Un succès électoral voulu et attendu. Les clubs ont confiance en Wadï El Jary qui vole seul, qui met tous les acteurs du foot tunisien, y compris ses pairs, sous son autorité. Et si on lisait les messages et les leçons?
Tout le monde n’est pas venu, entre quelques clubs protestataires, mais également plusieurs qui redoutaient le coronavirus, mais tout le monde a voté Wadï Al Jary et sa liste unique. Une investiture des plus spectaculaires du 100% que même dans les régimes ultra-autocratiques on a rarement trouvé. Mais en même temps, c’est une unanimité qui veut tout dire : Al Jary est l’homme fort du football tunisien. C’est lui qui tire les ficelles et qui régule ce système qu’il a conçu à partir de 2012.
C’est lui qui est plus fort et plus influent que tous les clubs. Ce 100% de suffrage, aussi «frustrant» et «anti-démocratique», est en même temps un aveu clair et net de la part des clubs votants qu’ils ont confiance en Wadï Al Jary, qui les a toujours aidés et financés. Au-delà de tous les bras de fer, des coulisses polémiques de temps à autre, Al Jary protège bien son système. Il mène la valse seul, sans avoir besoin de personne. Ses pairs au bureau fédéral sont loin, très loin en termes d’importance et de marge. Ses hommes de confiance sont toujours là pour l’étayer et «exécuter». Ses directives et pour gagner en expérience. La version «Wadï Al Jary 3.0» est plus puissante et ambitieuse que les deux précédentes.
De l’ambition, de l’envie de casser tous ses rivaux et du savoir-politique, Al Jary est très doué dans ce domaine. Il anime un réseau de relations très solide avec les clubs. Son point fort, c’est qu’il tient ses engagements financiers et sait mettre tout le monde ou presque de son côté. Ceci, personne ne peut toujours le faire s’il n’est pas efficace, négociateur et loyal envers ses engagements. Il aura toujours la quasi-majorité Monsieur élections ! En 8 ans, il a si progressé, appris en politique et noué des relations avec clubs et sponsors qu’il sait manier.
Il aime les conflits, il ne les fuit pas et en mettant tous les facteurs de son côté, Al Jary parvient à dominer ses vis-à-vis à l’intérieur ou à l’extérieur de la FTF. Ceux qui ont voulu changer et l’obliger à être plus collégial et moins ambitieux ont essayé avant de s’en aller. C’est ça l’un des messages clefs de cette élection à 100%. Le président de la FTF tient les dessous et les clefs du foot tunisien dans les mains. Il peut changer d’alliés, d’hommes et de femmes dans son bureau, mais il contrôle tout. Une sorte de réalisateur qui soigne et fabrique l’image et les rôles de chacun des acteurs. Et ça, il faut le faire sur la durée !
Les chantiers !
L’homme fort de la FTF aborde 4 ans où l’opposition se fait de plus en plus grande mais où les alliés, apparents ou cachés, sont nombreux. Stabiliser les partenariats avec les gros sponsors (il a réussi à attirer de gros annonceurs et des parrains aux montants considérables), développer davantage l’infrastructure sportive sur la base des projets Fifa, améliorer la prestation des arbitres (auxquels on ne donne plus les matches à enjeu), revoir la législation sportive actuelle et changer ce qu’il faut changer, et s’ouvrir davantage sur les clubs, sont les priorités du bureau fédéral élu. Les sélections? Ça va de soi, c’est la vitrine de la fédération.
La qualification au Mondial 2022 est la priorité absolue, cela permettra de renflouer les caisses et de garder le contact avec le paysage footballistique international. Et les jeunes? Ça reste aussi un chantier urgent. Malgré les moyens mis et les qualités des entraîneurs nationaux, on reste très loin. Là, il faut revoir l’approche et faire en sorte que les meilleurs joueurs et talents soient là. Quitte à se substituer aux clubs qui forment très mal.
Plus d’ouverture et moins de suprématie !
On a parlé d’ouverture, et là Wadii Al Jary doit être plus souple et plus conciliant. Apparaître moins, déléguer plus et chercher des compromis avec ses détracteurs seront de bonnes idées. Personne ne conteste la réussite et les réalisations d’Al Jary, et celui qui dit qu’il n’a rien fait se trompe. Tenace, il est très fort dans l’art de mettre de côté ses rivaux. A tel point qu’il se trouve impitoyable, autocratique même avec ceux qui l’ont soutenu. Là, le président de la FTF doit bien réfléchir.
C’est l’homme fort du football tunisien, il a toutes les structures du football dans sa poche, mais n’oublions pas qu’à la longue, il va se trouver seul. Sans «amis», mais avec beaucoup d’ennemis. Et ces présidents de clubs, en majorité avides d’argent et de pouvoir, pourront vite changer de cap, et se retourner contre lui. Le système Al Jary, aussi blindé et intenable qu’il est, fait du bien en termes de résultats (financiers et à degré moindre sportif), mais en termes d’image, on a besoin de beaucoup plus de bonne gouvernance.
Le 100% de suffrages est quelque chose qui ne doit pas faire énormément plaisir à notre ami Wadii Al Jary. Au contraire, ça doit lui mettre davantage de pression. Va-t-il réussir à mettre un peu de démocratie et d’«humanité», à son style de direction? L’«Iron man» du football tunisien regarde un peu plus loin que notre football : maintenant, il vise la CAF comme palier de plus dans sa carrière. Il a tous les atouts pour réussir. Ce Wadii Al Jary est très fort, il vole seul, alors que ses adversaires versent dans l’émotionnel.