Après une mort suspecte, la justice transitionnelle renaît de ses cendres. Un séminaire par-ci, une intervention télévisée de la présidente de l’IVD par-là. L’Instance vérité et dignité a publié son rapport, il y a quelques mois déjà. Un pavé, pour ceux qui l’ont vu, de « 2.344 pages, étalé sur sept tomes ». Mission accomplie ?
Il faut croire que pas encore. Le rapport publié n’a pas été reconnu par le gouvernement, du moins non encore publié au Journal Officiel, comme le stipule la loi. Il faut dire qu’en cette période où les Tunisiens vivent sur le rythme du balancier, entre un gouvernement d’affaires courantes et un gouvernement virtuel, qui se cherche encore, tout est en stand-by.
Une fois que c’est dit, quelle est l’impression générale qui se dégage du processus ? Qui a le sentiment qu’une réconciliation nationale s’est opérée ou est en bonne voie ? Qui a le sentiment que les objectifs assignés, à l’instar de la révélation de la vérité, des poursuites judiciaires à l’encontre des responsables, de la réparation morale et financière de toutes les victimes, de la promotion de la réconciliation nationale, sont atteints ? Force est de constater que, là encore, la réponse est négative.
Les dédommagements versés précipitamment, les rumeurs persistantes autour de transactions financières négociées derrière des portes closes, les données présentées par l’IVD, contestées par le gouvernement, tout cela entretient le doute, voire la défiance.
Rien que les luttes intestines entre les membres de l’instance, les multiples démissions, les querelles médiatisées qui ont régulièrement défrayé la chronique tout au long de la mission de l’IVD ont de quoi alimenter la suspicion à l’endroit du processus, de ceux qui le conduisent sur le devant de la scène, et ceux qui tirent les ficelles. Résultat, la réconciliation nationale tant attendue a cédé la place à une suspicion généralisée.
Si des éléments objectifs ont entravé, il est vrai, le travail de l’instance, l’instrumentalisation politique ne laisse aucune place au doute. Est donc venu le temps pour remercier tous ceux qui ont veillé au bon déroulement de la justice transitionnelle et ont diligemment œuvré à la réconciliation nationale. C’est de l’ironie pour ceux qui ne l’ont pas compris ! En vérité, ce n’est qu’un ratage de plus à mettre au compte des échecs.