Le clou de la séance inaugurale a été l’élection du nouveau président de l’Assemblée. Un vote qui s’est déroulé dans un climat d’incertitude. Même celui qui était désigné comme favori, en l’occurrence Rached Ghannouchi, n’était sûr de rien. A mesure que le temps passait, l’incertitude s’emparait de tout le monde.
Rached Ghannouchi est officiellement président de l’Assemblée des représentants du peuple pour un nouveau mandat qui court de 2019 à 2024. Il l’a emporté avec une majorité confortable de 123 voix. Une belle marge. L’alliance avec Au Cœur de la Tunisie est évidente. Un président versus une première vice-présidente. A l’heure où nous mettions sous presse, les résultats ne sont pas encore définitivement annoncés. Mais une question cruciale se pose maintenant: ce pacte gagnant-gagnant avec le parti honni dans un passé proche ne concerne-t-il que ces élections parlementaires ou bien va-t-il aller plus loin ?
La cérémonie inaugurale de la deuxième législature a eu lieu hier matin, 13 novembre, au palais du Bardo, sous la présidence de Abdelfattah Mourou, président de l’Assemblée intérimaire sortant. Parmi les 217 députés siégeant sous la coupole, les ténors des partis politiques ont pris place dans les premières travées. On distinguait dans la foulée, Rached Ghannouchi, Nourreddine Bhiri, Soufiane Toubal, Abir Moussi, Seif Eddine Makhlouf, etc.
Cette rentrée parlementaire, très attendue, qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive, ressemble fort au premier jour d’une rentrée des classes. Les anciens élèves, qui ont réussi leur passage, sont visiblement satisfaits et heureux de siéger pour un nouveau quinquennat. Ce sont les habitués des lieux. Ils en connaissent les codes et les repères, circulent à l’aise, multipliant les accolades et les embrassades. Ensuite, viennent les autres, les nouveaux venus qui semblent éblouis par les lumières et la magie du palais, timides, quelque peu désemparés, tâchant malgré tout de faire bonne figure. Certains sont venus entourés d’un groupe, un cercle de sécurité, pour affronter les regards, les adversaires politiques, les journalistes.
Ne pas tomber dans les travers des prédécesseurs
Abdelfattah Mourou, dans une brève allocution, d’adieu — lançons le mot — a rappelé les faits d’arme de l’ancienne législature. Avec sa verve habituelle, il a tenu à saluer l’énorme travail abattu : 330 projets et propositions de lois avaient été traités, à raison de 6 textes par mois. Près de 900 questions ont été adressées aux membres de l’exécutif. Le parlement sortant a vu se succéder trois gouvernements et un trio de présidents de la République, le défunt Béji Caïd Essebsi, qui, à son décès, a été remplacé par Mohamed Ennaceur, président par intérim, et, enfin, Kaïs Saïed, le président fraîchement élu.
Même si, reconnaît Mourou, plusieurs projets de loi importants sont restés inachevés, il revient à la présente chambre de conduire à son terme le travail en suspens. En saluant les nouveaux représentants du peuple, il a tenu à rappeler les prochains rendez-vous importants, décisifs, telle la discussion du projet de loi de finances. Au détour d’une phrase, Mourou a tenté d’alerter les nouveaux édiles de ne pas tomber dans les travers de leurs prédécesseurs, « parce que cette assemblée est un espace avant tout de dialogue et d’échanges », alors que les défis sont nombreux, que l’année s’annonce difficile, et que les attentes des citoyens sont énormes, a-t-il souligné en substance.
Abdelfateh Mourou quitte solennellement le perchoir sous les applaudissements, après une poignée de main avec Rached Ghannouchi, convoqué en sa qualité de député le plus âgé, pour présider la suite de la séance. Ghannouchi occupe le perchoir, épaulé par deux adjoints, choisis parmi les plus jeunes : Meriem Ben Belgacem, du parti Ennahdha et Abdelhamid Marzouki de Qalb Tounès.
Le couronnement d’un parcours
Le président de la séance procède alors à la prestation de serment. Comme le stipule le règlement intérieur. Les nouveaux députés reprennent après lui collectivement. Une prestation de serment, acoustiquement perturbée par Abir Moussi, dans l’indifférence générale, soit dit en passant.
Le clou de cette séance inaugurale est l’élection du nouveau président de l’Assemblée ainsi que de ses deux adjoints, le premier vice-président et le second. Un vote qui a eu lieu l’après-midi à la reprise de la séance et s’est déroulé dans un climat d’incertitude. Même celui qui était désigné comme favori, à savoir Ghannouchi, n’était sûr de rien, à mesure que le temps avançait, l’incertitude s’emparait des lieux. En effet, pas moins de trois autres candidats étaient en lice rien qu’à la présidence de l’ARP. Outre le président du parti Ennahdha, Ghazi Chaouachi, du Courant Echaâb, Marouen Felfel du parti Tahya Tounès et Abir Moussi du parti PDL. Un quatuor qui brigue la présidence de l’ARP, pas avec les mêmes chances, ni les mêmes soutiens, faut-il le dire.
C’est vers 17h que les membres de la commission des élections ont procédé au dépouillement des bulletins de vote, sous les caméras vigilantes de la chaîne nationale publique, toujours présentes dans les rendez-vous nationaux. Finalement, Rached Ghannouchi couronne son parcours en beauté, président de l’Assemblée nationale, il l’a voulu, il l’a obtenu. Une élection haut la main, qui montre, tout de même, qu’entre ce qui se dit et ce qui se fait, il y a un monde.