Les artisans sont souvent lésés à cause de ce phénomène observé entre les artisans eux-mêmes et les commerçants tunisiens qui imitent les articles authentiques et les fabriquent à l’étranger pour les vendre ensuite à des prix dérisoires en Tunisie.
Victimes de leur succès auprès des consommateurs, les marques, les dessins et les modèles des produits d’artisanat tunisien sont, depuis des années, une cible de choix pour les contrefacteurs qui opèrent, souvent en Asie ou ailleurs, produisent et vendent à des prix bas.
La méfiance est de mise, également, quand on parle de revendeur non agréé ou d’un artisan qui copie et imite le produit d’un autre artisan. Cette pratique ne peut être qu’un délit de contrefaçon, d’usurpation et d’usage illicite de la propriété intellectuelle d’autrui.
Il est important de rappeler qu’une grande partie de la production artisanale tunisienne est produite en Asie, en Inde…par des commerçants tunisiens, dans des ateliers de fabrication non contrôlés à partir d’une matière première non conforme aux normes.
Chaque création doit être enregistrée
Un autre phénomène national non moins important repéré et contesté souvent par les professionnels du secteur, celui de la vente des imitations des produits d’artisanat.
En effet, les professionnels de l’Office national de l’artisanat tunisien soupçonnent certains artisans qui vendent des articles contrefaits copiés des produits authentiques de leurs collègues. Concernant toujours la propriété individuelle d’un produit artisanal, Mme Leila Msellati, Directrice de la qualité à l’Office national de l’artisanat tunisien, a précisé que, juridiquement parlant, chaque création doit être enregistrée.
«L’artisan n’acquiert le droit d’être propriétaire de sa création que quand il effectue le dépôt d’enregistrement auprès d’une institution étatique reconnue et accréditée à l’échelle internationale, qui est en Tunisie l’Innorpi. Ainsi, personne n’a le droit de l’utiliser sans l’autorisation de son propriétaire. Si un artisan copie l’article d’un autre artisan, là on parle de contrefaçon et le propriétaire pourrait prétendre subir un préjudice et porter plainte auprès du tribunal».
L’invasion des produits imités
Comment repérer un produit artisanal contrefait et comment prouver que cet article est une propriété individuelle? Le problème de contrefaçon est devenu fréquent ces dernières années avec l’invasion des produits imités, exposés et vendus provenant de Chine et d’autres pays asiatiques. «C’est devenu un problème national qui touche le patrimoine et la propriété de la population artisanale. Il est même introduit dans le domaine public.
Les artisans sont souvent lésés à cause de ce phénomène observé entre les artisans eux-mêmes et les commerçants tunisiens qui imitent les articles authentiques et les fabriquent à l’étranger pour les vendre ensuite à des prix dérisoires en Tunisie. Cette concurrence menace à moyen et long terme les petits métiers artisanaux, la pérennité des entreprises artisanales, les emplois et entrave les opérations d’exportations et l’entrée de devises».
Mme Msellati n’a pas manqué de rappeler que le phénomène s’est propagé au point de pousser certains artisans à enregistrer, dans un autre pays (en Amérique), des articles en céramique du patrimoine tunisien. «Il a fallu que le ministère de la Culture intervienne pour donner des attestations qui confirment que ces articles sont une propriété du patrimoine et non une propriété artisanale».
Matières lourdes et dangereuses
La responsable précise que les déchets en Chine sont broyés pour fabriquer les articles d’artisanat, notamment la fausse bijouterie, le chichkhan, l’argent… La matière première du produit contrefait contient des matières lourdes et dangereuses et est cancérigène. Ces produits sont strictement interdits d’accès dans certains pays comme le Canada.
Alors que le produit artisanal tunisien authentique est très sollicité dans les marchés européens et américain pour sa qualité, sa diversité, son prix..«Ceci nous a encouragé à inciter l’artisan tunisien à effectuer l’enregistrement de ses articles auprès de l’Innorpi. Ces artisans peuvent ainsi bénéficier d’une remise pour payer uniquement 30% des redevances lors de l’enregistrement de leurs produits.
«Sensibiliser davantage les artisans pour enregistrer est le seul moyen pour les protéger de la contrefaçon. Actuellement, le nombre d’artisans ayant enregistré leurs produits est encore réduit et en deçà de nos attentes. On ne cesse de les inciter à enregistrer leurs créations avant même de participer aux salons et foires. L’enregistrement est devenu une clause obligatoire dans le cahier des charges pour pouvoir participer aux salons de l’artisanat».
Une autorisation d’importation
Pour faire face à ce phénomène, le ministère du Tourisme à mis en œuvre une nouvelle stratégie visant la protection des frontières. «On a mis en valeur quelques produits du patrimoine avec un code et une nomenclature douanière internationale. De même, ces articles seront soumis à une autorisation d’importation parallèle et au contrôle technique au niveau du Port».
Mme Msellati indique que l’Onat a lutté contre ce phénomène depuis des années, dans les filières du tapis, de la bijouterie et de la céramique. Autant dire que «la protection des produits du patrimoine est étroitement liée au terroir, voire aux «appellations d’origine» ou «les indicateurs géographiques» en Tunisie. En effet, suite à des enquêtes et à des études élaborées par l’Office de l’artisanat tunisien, une législation a été mise en place définissant le processus de protection des produits d’artisanat par ces appellations, qui signifie protéger un produit à travers ses origines.
C’est un travail pointu et de très longue haleine.
Les experts de l’organisation de propriété intellectuelle, les professionnels du secteur de l’artisanat et l’Innorpi ont déployé conjointement des efforts considérables pour établir un diagnostic des produits d’artisanat (100 produits) qui peuvent être protégés et labellisés.
L’office a développé, aujourd’hui la «qualité standard» pour l’artisan tunisien. Il a veillé à ce que tous les produits artisanaux soient labellisés pas uniquement le tapis, le cuivre, le cuir, la chéchia. «La plus grande et importante protection du produit artisanal, c’est le label. On compte multiplier les actions de communication sur le label, seul garant de la qualité, de l’export à l’import..».
En définitive, «l’artisan doit se protéger auprès de l’Innorpi et des services douaniers, à travers l’enregistrement. Car l’artisan qui enregistre son produit destiné à l’export protège impérativement l’import. Il suffit de le déclarer auprès des services douaniers et affirmer sa propriété individuelle».