Accueil Economie Hamdi Hached, Ingénieur en environnement : “Le réchauffement climatique peut aggraver notre déficit énergétique” 

Hamdi Hached, Ingénieur en environnement : “Le réchauffement climatique peut aggraver notre déficit énergétique” 

La lutte contre le réchauffement climatique occupe peu de place dans le débat public, pourtant elle est cruciale dans la mesure où elle peut conditionner tout un modèle de développement économique. Avec Hamdi Hached, ingénieur en environnement et inventeur du biocarburant à base d’algues marines, nous avons essayé d’expliquer d’une manière simple et succincte certaines notions relatives à ce phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Interview.


Compte tenu du “déni du réchauffement climatique” prôné par les climato-sceptiques, peut-on affirmer que le réchauffement climatique existe bel et bien et est un fait réel ? 

En effet, les climato-sceptiques représentent 3% de la communauté scientifique. Ils considèrent que le changement climatique n’existe pas et que le réchauffement climatique est un processus naturel qui prend lieu périodiquement, qui n’est pas dû à l’activité de l’homme et qui est un phénomène tout à fait naturel. Ce sont généralement des lobbies soudoyés par des cartels de l’industrie, notamment de l’énergie dans l’objectif de contrecarrer les défenseurs de l’environnement qui appellent à rompre avec le modèle de développement économique qui est énergivore. Or, ceci n’est pas vrai.

Il y a plusieurs indices qui montrent que le réchauffement climatique s’est accentué suite à l’action de l’homme. Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’on vit dans une sphère et suite à la révolution industrielle qui a eu lieu vers la fin du XVIIIe siècle, les émissions des gaz à effet de serre n’ont cessé de croître d’une manière astronomique. Evidemment, cette augmentation a, inéluctablement, impacté la composition de l’atmosphère.

L’effet de serre s’est accentué et c’est ce qui a engendré une augmentation progressive de la température. Actuellement, le réchauffement est estimé à une moyenne de 1.3₀C. Et depuis des années, on observe des phénomènes climatiques extrêmes qui sont liés directement à cette hausse des températures.

Si on considère que le monde est divisé entre les mauvais et les bons élèves de la transition écologique et de la lutte contre le réchauffement climatique, de quel côté serait la Tunisie ? 

On peut dire que la Tunisie est un mauvais élève qui fait de son mieux pour être un bon élève. En effet, sur le plan théorique, on tient des séminaires, la Tunisie participe activement aux sommets mais sur le plan pratique, il n’y a pas assez de mesures concrètes et d’actions  palpables.

Après, lutter contre le changement climatique, ce n’est pas une problématique dont on débat dans les séminaires mais ce sont des efforts qu’on déploie et des actions qu’on mène au niveau de notre écosystème pour changer le modèle économique mais également à l’échelle individuelle pour changer le comportement de consommation. Il y a certains progrès mais ce n’est pas suffisant.

Quelles sont les principales composantes de la lutte contre le changement climatique ?

La lutte contre le réchauffement climatique s’articule autour de deux principales actions à savoir l’adaptation et l’atténuation.  Etant donné que c’est un phénomène qui est dû, en premier lieu, à l’action de l’Homme, c’est à l’Homme de changer son comportement que ce soit à l’échelle micro ou macro. A l’échelle micro, il s’agit de changer le comportement du consommateur qui est appelé à consommer local.

La préservation du milieu naturel, l’abandon des habitudes énergivores, la réduction de l’utilisation de l’emballage et de tout produit dont l’empreinte écologique ou empreinte carbone est élevée. L’action à l’échelle macro concerne les Etats, les gouvernements et les multinationales qui sont appelés à entreprendre un changement radical pour assurer la transition vers une économie plus propre avec moins d’émission de carbones.

La question environnementale demeure le parent pauvre des politiques publiques. Par quoi expliquez-vous ce  désintérêt manifesté par les politiques pour cette question. 

Effectivement, en Tunisie, on ne prend pas au sérieux la question environnementale. La majorité des décideurs et des politiques ne considèrent pas que la question environnementale est un problème majeur qui provoque de graves répercussions. Ils estiment que cette question peut être reléguée au second plan, niant, de ce fait, la gravité et l’urgence de cette problématique. Ils ne sont pas conscients de l’ampleur de l’impact du réchauffement climatique d’autant plus qu’ils n’impliquent pas la communauté scientifique dans la prise de décision.

Il y a aussi un autre problème, c’est que chaque ministère est cloisonné et travaille d’une manière unilatérale sans coordination avec d’autres départements impliqués dans cette entreprise.

Quelles sont les répercussions économiques du réchauffement climatique ?

L’augmentation de la température aura des incidences sur plusieurs secteurs. La hausse des températures durant la période estivale (ou la baisse des  températures durant la période hivernale) entraînera une explosion des besoins en énergie que ce soit pour la climatisation ou pour le chauffage. Ceci va aggraver le déficit de la balance énergétique du pays étant donné qu’on n’est pas autosuffisant en hydrocarbure.

D’autre part, il y aura la raréfaction des ressources hydriques qui affectera  le rendement du secteur agricole. Certaines filières vont même péricliter comme l’arboriculture, notamment la culture des agrumes et des oliviers. L’effondrement des glaciers est inévitable et va entraîner une augmentation du niveau de la mer, notamment dans la région de la Méditerranée. Les zones côtières de la Tunisie ainsi que leurs infrastructures touristiques seront également  menacées.

Une autre conséquence du réchauffement climatique est liée au développement des maladies comme le coronavirus. Le changement des facteurs météorologiques et climatiques comme la température et l’humidité sera à l’origine de la prolifération de certains porteurs de maladie comme la malaria ou la leishmaniose dans de nouvelles  zones géographiques favorisant un agrandissement de  leurs aires de répartition géographique pour englober la Tunisie et l’Europe, sans oublier la recrudescence des feux de forêts qui constitue également une des principales conséquences du réchauffement climatique.

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