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Journalisme: Contre l’oubli

«Journalistes de valeur, arrêtez de mourir», lance notre collègue et bon ami Sejir Chebil sur Facebook.

Comme il a raison. La liste se fait longue de nos chers et regrettés disparus. Entre fin 2019 et ce début de nouvelle année, la profession essuie perte sur perte : Mekki Karboul, Taieb Jouili, Med Ali Habachi, Jamel Karmaoui, les gros deuils récents de notre journal, Slah Maâoui et Bady Ben Naceur, et puis le tout dernier, Majid Essahli, qui fut (un moment) des nôtres aussi.

De grands noms, insiste Sejir, et sa description n’exagère en rien. Ce furent, tous, «des plumes raffinées, des gens d’esprit, de culture, d’humour de haute volée…». De ce calibre et de cette étoffe qui se reproduisent de moins en moins autour de nous.

Le métier change assurément au train où va le monde. Le journalisme «s’impose» d’autres qualités, se construit d’autres idoles. Qui ne correspondent plus, nécessairement, à ses vertus et à ses profils d’il y a (juste) un temps. Tout est marketing dans les médias d’aujourd’hui. Tout est offre et demande.
Offre ou demande. On achète et on vend des tendances, des modes, des nombres de vue. Si peu à voir, en fait, avec l’écriture raffinée, la culture et l’esprit, l’humour de haute volée. Si peu à voir, hélas, avec ces chers et regrettés disparus. Maintenant, nos journalistes de valeur s’en vont aussi, peut-être, cher Séjir, à force de négligence et d’oubli.

Faisons cet aveu : les collègues et confrères qui nous quittent, nous les regrettons et les chérissons, presque toujours, après coup. La plupart sont ou à la retraite ou (et) en butte au besoin, à la solitude et à la maladie. Et la plupart souffrent d’abandon.

Nous avons évoqué les cas de Jamel Karmaoui et de Bady Ben Naceur quasiment «laissés pour compte» à la fin de leur existence. Mais des proches et des voisins le rapportent, cela n’a rien de comparable avec ce qui est advenu à Abdelmajid Essahli. Le manque absolu. De ressources, de proximité, de soins. Majid était un professeur de musique reconnu et un brillant critique musical. En plus d’un homme de radio et de télévision. Nous l’avons perdu de vue, un jour. Nous ne l’avons plus cherché. Les hommages posthumes que nous lui consacrons ne répareront jamais l’oubli.

Seul espoir : que ces amnésies coupables nous rappellent, enfin, à notre devoir envers nos aînés. Beaucoup attendent de nous revoir. Beaucoup attendent confort, soutien, reconnaissance et respect de l’Etat, de leur syndicat. De nous tous. Nous nous relayons dans ce métier, nous en aurons besoin, demain.   

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