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Kairouan – Eau potable dans les zones rurales: Le calvaire des habitants

L’eau potable est, dans notre pays, un secteur sur lequel porte la politique du développement socioéconomique d’où la modernisation de l’infrastructure hydraulique et l’amélioration de la qualité de l’eau et des conditions d’approvisionnement en eau.
Dans le gouvernorat de Kairouan, à titre d’exemple, ce domaine a connu, lors des deux dernières décennies, une mutation qualitative et un accroissement important, ce qui a contribué à améliorer les conditions de vie de la population. Malgré cela, il reste beaucoup à faire d’autant plus que la région est l’une des plus défavorisées par la nature et dépourvues de programmes de développement socioéconomique.
En effet, non seulement le gouvernorat souffre d’une faible pluviométrie mais il peine, sous l’effet d’une insuffisante désserte en eau potable dans la plupart de ses villages, ce qui oblige des milliers de familles à s’approvisionner en eau par le biais de distributeurs privés dont les récipients sont souvent rouillés. D’autres qui souffrent d’absence de raccordement au réseau de la Sonede ont recours aux GDS (groupements de développement agricole) qui alimentent 190.000 ruraux, et ce, malgré l’existence d’énormes problèmes dus au non-payement des factures d’où les fréquentes coupures d’eau sachant que le coût du m3 est calculé sur la base des dépenses relatives à la maintenance du réseau, à la consommation d’énergie nécessaire à la production de l’eau ainsi que le paiement des ouvriers.
Ainsi, il suffit qu’un seul associé ne règle pas sa quote-part dans les frais de consommation pour que les vannes soient toutes coupées. Et comme il y a eu aggravation de l’endettement, des groupements ont abandonné les travaux de maintenance et sont dans l’incapacité de régler les montants de l’énergie et de l’achat de l’eau. D’ailleurs, les dettes des GDA auprès de la Steg s’élèvent à 2 milliards.
Notons que le taux général de desserte en eau en milieu rural est de 86%, puisque sur un total de 381.000 habitants, 327,000 sont abonnés en eau dont 35% à partir de la Sonede et 51 % des groupements hydrauliques.

Raccordements anarchiques
Par ailleurs 60.000 ruraux n’ont pas accès à cette denrée précieuse et se trouvent obligés d’avoir recours au marché illégal de l’eau avec un mode de stockage inapproprié, notamment lors de son transport.
D’autres procèdent à des forages de puits anarchiques et n’hésitent pas à casser les vannes et les canalisations de la Sonede afin d’avoir de l’eau gratuite. Ce phénomène s’est accru ces dernières années à tel point qu’on compte aujourd’hui plus de 14.000 raccordements anarchiques, dont les contrevenants utilisent l’eau potable pour leurs besoins quotidiens, mais aussi pour leurs parcelles agricoles, alors que d’autres villageois sont assoiffés.
C’est pour toutes ces raisons que la Sonede, le gouvernorat et le Crda organisent souvent des campagnes de sensibilisation relatives aux raccordements anarchiques, tout en prenant des mesures de lutte contre la soif surtout dans les douars dépourvus d’eau, tout en accélérant le rythme d’exécution des projets d’adduction en eau potable.
Malheureusement, on constate dans plusieurs villages l’existence d’opposants populaires aux différents travaux d’extension du réseau de la Sonede et qui revendiquent la priorité du raccordement de leurs zones d’habitation à la desserte d’eau potable. Cela sans oublier le chantage de certains propriétaires qui exigent beaucoup d’argent pour permettre la traversée des conduites de la Sonede dans leurs terrains. D’autres refusent la mise de conduites en amiante-ciment, un mode de desserte vétuste et exigent des conduites en polyéthylène ne risquant pas d’être bouchées par le calcaire.
Plus de 4 km séparent imadat Traza d’El Ala-Centre. La piste bordée de cactus est plutôt difficile. Ce qui frappe à première vue, c’est l’existence de plusieurs logements abandonnés; les villageois, dont Radhouène Rebhi et Salah Jaballah, nous expliquent que le chômage, la pauvreté et la rareté de l’eau potable ont obligé les gens à aller depuis longtemps dans les villes du Sahel à la recherche d’un emploi. Et beaucoup de jeunes filles que nous avons rencontrées, dans une source mal entretenue, nous ont dit que leur point de rencontre avec le monde, c’est cette source. C’est ici qu’elles viennent puiser l’eau, laver le linge et discuter de leurs rêves et de leurs problèmes.
Elles nous confient également que la soif oblige certains villageois d’El Ala à aller chercher l’eau dans des oueds remplis de têtards, ce qui engendre beaucoup de maladies. Et puis, la plupart des villageois que nous avons rencontrés sont lassés de faire le pied de grue devant une fontaine publique pour remplir leurs bidons et puis de faire plusieurs kilomètres pour regagner leurs domiciles, sous la pluie ou sous une température frôlant les 40 degrés.

75% des écoles ont recours aux GDA
Dans le gouvernorat de Kairouan, il existe 250 GDA dont 100 pour l’irrigation et 150 pour l’eau potable. En outre, 75% des écoles primaires s’approvisionnent en eau par l’intermédiaire des groupements qui stoppent leurs livraisons en cas de non-paiement des factures. D’où les problèmes vécus par beaucoup d’institutions éducatives dont les élèves sont obligés d’apporter avec eux dans leurs cartables des bouteilles d’eau.
On cite les exemples de la délégation de Bouhajla où 30 écoles sur les 42 existantes sont assoiffées, de Sbikha où 27 écoles sur 37 ont des problèmes d’approvisionnement en eau, de Haffouz et d’El Ala où toutes les écoles sont assoiffées. Même chose à Nasrallah où 92% des écoles n’ont plus d’eau.
Par ailleurs, beaucoup de villages n’ont plus accès à l’eau à cause des créances envers les GDA, tel le village de Bougabrine (délégation de Menzel Mhiri) qui n’a plus d’eau depuis 6 mois à cause des dettes estimés à 35.000D, d’où le calvaire de 40 familles qui sont contraintes de boire d’un puits pollué. Même constat à Oueslatia où le village d’El Menzel a des dettes de 55.000D de Ryhanne (57.000D) et de Hendy Amri (29.000D).
N’oublions pas dans ce contexte que la Steg a accepté le réechelonnement des dettes afin de permettre aux associations hydriques de s’en acquitter et de limiter le nombre de dossiers judiciaires et de permettre aux villageois d’avoir accès à une eau saine dont la disponibilité est un critère essentiel pour réaliser le développement durable face à la multiplication des phénomènes climatiques défavorables dont la sécheresse ou les inondations.
Parmi les GDA a qui ont pu sortir du tunnel, on peut citer celui de Kssar Ellamsa qui avait des dettes de 19.000D et qui a réussi à tout payer et à avoir aujourd’hui des gains estimés à plus de 30.000D.
Comme quoi, il suffit d’être honnête, correct et crédible pour pouvoir résoudre les problèmes les plus difficiles.

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