La Tunisie ne peut attendre plus. Les hésitations du mouvement Ennahdha ont un impact cumulatif qui inquiète de plus en plus les Tunisiens. Le rêve suscité par le nouveau Président entretient leurs espoirs et assomme le désespoir qui les habitait. Mais le temps presse et l’on veut des réponses. Et déjà : qui présidera le gouvernement pour réaliser quel programme ?
Le calendrier électoral, avec les délais consentis aux divers recours, a octroyé au parti arrivé premier en nombre de députés, largement le temps de choisir son chef de gouvernement et même de composer l’équipe. Or Ennahdha ne semble pas du tout pressé et continue de tirer en longueur. Ce qui dilue les responsabilités et fait assumer au président de la République une implication que la Constitution n’a pas prévue.
En attendant, le pays attend les réformes urgentes qui s’imposent et qui ne sont même pas définies puisque aucun programme n’a été rendu public.
Le Président prend sur lui de favoriser la faisabilité du futur gouvernement. Ce faisant, il insuffle l’esprit du mandat dont l’ont chargé ses électeurs : la liberté, bien sûr, mais surtout l’emploi des jeunes et la dignité nationale. Donc la relance de l’économie et les conditions de son ajustement.
Et le chef de l’Etat de se lancer dans une série d’entretiens avec les forces politiques et sociales du pays qui en appellent à l’unité au service des aspirations des citoyens. Cependant qu’Ennahdha réfléchit, discute et dialogue. Tout en prenant en ligne de compte le sentiment du chef de l’Etat.
Il en ressort que le Président ne veut pas des quotas partisans et souhaite voir mettre aux commandes des ministres compétents porteurs d’un programme qui réponde point par point aux attentes du peuple tunisien. Un programme qui doit relancer l’économie, équilibrer les finances, redémarrer l’investissement et briser le chômage. Un programme, aussi, qui relance le développement des régions marginalisées et qui sache freiner l’endettement.
Maintenant, s’agissant des partis associés à la composition même de l’équipe, le Président Saïed a, tout d’abord, refusé l’idée d’un « gouvernement du Président » et appelé à un respect strict du calendrier prévu par la Constitution.
Et puis, comme pour passer un message, il a accordé, dans ses consultations, une place au parti Au Cœur de la Tunisie que l’on croyait écarté par Ennahdha. Est-ce juste pour sonder son avis sur le processus ?
Les messages adressés par le Président de la République, par petites touches, prennent l’allure de recommandations voire de contraintes visant à conforter les exigences qui habitent les citoyens et à favoriser les conditions d’une consultation plus large et d’une future équipe apte à remplir sa mission de la manière la plus aisée.
Plus les partis associés à la formation du gouvernement seront nombreux, plus l’éventail des personnalités éligibles sera large et donnera l’opportunité d’en dégager des compétences pouvant répondre aux critères non écrits voulus.
De plus, l’élargissement de la majorité dont bénéficiera le gouvernement lors du vote de confiance, donnera une meilleure assise au gouvernement et lui offrira une meilleure stabilité.
On a longtemps polémiqué depuis 2013 sur le sens qu’il s’agit de donner au mot «compétence», et l’on en est arrivé à des conclusions disparates. Récemment, Néjib Chebbi a considéré que, s’agissant d’un gouvernement à former, ce qualificatif signifiait : une personnalité politique expérimentée ayant une bonne connaissance de l’économie. Mais, dans les faits, les définitions changent et c’est en définitive l’avis de celui qui forme le gouvernement qui primera. Et puis, c’est au Parlement que revient le dernier mot à travers le vote de confiance.
Autre problématique qui freine le choix des futurs membres du gouvernement et des partis concernés, le fait que certains partis estiment qu’Ennahdha choisit ses alliés en leur promettant la lune, puis les accusent d’être les responsables des échecs et leur fait porter le chapeau. C’est une musique que jouent en ce moment aussi bien le mouvement Echâab que Attayar. Pour preuve, on rappelle qu’aussi bien le CPR qu’Ettakatol avaient perdu, en 2014, toute assise électorale, et que le scénario s’est reproduit en 2019 pour Nida Tounès et Tahya Tounès.
A ce niveau, Kaïs Saïed se porte témoin de la teneur des craintes des uns et des autres et s’applique à rapprocher les points de vue en mettant en avant aussi bien les impératifs de confiance réciproque que la nécessaire accélération des délais pour répondre à l’urgence de remettre l’action du gouvernement en marche.
La Tunisie ne peut attendre plus. Les hésitations du mouvement Ennahdha ont un impact cumulatif qui inquiète de plus en plus les Tunisiens. Le rêve ramené par le nouveau président entretient leurs espoirs et assomme le désespoir qui les habitait. Mais le temps presse et l’on veut des réponses. Et déjà : qui présidera le gouvernement pour réaliser quel programme ?