«Patriotisme dans la poésie de Chebbi», un livre, en arabe, qui vient, tout récemment, de paraître, dans un contexte électoral où l’amour de la patrie rivalise avec l’égocentrisme des partis. Comme si son auteur, Dr Foued Fakhfakh, professeur agrégé en langue, traduction, littérature et civilisation arabes, voulait donner, aux candidats en lice, l’exemple type de citoyenneté et de dévouement à la bonne cause.
Ce troisième livre du Dr Foued Fakhfakh sur Abou El Kacem Chebbi s’en tient au sens du patriotisme dans la rhétorique poétique et ses dérivés aussi significatifs qu’ils soient. Bien qu’il fît figure de son époque, de par ses œuvres artistiques singulières et imagées, Chebbi ou l’enfant prodige du sud continue, jusqu’alors, à cultiver les sublimes valeurs du passé.
Soit, l’amour de la patrie dans tous ses états. Cela nous renvoie, certes, à nos vaillants militants du mouvement de libération nationale mené, dans la douleur, contre l’occupant français. Le syndicaliste Farhat Hached en était, alors, un qui s’était sacrifié pour son pays. Pour le bonheur du peuple et celui de l’Ugtt, grande organisation ouvrière se posant toujours protectrice de l’édifice républicain. Son secrétaire général, l’actuel, Noureddine Taboubi, a tenu, volontiers, à préfacer cet ouvrage, en signe d’appui à son auteur et de partage à ses idées.
Et partant, l’œuvre littéraire du Dr Fakhfakh a mis en avant le patriotisme dans toutes ses formes. En cohérence, cinq chapitres dont l’un est associé à l’autre dans une relation de causalité logique. Premier acte, il semble important de distinguer le patriotisme du nationalisme, sans que le sens ne soit diamétralement opposé. A ce niveau, le deuxième se veut global et géographiquement plus élargi. Il se démarque légèrement du premier, lequel s’identifie intimement à ses dimensions locales. Pourquoi un tel intérêt porté au patriotisme ? Et pourquoi a-t-il ainsi évoqué en se référant à la poésie de Chebbi ? A l’heure de la mondialisation, où les frontières n’ont plus de sens, l’identité des pays se sacrifie sur l’autel de la globalisation. L’auteur est parti, alors, dans une quête identitaire nationaliste.
L’émotionnel et le fonctionnel
Patriotisme- poésie, quel rapport ? Voilà en quoi consiste le chapitre II. Pour convaincre, l’auteur a fui son présent, faisant appel au bon vieux temps, à la poésie de Chebbi citée en exemple édifiant de patriotisme. Mais, comment ce poète, malgré son jeune âge, en avait-il eu conscience ? L’on parle, ici, des années 30, le peuple étant, alors, sous le joug du colonialisme. Patriotisme était bel et bien la devise d’un combat en commun. Chebbi l’avait défendu en vers et en prose, étant comme un soldat aguerri. Chez lui, le patriotisme est une poésie riche en messages, allant de l’émotionnel jusqu’au fonctionnel. Le peuple avait eu, à l’époque, besoin d’un leader d’opinion, d’un citoyen-éclaireur pouvant lui montrer la voie, celle de l’émancipation et de l’indépendance. La nature dans la poésie d’Abou El Kacem Chebbi n’a jamais été un choix arbitraire. Et encore moins une simple fantaisie romantique. Mais elle se fait l’idée imagée de son poète et de sa propre manière d’agir, de s’exprimer, de plaidoyer pour avoir gain de cause. C’était, en fait, la cause d’une patrie meurtrie. Donc, la nature telle que présente dans la poésie de Chebbi était, en quelque sorte, «instrumentalisée» pour servir de miroir reflétant les maux de la société. Plus que romantique, Chebbi se voulait plutôt patriotique. Soit, l’un n’exclut pas l’autre. Somme toute, cet acte III intitulé «Entre patriotisme et nature» puise dans un sens où le patriotisme est une expression multiforme.
De même, «La dualité poésie et peuple», en acte IV, s’inscrit bel et bien dans cette logique de réflexion. L’on y cultive les valeurs de la citoyenneté et du patriotisme qui trouvent explication dans les différents poèmes de Chebbi. Cela nous amène à dire, en abordant l’acte V du livre, que sa poésie a une signification à double niveau. Le premier se rapporte à la relation qui lie le poète à son peuple, laquelle relation parfois conflictuelle s’était soumise à des raisons, tantôt subjectives tantôt objectives. Le second niveau revêt particulièrement un aspect romantique. Et Dr Fakhfakh de vouloir aller plus loin, définissant le patriotisme dans la poésie de Chebbi. C’est ce qui a été, d’ailleurs, relevé dans l’acte V. En deux mots, le patriotisme ne se limite ni dans le temps ni dans l’espace. L’artiste Pablo Casals (1876-1973) disait: «Rien n’est plus naturel que d’aimer son pays, mais pourquoi notre amour connaît-il des frontières ?».
