La Commission tunisienne des analyses financières a acquis une expérience notoire, illustrée par une riche activité analytique, une vingtaine de protocoles d’accord scellés entre partenaires locaux et extérieurs et des satisfecits et distinctions à l’échelle internationale.
Parallèlement et à la lumière du rapport d’évaluation nationale des risques et du rapport d’évaluation mutuelle, le Gafi (Groupe d’action financière) a arrêté en 2017, pour la Tunisie, un plan d’action pour consolider l’arsenal institutionnel, juridique et règlementaire et en améliorer l’effectivité.
Dans le cadre de ce plan, il a été procédé principalement à la création du Registre national des entreprises (pour permettre la traçabilité du bénéficiaire effectif dès la transaction financière des sociétés et l’inclusion des associations et des professions libérales), l’amendement de la Loi organique relative à la lutte contre le terrorisme et la répression du blanchiment d’argent, la diffusion des textes d’application concernant la règlementation des professions non financières ainsi que la circulaire de la BCT relative à la mise en place des règles de contrôle interne pour la gestion du risque, la progression des opérations de gel des avoirs et des comptes en relation avec le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme…
Autant de relations qui ont permis l’achèvement du plan d’action en un temps record de dix-sept mois, sous l’impulsion de la commission tunisienne des analyses financières (Ctaf) avec l’appui de la Banque centrale de Tunisie et du gouvernement.
Du coup, «la conformité technique de la Tunisie aux recommandations du Gafi s’est considérablement améliorée: de 16 sur 40 recommandations avant le plan, on est passé à 29 sur 40 recommandations en novembre 2018 pour atteindre le mois d’après 35 recommandations sur 40, ce qui est de nature à atténuer, d’une manière drastique, les vulnérabilités de notre dispositif anti-blanchiment des capitaux et financement du terrorisme», précise Marouane El Abbassi, gouverneur de la BCT.
Ces réalisations ainsi que les efforts déployés ont été couronnés par la sortie de la Tunisie de la liste des juridictions sous surveillance du Gafi, le 18 octobre 2019.
Cependant et en dépit de ces succès, M. El Abbassi précise «on ne doit pas baisser la garde. La vigilance doit rester de mise pour ne pas tomber dans la zone de risque».
Et d’ajouter: «La Commission tunisienne des analyses financières ne peut faire front seule à ces fléaux de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme. L’effort des assujettis ainsi que la coopération et la collaboration de ses partenaires tunisiens et étrangers s’avèrent incontournables pour réussir haut la main cette lutte harassante aux grands enjeux».
Le rôle de la Ctaf
Après avoir été ajoutée puis retirée de la liste des paradis fiscaux de l’Union Européenne, la Tunisie a été ajoutée en février 2018 sur la liste noire de la commission européenne des pays exposés au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme par l’Union européenne. Pourtant, le Groupe d’action financière (Gafi), institution internationale en charge de l’examen et l’élaboration des mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, a révisé le classement de la Tunisie, et l’a déplacée de la catégorie des «pays à hauts risques et non coopératifs» à la catégorie des «pays sous surveillance», une catégorie désignant les pays qui sont en train d’améliorer leur dispositif et ayant des engagements fermes, dans ce sens. Cette décision intervenait à la suite d’une demande officielle adressée au Gafi de la part de la Ctaf, afin de lever cette confusion et corriger l’évaluation tunisienne, aux conséquences négatives sur l’image du pays.
Cette évolution notable a permis au pays de montrer sa détermination et sa volonté politique à sortir de ces listes en mettant en œuvre, de manière urgente, le plan d’action développé conjointement avec le Gafi dont la première évaluation était prévue en fin de l’année dernière.
Ce plan d’action contient, entre autres, la concrétisation par la Ctaf de la loi organique relative à la lutte contre le terrorisme et la répression du blanchiment d’argent. Cette Loi vise à prévenir et à lutter contre le terrorisme, le blanchiment d’argent et soutient les efforts internationaux dans ce domaine, conformément aux normes internationales, et dans le cadre des conventions internationales, régionales et bilatérales ratifiées par la Tunisie.
La Ctaf «est appelée à jouer un rôle d’avant-garde, en repérant les opérations financières des réseaux terroristes, en particulier au niveau transfrontalier, et en détectant leurs bailleurs de fonds. Le renseignement financier est d’une importance capitale pour mettre à jour la facilitation d’infractions terroristes et les réseaux et les mécanismes des organisations terroristes», souligne Samy Chambeh, membre de la Ctaf.
Désormais, la Ctaf a les cartes en main pour consolider ses moyens de lutte contre les crimes de blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme, surtout avec la récente sortie de la Tunisie de la liste des pays sous surveillance du GafI.