Le directeur central de l’UGP (unité de gestion du projet de station de dessalement de l’eau de mer de Zarat à Gabès), Fethi Kamel, explique dans une interview accordée à l’agence TAP l’alternative du dessalement à la fois prometteuse et coûteuse.
D’après vous, est-ce que, financièrement et techniquement, le dessalement est la meilleure alternative pour mobiliser des ressources en eau en Tunisie ?
Le dessalement d’eau saumâtre et d’eau de mer est un pilier de la stratégie nationale de mobilisation des ressources en eau, en particulier pour les ressources non conventionnelles. Il est devenu, en Tunisie, une solution incontournable pour satisfaire les besoins accrus de la population en eau. Il s’impose parce que toutes les nappes souterraines du pays sont surexploitées.
Le dessalement est une technique bien maîtrisée à l’échelle mondiale et en Tunisie. La capacité mondiale de production d’eau dessalée a dépassé 100 millions de mètres cubes par jour alors qu’elle n’est que de 250 mille m3 par jour, en Tunisie.
D’après des experts, il faudrait plutôt opter pour le renouvellement et la réhabilitation du réseau de la Sonede, que pour le dessalement. Qu’en pensez-vous?
Je crois que les deux axes doivent être menés en parallèle. Il est important de maîtriser la demande en eau entre autres par la mise en œuvre de la stratégie d’économie d’eau, basée sur la détection et la réparation des fuites et la réhabilitation des réseaux vétustes.
Combien de stations de dessalement sont en service en Tunisie ?
Il y a une centaine de stations de dessalement en Tunisie de différentes tailles. La Sonede gère plus de 15 stations de dessalement qui représentent environ 60% de la capacité de dessalement dans le pays.
Les stations les plus importantes en service sont la station de dessalement de l’eau de mer de Djerba, d’une capacité de 50.000 m3/j extensible à 75.000 m3/j, la station de dessalement de l’eau saumâtre de Gabès, d’une capacité de 30.000 m3/j et la station de dessalement de l’eau de mer du Groupe Chimique à Skhira, d’une capacité de 12.000 m3/j.
Le coût de dessalement d’un mètre cube d’eau de mer avoisine les 3 dinars. La part de l’énergie représente 40% du coût, l’amortissement 40%, l’entretien 10% et le reste de composants, 10%.
En Tunisie, la technique de dessalement souvent utilisée est l’osmose inverse. Est-ce qu’on peut recourir, chez nous, à l’énergie solaire pour amortir le coût de cette technique énergivore ?
L’osmose inverse est la technique la mieux adaptée pour le contexte technico-économique tunisien. Il s’agit d’un procédé de séparation de l’eau et des sels dissouts, au moyen de membranes semi-perméables sous l’action de la pression (54 à 70 bars pour le traitement de l’eau de mer). Ce procédé fonctionne à température ambiante.
La consommation spécifique d’énergie du mètre cube d’eau de mer d’énergie est estimée à 3kWh/m3. A cet effet, le recours aux énergies renouvelables est appréciable. L’expérience de la Sonede dans l’utilisation de l’énergie solaire photovoltaïque est développée dans sa station de dessalement de Ben Guerdane (Médenine), où sont installés des panneaux solaires d’une capacité 212 kW crête.
Dans quelle mesure la rénovation des conduites de la Sonede permettra de réaliser des économies d’eau et d’argent ?
La Sonede procède déjà à la rénovation des conduites mais à un rythme faible vu sa situation financière. Certes, la rénovation des conduites permettra d’améliorer le rendement du réseau. En parallèle, le dessalement est nécessaire pour augmenter la capacité de production de l’eau. Il ne s’agit pas seulement de mobiliser des ressources en eau mais aussi d’en améliorer la qualité, pour ne pas dépasser 1,5 gramme de sel par litre.
La Sonede est en train de mettre en œuvre un programme de dessalement de l’eau de mer. Dans ce cadre, des projets ambitieux sont en cours de réalisation, dont la station de dessalement de Sousse d’une capacité de 100.000 m3/j, qui sera mise en service en 2021.
La station de dessalement de Zarat à Gabès, d’une même capacité de 100.000m3/j, entrera en production également en 2021 et la station de dessalement de Sfax, d’une capacité prévue de 200.000m3/j, sera opérationnelle en 2023.
Meriem Khadraoui (TAP)