La liesse populaire, bien qu’extraordinaire, ne doit pas occulter les imperfections de l’organisation et l’absence de logistique d’un tourisme culturel
Et pourtant les gens ont aimé ! Cette après-midi, ce soir et cette nuit du vendredi au samedi dernier à Kairouan furent émouvants pour ceux qui étaient sur place. Les gens venus de partout, tous âges et profils confondus, se sont rués en file indienne vers le mausolée saint d’Abou Zamâa Balaoui, ainsi que sur la grande mosquée Okba Ibn Nafâa pour fêter le Mouled et honorer cette date de naissance du Prophète Mohamed. On était ce soir-là à Kairouan, et rien ne peut décrire cette énorme vague humaine qui a duré pratiquement 24 heures sur un axe bien cerné où près d’un million de personnes ont été repérées.
On ne conteste pas. Mais en même temps, disons aussi que c’était spontané. Il n’y avait guère une structure officielle qui a organisé ce grandiose évènement (malgré les efforts des associations). C’était mal organisé, les gens venaient en milliers alors qu’ils n’y avait aucune indication, pas d’accompagnateurs et d’informations pour montrer le circuit (beaucoup se sont égarés). Pas de parkings aménagés également (les bus et les voitures étaient tenus de garer loin, très loin même)…on ne sentait pas la présence de l’Etat, du gouvernorat, de la municipalité, et même du comité d’organisation de cet événement, débordé, semble-t-il, faute de moyens. Juste des efforts solitaires d’associations de la société civile à Kairouan, ainsi que des habitants des cités entourant la grande mosquée, qui ont offert des tentes, de la nourriture et de l’accompagnement aux visiteurs de Kairouan. Sinon, pas de logistique digne d’une ville aussi prestigieuse que Kairouan. Pas d’hôtels en grand nombre, des touristes qui se comptent sur le bout des doigts et une industrie artisanale en effritement. Cette fête de Mouled, autant elle était populaire, autant c’était chaotique, confus avec une occupation frustrante de la rue. Il n’y avait pas d’imagination, de touche artistique qui pouvait charmer. Sans oublier le manque de communication classique et officielle des différents galas tenus en marge du Mouled. Cerise sur le gâteau : ces stands horribles de friperie qui ont envahi Kairouan pour un désolant spectacle. Ceux qui connaissent Kairouan savent que lors du Mouled, ce sont les marchands de poterie de Nabeul qui s’installent en compagnie des vendeurs de pâtisserie et des jouets d’enfants. Cette « misérable » friperie, ça fait partie du décor planté post-2011 en l’absence de l’autorité locale.
Et le plus important, quand l’Etat prendra-t-il conscience que la fête du Mouled est un vivier pour le tourisme culturel ? Quand le ministère du Tourisme comprendra-t-il que Kairouan pourrait générer d’énormes recettes en devises pour un type de touristes cherchant l’histoire, le patrimoine culturel et les fêtes religieuses ? C’est un terrible manque à gagner avec une petite logistique touristique installée et une fâcheuse marginalisation qui dure depuis des décennies. Les idées sont là, la ville a son rayonnement, il ne manque que des politiques étudiées, des moyens et des responsables régionaux et nationaux pour les appliquer.
Ce Mouled 2019 a tout de même été beau par les sensations qu’il a suscitées, sa spiritualité, mais les festivités étaient très mal organisées. Il est temps que le Mouled retrouve son lustre d’antan.