Accueil A la une L’affaire du paquebot le Tanit de la CTN : Les péripéties mouvementées de la traversée

L’affaire du paquebot le Tanit de la CTN : Les péripéties mouvementées de la traversée

N’eussent été sa robustesse et ses performances techniques exceptionnelles, le Tanit aurait connu le  même sort dramatique que le célèbre Titanic. La main de Dieu était aussi là, tendue aux trois mille voyageurs, évitant au majestueux et immense ferry de couler et périr corps et biens, tels le Titanic et le fameux Kuriat de la CTN qui a fait une soixantaine de morts dans les années 70.

La traversée Gênes-La Goulette a eu lieu, contre vents et marée, le 20 décembre courant. La durée normale du trajet est d’environ dix-huit heures.

Elle devait durer cette fois-ci presque le double du temps ordinaire. Près de 30 heures de panique générale, sans la moindre assistance ni le moindre renseignement de la part du personnel navigant, selon notre témoin, qui a été durement secoué avec sa famille et le reste des passagers. Tout ce beau monde ayant vécu le cauchemar n’en croyait pas ses yeux, en foulant la terre ferme de La Goulette. Laissons le soin à l’un des miraculés de nous parler des péripéties hallucinantes de la traversée.

Le hasard et la providence ont voulu que je fusse le voisin immédiat de quartier de l’un des trois mille passagers miraculés venant d’effectuer l’épouvantable traversée Gènes — La Goulette. Ceci à bord du Tanit, acquis à grands frais et mis en service par la Compagnie tunisienne de navigation (CTN), il n’y a pas si longtemps et précisément en 2012.

Nez à nez avec le miraculé !

M. Sadok N., cinquante printemps, père d’un garçon mignon, toujours actif comme une abeille et mettant chaque été beaucoup d’ambiance dans notre paisible quartier exerce en Allemagne depuis fort longtemps, s’étant fait une bonne situation au fil du temps. Marié à H. Mahbouba, ingénieur en télécommunication sollicité par un institut supérieur spécialisé à Tunis,  pour transmettre son savoir et sa technicité germaniques à ses jeunes pairs, à chaque fois qu’elle retournait au bercail, pendant les vacances.

En me trouvant nez à nez avec l’intéressé, l’homme est d’une physionomie bigrement méconnaissable, l’air traumatisé et encore sous le choc, le teint vert et pâle comme la mort.

Servi sur un plateau

«Qu’est-ce que tu as», Sadok? lui ai-je lancé.

«Par quoi vais-je commencer et par quoi je vais terminer, me répond-il, avec un profond soupir. Sans l’heureux hasard et l’assistance de l’Etre Suprême, Parfait  et Immortel, j’aurais trouvé la mort avec ma famille».

Pour un journaliste, l’occasion était on ne peut plus propice pour vivre et faire vivre ses lecteurs les péripéties dramatiques de la traversée, ayant mis en émoi et éveillé la compassion chez beaucoup, Tunisiens et non-Tunisiens confondus ! Donc vite l’interrogation, et le zoom sur l’épouvantable événement.

Comme si nous étions présents

Attention ! Silence ! Prêt ! On tourne : Le départ de Gênes, prévu initialement pour 18 heures (heure locale) n’a eu lieu qu’à 20 heures. Pour quelle raison ? Zéro explication ! A peu près 3.000 passagers pour la plupart des Tunisiens y ont convergé des quatre points cardinaux de l’Europe pour fêter le jour de l’an avec les leurs. Près de 130 véhicules étaient aussi à bord du Tanit. Le dîner a été servi aux passagers à la hâte vers 18 heures, soit une heure avant le départ.

Ça commence à «barder»!

Après trente minutes de traversée normale et sans le moindre accroc, les assiettes, les verres et tous les ustensiles du restaurant ont commencé par être projetés dans tous les sens, se balader à droite et à gauche, pour échouer sur le parquet en menus morceaux, sous l’effet du tangage du navire et des secousses de plus en plus violentes, jetant sur le parquet les milliers de passagers. La plupart d’entre-eux se sont massés et agglutinés sur les escaliers, s’étant avérés très exigus pour contenir la foule.  M. Sadok et compagnie ont tôt fait de monter au 10e étage dans l’espoir d’atténuer le danger. Mais ils n’ont pas été épargnés par les trombes d’eau lancées par les «montagnes» de vagues déchaînées.

L’affolement général !

La panique était générale à bord et la tornade ayant trop duré,   tous les passagers s’attendaient au pire. L’on criait au secours à tue-tête et à gorge déployée. L’on pleurait à chaudes larmes. L’on s’arrachait les cheveux. L’on se lamentait sollicitant les bras levés vers le ciel l’assistance divine. Les très très longues minutes s’égrenaient et l’espoir de survivre au drame s’amenuisait. Les haut parleurs disséminés dans le paquebot, censés renseigner les passagers, ne fournissaient aucun propos rassurant ou explicatif de la situation. Des appels se font de temps à autre entendre, invitant M. tel ou  tel à rejoindre la réception plus vite que le vent…

A bord, tous les portables étaient  hors service. Et personne n’était en mesure de communiquer avec quiconque en sécurité sur la terre ferme. Seuls trois ou quatre passagers avaient accès au réseau téléphonique maritime, à raison de pas mois de dix euros la minute !

La maladresse à l’index

Après six heures de traversée, alors que le navire a atteint le niveau du détroit de Sardaigne, selon notre témoin, l’équipage aurait dû accoster au port  pour laisser passer l’orage, avant de reprendre le voyage vers La Goulette le lendemain et dès que les conditions atmosphériques l’auraient permis. Ce qui aurait épargné à ces trois mille passagers des déboires si préjudiciables pour leur santé psychique, morale et physique. Car, «M. Diabète» et «Dame Hyper-tension» n’attendent que de telles épouvantables circonstances pour nous dire bonjour, j’y suis, j’y reste pour toujours…

Le danger à son paroxysme

Le top du danger ne s’est pas produit au niveau du détroit de Sardaigne, comme l’ont prétendu certains médias. Il a plutôt eu lieu à près de 80 kilomètres du port de Bizerte. Là, durant le trajet de quatre kilomètres environ, tout laissait croire que le paquebot allait sombrer corps et biens.

Heureusement que le miracle divin en a décidé autrement. Et que la robustesse du paquebot a permis de bien tenir la route.

Le feu aux trousses des parents !

Les moments les plus pathétiques évoqués par notre chanceux témoin, c’est lorsque, dans la mêlée, il a perdu de vue le fruit cher de sa pure chair… Dans un intense mouvement de foule, l’enfant a été projeté loin de ses parents. Là aussi, n’eût été «Dame chance», le fils unique du couple Sadok et Mahbouba aurait été écrasé sous les pieds des infortunés, pour la plupart, ayant perdu la tête et les souliers. Puisque, l’enfant égaré, a été repêché à temps par le père, venant de s’évanouir et cracher du sang!

Ah! le naufrage du «Kuriat» !

Cela dit, le miraculé se dit déterminé à engager des poursuites judiciaires contre toutes les parties prenantes dont l’enquête établirait la responsabilité dans cette aventure ayant pu conduire à un massacre collectif!

Pour ma part, je ne peux m’empêcher de dire, malgré tout, que «tout est bien qui finit bien», contrairement à la retentissante affaire du «Kuriat», un navire marchand, ayant jadis fait partie de la flotte maritime de la CTN.

Le «Kuriat», qui transportait en surcharge une cargaison de ciment dans les années 70, avait hélas sombré corps et biens au large du port de Toulon, désignée à l’époque comme étant la zone de la mort.

Pas moins de 60 personnes étaient fatalement passées de vie à trépas, en l’absence d’installations de secours adéquates et de la moindre assistance des autorités portuaires concernées. Cela devait fournir l’occasion à notre journal de publier un long reportage exhaustif sur les terribles péripéties de cette catastrophe maritime, sous le titre : «Naufrage du Kuriat corps et biens !».

Il n’y avait, à l’époque, ni Facebook, ni Youtube, etc., ni chaînes de télévision. Il n’y avait que les journaux en papier avec, à leur tête «La Presse», qui dominaient amplement le paysage médiatique.

La CTN s’excuse

De son côté, la Direction générale de la CTN n’a pas manqué, à travers son site officiel, de présenter toutes ses excuses à tous les passagers ayant pris part à ce voyage pour les déboires et la déconvenue qu’ils avaient endurés à l’occasion de cette cauchemardesque traversée. Ceci, non sans préciser que les autorités portuaires génoises avaient dûment autorisé le paquebot de mettre, à cette date et à ce moment-là, le cap sur La Goulette. Estimant que les conditions météorologiques étaient propices.

«Inexcusable !»

Et pour clore, notre malheureux témoin finit par souligner que «l’absence d’assistance à bord et l’inexistence de la moindre information à l’adresse de milliers d’infortunés sont, ma foi, inexcusables. Tout le monde était presque pris en otage. Nul ne savait ce qui se passait, où on était. Ni vers quelle fin on aboutissait. Nous étions livrés à notre triste sort. Le personnel navigant s’est inscrit aux abonnés absents. C’est inadmissible et inexcusable !».

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Un commentaire

  1. Liberte

    30 décembre 2019 à 10:55

    Un drame pareil causé par un commandant de navire têtu et qui a failli la mort de plus de 309 passagers, bref on l’a pas encore mis en prison et le juger sévèrement, toutes les conditions météo étaient annoncées mauvaises et ne permettaient pas une navigation assurée et le commandant se prend pour héros pour prendre une dangereuse décision de prendre le cap et risquer la vie de ces pauvres passagers qui ont payé très cher à la CTN leur es placés.

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