiques en chaîne ont rappelé à quel point Carthage est un rendez-vous national, une boussole pour les autres festivals, un révélateur des goûts des Tunisiens.

Chaque été, le même amour se répète ; celui des Tunisiens pour la culture, pour la scène, pour le divertissement collectif. Et si les déçus sont nombreux cette année encore, c’est qu’ils sont aussi nombreux à attendre, espérer, réclamer davantage. Car Carthage, malgré tout, remplit les gradins. Les billets s’arrachent dès leur mise en ligne, certaines soirées affichent complet en quelques heures. Il y a de l’exaspération, certes. Mais il y a surtout de l’attachement, profond, sincère et tenace.

Un mois de festival, des stars régionales, quelques éclats internationaux, du théâtre, du jazz, des créations tunisiennes… Malgré le peu de moyens, Carthage possède l’essentiel. Il a la scène, l’histoire, le lieu, l’âme. Ce théâtre millénaire, creusé dans la pierre et ouvert sur la mer, n’est pas qu’un décor, c’est une mémoire vivante, un témoin du dialogue entre le passé et le présent. Et surtout, il a ce bien rare que d’autres festivals envient : un public fidèle, passionné, exigeant. 

Alors oui, sur les réseaux, on rit des retards, on détourne les affiches, on raille l’organisation. Mais Carthage n’a pas besoin d’applaudissements automatiques. Il a besoin d’être porté à la hauteur de ce qu’il représente. Aimé avec méthode, pas seulement avec nostalgie. Et préparé avec sérieux.

Une nouvelle édition ne devrait pas commencer en juillet, ni même en avril, mais dès le lendemain de la clôture de la précédente. Cela suppose des équipes pérennes, une vision à long terme, des politiques culturelles qui survivent aux calendriers électoraux. L’art ne peut pas s’improviser chaque été.

Au-delà, ce qui se joue ici dépasse la seule scène de Carthage. La culture, pour les Tunisiens, n’est pas un secteur comme un autre. Elle crée des emplois, génère du tourisme, apaise les tensions sociales, rassemble les imaginaires, ouvre des voies. Elle n’est pas un luxe. Elle est un levier de développement. C’est une nécessité vitale. Préserver notre patrimoine, former les jeunes à travers un vrai système éducatif, accompagner les élites culturelles pour élever le pays… Ce n’est pas une coquetterie identitaire. C’est une question existentielle pour nous les Tunisiens.

La Tunisie a rayonné, un temps, par la qualité de son école, les droits des femmes, un théâtre audacieux, un cinéma libre. Ce patrimoine immatériel doit être protégé, cultivé, transmis. Ce n’est pas une option, c’est notre socle commun. Notre force. Il ne suffit plus d’en être fiers, il faut en faire une conscience vivante, partagée, transmise aux générations à venir.

Et s’il fallait un symbole pour raviver cette conscience, Carthage en serait l’un des plus éclatants. Ce festival, chaque année, nous le rappelle : la Tunisie ne manque pas d’âme. Mais pour continuer de briller, elle a besoin de soin, de respect et d’une vision lucide, structurée et ambitieuse.

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