• Tarak Chérif : « Nous ne sommes pas marchands de rêves, explique Tarak Cherif, évidemment pour les deux ou trois mois, nos entreprises feront tout pour garder leurs employés, mais si la crise se prolonge, là il va falloir penser à la survie des PME qui manquent cruellement de moyens »
Alors que le chef du gouvernement Elyes Fakhfakh a annoncé samedi un ensemble de mesures économiques d’urgence destinées à sauver le pays d’une récession qui menace l’économie mondiale, la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (Conect) a réuni dimanche son Bureau exécutif national élargi pour inciter le gouvernement à aller encore plus loin dans sa politique de soutien au tissu économique, en vue de préserver les emplois et éviter la banqueroute pour bon nombre de PME soumises à une conjoncture difficile et une crise mondiale sans précédent.
Tout en saluant la batterie de mesures socioéconomiques décidées par le gouvernement, la Conect appelle l’Etat à en faire davantage et à adopter une politique volontariste à même d’amortir le coût économique du Covid-19. Selon la Conect, la première des mesures serait déjà que l’Etat règle au plus vite ses factures auprès des entreprises et des professionnels ayant réalisé des prestations pour lui. L’organisation patronale suggère un règlement de l’ensemble de ces dettes dans les 15 jours qui viennent.
Une bouée de sauvetage financière
La Conect demande en outre une « libération des cautions douanières ». Concrètement, les entreprises exportatrices paient des cautions lorsqu’elles importent de la matière en vue de réexportation. Ces cautions, qui doivent normalement être remboursées après finalisation de l’opération, ne le sont souvent pas immédiatement. Autrement dit, la libération de ces cautions douanières peut donner une bouffée d’oxygène à la trésorerie des entreprises.
Sur le plan de la politique monétaire, la Conect espère que la Banque centrale de Tunisie abaisse de manière substantielle son taux directeur. Un taux qui reste élevé selon les chefs d’entreprise, malgré la décision de la BCT, le 17 mars dernier, de ramener son taux directeur de 7,75 à 6,75%.
Par ailleurs, la confédération des patrons souhaite voir les banques et les institutions financières en général se tenir aux côtés des entreprises les plus fragiles en leur accordant davantage de facilité d’accès aux crédits de gestion « pour faire face aux engagements sociaux et commerciaux ».
La Conect demande également le report immédiat des charges fiscales et sociales, ainsi que la revue à la baisse des frais portuaires « pour les marchandises en souffrance aux ports compte tenu des perturbations au niveau des enlèvements ».
Supprimer des emplois pour en sauver d’autres
Mais paradoxalement, alors que le chef du gouvernement a préconisé dans les mesures annoncées la préservation des emplois et la pérennité des entreprises, la Conect demande, en plus de toutes les facilités, de « mettre en place des procédures administratives flexibles et rapides pour le chômage pour des raisons économiques, et d’un dispositif de répartition du coût en découlant, entre l’employeur, l’Etat et l’employé ».
Contacté par La Presse, le président de la Conect, Tarak Cherif, pragmatique, défend cette proposition en estimant qu’au vu de la conjoncture mondiale, il était tout à fait légitime d’envisager l’ensemble des scénarios plausibles.
« Nous ne sommes pas marchands de rêves, explique Tarak Cherif, évidemment pour les deux ou trois mois, nos entreprises feront tout pour garder leurs employés, mais si la crise se prolonge, là il va falloir penser à la survie des PME qui manquent cruellement de moyens. Une survie qui peut passer parfois l’abandon d’un petit nombre de collaborateurs pour permettre la préservation des autres emplois ».
D’ailleurs, Tarak Cherif est on ne peut plus clair, plusieurs PME sont déjà au bord du gouffre et il n’est pas certain que celles-ci puissent, dans l’immédiat, s’acquitter des charges sociales auprès de la Cnss du 1er trimestre 2020 et des charges fiscales du mois de mars. Il propose de reporter ces charges afin d’alléger le poids financier qui pèse actuellement sur les PME.
Ces propositions et les cris d’alerte lancés notamment par le patron de l’Utica, Samir Majoul, interviennent au moment où le Fonds monétaire international (FMI) prévoit une « forte baisse » de la croissance dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (Mena) cette année. Dans un rapport rendu public, le directeur régional du FMI pour la région MENA, Jihad Azour, encourage les gouvernements « à mettre rapidement en place des plans de sauvetage afin d’éviter une récession prolongée, une hausse du chômage et des faillites d’entreprises ». Par « récession prolongée », les économistes entendent « une dépression » économique qui signifie la chute de la croissance économique pendant plusieurs années au moins, avec son lot de conséquences gravissimes sur le plan social et politique.
Karim Ben Said